202102   -   Le MANÈGE ENCHANTEUR aux LILAS   -   racines du 93

FB1   FB1b   FB2   FB3   FB4   FB5   FB6   FB7   FB8   FB9   FB10   FB11   FB12   FB13   infoslilas p27


1 - Le manège enchanté

Tournicoti, tournicoton: c'est avec ces mots qu'on entrait dans le Manège enchanté, une quotidienne de 5 mn lancée en 1963 sur notre TV nationale (la RTF). Les tout petits se retrouvaient devant l'écran familial d'une télévision qui n'avait encore qu'une seule chaîne. C'était il y a une éternité (presque 60 ans!), mais demandez autour de vous et vous verrez qu'ils sont nombreux ces adultes encore capables de fredonner la musique du Carrousel de leur enfance. Pollux, Margotte et Zébulon nous font encore tourner la tête (à écouter ici: youtube)

2 - Les militaires mènent la danse

Les origines du carrousel sont militaires. Elles remontent à ces suites d'exercices de combat ou de parade à cheval, importées d'Italie au 16°siècle. Elles vont peu à peu se substituer aux tournois, jugés trop violents. Aux 17° et 18°siècles, à l'Hôtel de Bourgogne notamment, ce sont de véritables spectacles équestres et musicaux que les cavaliers exécutent devant sa majesté le Roi. Expression de l'équitation savante, les figures exigent une préparation et une science exceptionnelles que seuls peuvent encore maitriser aujourd'hui les cavaliers de la Garde Républicaine ou du Cadre Noir de Saumur

3 - Chevaux de bois  

Les premiers carrousels de loisir sont une adaptation conçue pour les civils. De vrais animaux sont attachés au bout d'une corde et tournent autour d'un piquet. Le privilège de monter n'est plus réservé aux seuls nobles et militaires. Puis, avec la révolution des machines à vapeur, les vrais chevaux sont remplacés par des reproductions en bois. Ils apparaissent vers 1860 en Europe et 15 ans après aux États-Unis (Coney Island 1876). Ils tournent tous dans le sens giratoire (sauf chez les Anglais qui ne feront jamais comme tout le monde). Certains de ces manèges historiques sont encore exploités. On peut ainsi embarquer sur celui de Prague (parc Letna) ou sur le Stoomcarrousel des Pays-Bas (1895, ré-installé en 1956 au parc d'Efteling). Pour les faire tourner, le moteur électrique a remplacé la vapeur des débuts.

4 - Une âme d'enfant

Le temps d’un tour de manège, tout devient possible. L'enfant peut s’aventurer sur les routes à cheval, à vélo, en voiture, en moto ou en train. Il peut se lancer à l’eau et devenir matelot, canotier ou gondolier. Il peut goûter l’ivresse de l’air en montgolfière ou en avion, tutoyer la lune et les étoiles à bord d’une fusée. Le tour de manège est une des premières expériences d’aventure et de liberté : donner son ticket, voir ses parents s’éloigner et prendre peur, avant de les voir réapparaître au bout d’un tour et se rassurer.

5 - Les 1ers aux Lilas

On trouve manège et balançoires dans la cour du Moulin de la Galette (rue Floréal, côté Bagnolet). Sans doute aussi à la fête foraine qui se tient dès 1883 place Paul de Kock (square du théâtre aujourd'hui). Les fêtes annuelles sont autant d'occasions pour les retrouver (patronale au début, puis de printemps, d'automne, du pays). Mais c'est toute l'année que fonctionne le manège de madame Robert, avenue Pasteur. Claude B. se souvient encore : "Lorsque j'étais jeune, après guerre, il y avait un manège en allant à la Porte des Lilas sur le trottoir de gauche, sur un petit terrain à un angle de rue; peut-être au niveau de la rue des Frères Flavien aujourd'hui. Le propriétaire se plaçait au centre de son manège et le faisait tourner en poussant avec son épaule. Il y avait aussi une fête foraine annuelle Boulevard de la Liberté. Elle commençait au niveau de la rue Raymonde Salez et finissait rue Jacques Catric. Pendant les 8 jours de la fête, un manège faisait s'envoler les enfants, chacun suspendu dans une nacelle accrochée par quatre chaines"

6 - Place de la Mairie

Le manège que nous connaissons aujourd'hui s'est posé aux Lilas, pour les fêtes de Noël, il y a 25 ans. A vrai dire, en 1995, il était un peu plus grand et la place un peu plus petite. Les mariés sortant de la cérémonie entraient directement dans la fête! Depuis que la place est rénovée en 2011, il peut rester 8 mois et 1/2 chaque année. C'est un modèle pour tout petits qui tourne désormais. Les chevaux et véhicules sont suspendus au mécanisme qui les entraîne par le haut. En cette période de distanciation, les enfants disposent de plus de place, puisqu'il n'y a plus que deux véhicules à tourner de front, au lieu de trois initialement. Le manège date de 1926. Les Croizier l'ont racheté en 1975 et ne cessent de l'améliorer et de le bichonner depuis. Ils construisent eux-même les nouveaux véhicules. Pour amener et installer cet équipement, toute la famille s'y met. C'est d'ailleurs en passant son permis super-lourd que Flore a rencontré son mari. Son arrière-arrière grand père Georges Charles Eugène Croizier tenait déjà un manège à vélos de cuivre à la Nation (ex foire du Trône). Auparavant itinérants, les membres de cette famille se sont peu à peu fixés. Aujourd'hui sa mère Catherine exploite un manège au Vésinet et son frère un autre à Rueil Malmaison. Ils ont ça dans leur ADN? Peut-être; et pourtant, à l'origine Flore devait être comptable (et Catherine architecte). 5 générations de forains par son père, quatre par sa mère, on ne se refait pas. Un peu Mary Poppins dans sa tête, le plaisir qu'elle partage avec les enfants est aussi le nôtre. Elle apporte à nos vies et à notre ville ce brin de fantaisie et cette touche de charme qui font qu'on s'y sent bien.

7- Cinq générations de forains

De père en fils -et de mère en fille- le métier se transmet. Entre gens du métier, on se côtoie, on se rencontre et on se marie parfois. C'est ainsi que Flore a des aïeux "banquiers" jusqu'en 1890, des deux côtés, tant paternel que maternel. Avant cela, ses ancêtres étaient : palefrenier, charpentier, commis de poste, laboureur, tonnelier, cultivateur, gazier, charretier (du côté de son père) ou vernisseur, couturière, ébéniste, menuisier, cabaretier, aubergiste, tisseur, maçon, lingère.. (du côté de sa mère). Tous savaient déjà quoi faire de leurs dix doigts. Après, on les retrouve : photographe, forain, directrice des jeux, industrielle foraine, marchand forain.. Aujourd'hui, Flore tient le manège des Lilas 8 mois et 1/2 par an. Son frère, en anime un autre à Rueil Malmaison et sa mère, un troisième au Vésinet. Ils se qualifient de "fixes" plutôt que d'itinérant comme auparavant, quand il fallait monter et démonter son chapiteau, au gré de l'agenda des foires d'Ile-de-France. Mais, avec une présence au guichet 7 jours sur 7, le rythme n'est toujours pas facile à concilier avec une vie de famille. Parmi les membres de cette grande famille de forains depuis 1890, aucun ne dira le contraire parmi les Croizier, Hennerich, Mignot, Carillon, Querrec, Cornec, Colette, Ehr ou Rigaud, Bernard, Virly, Imbert, Steurer, Vavre, Promonet, Rey. 

8 - Cinq dates pour le manège de la mairie : 1926, 1975, 1995, 1999, 2011 

L'attraction qui attire nos enfants aujourd'hui a été construite en 1926. En 1975, les Croizier la rachètent et la font tourner en région parisienne. Mais, en 1995, c'est avec un autre manège, plus grand et avec d'autres sujets qu'ils sont acceptés aux Lilas, devant la mairie. La place était plus petite qu'aujourd'hui. Le manège ne pouvait rester que durant les deux semaines des congés de Noël, car posé juste devant l'escalier de la mairie, l'espacement était mesuré. Certains jeunes mariés de cette fin d'année commençaient presque leur voyage de noce par un tour en soucoupe volante! 1999 : la tempête Lothar du 26 décembre met à terre l'équipement, déchirant sa toile et tordant ses tubes. 2011 : la place est agrandie et entièrement remodelée. C'est le manège 1926 qui s'installe désormais, et pour une durée bien plus longue de 8 mois 1/2.

9 - ​Douze Sujets qui tournent

Vous tenterez sûrement de les reconnaître, la prochaine fois que vous achèterez votre ticket pour faire monter votre enfant. On y voit de tout : 1) avion jaune de l'Aéropostale  2) bus vert les lilas-bastille 'CTP n°5"  3) voiture de pompiers rouge à échelle  4-5), cheval blanc & chenille verte  6) scooter vespa bleu "betty boop"  7) tonneau rouge tricycle  8) bateau rouge et blanc à voile bleue "Thalassa"  9) loco rouge"5792"  10-11) cheval noir & éléphant gris  12) on ne montera pas sur le 12°, puisque ce beau cheval blanc, à la crinière noire ondulant au vent, est juché au desus du chapiteau, tout en haut du mat central. Tous les sujets sont repeints ou améliorés au fil des ans. C'est ainsi que, dans le passé, l'actuel avion de la poste était militaire, armé et couleur vert camouflage ou que la voiture de pompier était bleue et sans échelle. Sans doute mieux adapté aux tout-petits qui embarquent pour un moment de rêve et d'évasion.   

10 - Douze frontons peints

Allez, avouez donc que vous n'avez jamais bien regardé les peintures qui surplombent le manège, en bordure de la toile. Illustratives et naïves, on y reconnait : carrousel 1926, voitures de course, motards, voitures de course anciennes, bateaux de plaisance, voitures de course, cyclistes à vélo, voitures de course, coureurs à pied et cyclistes, voiture de dion bouton, cycliste femme aux oies et coureur cycliste, bateau à voile. Les miroirs -victimes des intempéries- sont promis à un renouvellement de leur éclat pendant la prochaine pause de février.

11 - Peintures centrales

Elles tournent avec les sujets et on les perçoit, sans prendre le temps de les regarder. Ce sont des sujets romantiques, des femmes enrubannées, des fleurs ou des angelots rococo qui nous font tourner la tête ou plutôt qui tournent avec nous. Ils ornent le** pivot central et le plafond au-dessus des sujets. Le hasard a voulu que l'artiste qui les a peints**, il y a 45 ans, avant que le nom des Lilas ne soit évoqué comme point de chute, et bien ce peintre a remisé ses pinceaux depuis et habite les Lilas à présent. Il a ainsi tout loisir de voir son oeuvre continuer de faire son petit effet.

12 - Foire et Carrousel : la fête en héritage

Retour en Avril 1900, la Fête au Pain d'Epices prend ses quartiers sur la place de la Nation (anciennement place du Trône). Elle s'étend sur le cours de Vincennes, gardé par les deux colonnes de la barrière d'octroi (montées par Nicolas Ledoux, juste avant la révolution). 

La tradition de cette foire est fort ancienne, puisqu'elle remonterait à 1719, et même à 1222 sous un format plus simple. Le fameux cochon en pain d'épices (qu'on achète sans jamais le manger) date de 957, quand le roi Lothaire accorde aux moines de Saint Antoine le privilège d'en faire commerce. 

En juillet 1900, le métro de la toute 1ère ligne (la n°1) entre en service. Il reliera l'Est de la Capitale et sa Foire du Trône à l'Ouest et son Exposition Universelle. En attendant, les forains se sont installés (on les appelait aussi des "banquiers", les 1ers d'entre eux réalisant leurs tours, debout sur un banc). 

Entre les chapiteaux, l'œil est vite attiré par le "Cycle Moderne" de monsieur Mignot. C'est le 1er "manège vélocipédique", construit par l'arrière-arrière-grand-père de notre Flore Croizier des Lilas. Les vélos brillent de tous leurs cuivres. Il faut pédaler tous ensemble pour faire démarrer et tourner le manège. 

L'attraction de son aïeul est sensiblement plus imposante que celle de Flore aujourd'hui aux Lilas, dont le manège se monte ou se démonte en une journée. Mais attention, le prochain démontage est pour lundi 1er février. Ceux qui n'auront pas donné leur jeton à "la dame du manège" devront attendre son retour fin février.

13 - Pour conclure

Cette balade foraine lilasienne nous a menés du cochon de St Antoine au manège 1926, en passant par l'expo universelle et la Foire du Trône. Elle s'achève ici.

Merci à Flore Croizier, la "dame du manège", pour avoir accepté en toute simplicité de partager ses souvenirs personnels et familiaux, ainsi que de précieuses archives et photos anciennes.