202112

Le boulevard de la LIBERTE fête ses 110 ans   -   racines du 93

1- Le 22 octobre 1911, on inaugure le boulevard de la Liberté, aux Lilas. Il était temps car la transformation de l'ancien chemin vicinal 36 bis était demandée depuis 1905 par le maire Decros. Cette grande artère doit délester la rue de Paris et rejoindre directement le bourg de Romainville. En peu de temps, elle se pare de quelques beaux immeubles. Mais sait-on qu'elle tient son nom du cuirassé "LE Liberté"? On rend ainsi hommage aux marins victimes de l'explosion de leur navire, le 25 septembre 1911. Alors qu'il est à quai dans le port de Toulon, un feu localisé près des munitions se propage, et ce, malgré les efforts pour noyer la soute. À 5 h 53 le navire explose, emportant 200 hommes d'équipage et une centaine d'autres marins des navires les plus proches. Des funérailles nationales sont organisées le 3 octobre 1911. C'était trois semaines avant que le nom de notre nouveau boulevard ne soit adopté.    FB1


2- Et depuis 110 ans, avec ses 2.400 mètres bordés d'arbres, le boulevard de la Liberté relie les deux villes-soeurs des Lilas et de Romainville, de la mairie des Lilas à la place Carnot. Distinguons pourtant  ses trois parties (1/4  1/4  1/2) qui ont gardé leur nom... ou pas.

- De la mairie des lilas à l'av des combattants en Afrique du Nord, seuls ces premiers 420 mètres conservent encore aujourd'hui leur appellation d'origine.

- De l'avenue des combattants en Afrique du Nord à la rue de la Liberté. En 1948, le 22 juin, on rebaptise ces 510 mètres du nom du Général Leclerc qui vient de périr sept mois plus tôt, dans un accident d'avion au Sahara. C'est à lui que la France doit la reconstitution de l'armée d'Afrique en 1943, puis, au commandement de la 2°DB en 1944, la libération de Paris en août, suivie de celle de Strasbourg en novembre.

- De la rue de la Liberté à la place Carnot. Les 900 mètres romainvillois n'ont pas gardé plus de quatre ans leur nom de baptême. Dès octobre 1916, la mairie de Romainville décide d'honorer les 300.000 poilus restés dans les tranchées de Verdun, et tous ceux qui ont "tenu bon" face à l'ennemi. Le 19 octobre, l'avenue de Verdun apparaît sur les plans de notre voisine.   FB2


3- Voyons maintenant comment la vie s'est construite autour de son parcours


Au n°1, en 1937, le métro, tant voulu et défendu par le maire Eugène Decros, arrive enfin à la mairie des Lilas, au croisement du bd de la Liberté et de la rue de Paris. Les rails de la ligne 11, arrêtés à la porte des Lilas depuis deux ans, sont enfin prolongés de 800 mètres, jusqu'au terminus Mairie et à la station de garage, 600 mètres plus loin (n°17). En 1994, une fresque du poinçonneur des Lilas, thème d'une chanson de Serge Gainsbourg, est peinte par l'artiste Philippe Pena, sur le pignon de l'immeuble derrière la bouche de métro principale.    FB3


4- Au n°3, derrière la fresque, qui se souvient aujourd'hui de l'ancienne église Weymiller? Le tracé du nouveau boulevard qui passait en son milieu obligea en effet à la démolir. En 1869, l’abbé Boyer y avait transféré le cœur de sa paroisse. C'était en louant l'ancien théâtre Weymiller, reconverti pour l'occasion à de plus sages destinées. Sur les cartes postales anciennes, on reconnaît le bassin aux poissons rouges, adossé à l'emplacement de l'ancien bâtiment . La solution provisoire dura jusqu'en 1887, date d'un nouveau transfert de l'église vers le 26 rue de l'Avenir (Jean Moulin)   FB4


5- En face, au n°2, durant la nuit du 18 avril 1944, les bombes alliées ne tombent pas toutes sur la gare de Noisy. Aux Lilas, trois endroits sont durement touchés. Au n°2 bd de la Liberté, le couple Lambert est enseveli dans l'effondrement de la façade de leur immeuble.   FB5   FB5b


6- Aux n°4-6, notre Poste actuelle ouvre ses portes en février 1964. Précédemment située au coin des rues Esther Cuvier et Jean Moulin, il aura fallu attendre plus de 30 ans pour que le projet du maire Decros (1932) se concrétise. L'immeuble d'HLM "Pierres et Lumière" de huit étages permet enfin d'abriter le nouveau service, au niveau du rez-de-chaussée.   FB6


7- Au n°30, le Gymnase Liberté affiche sa façade inspirée des colonnades de la Grèce antique depuis 1931. Quant aux vastes fenêtres, l'architecte Léopold Bévière, en charge de la reconstruction de tout le groupe scolaire Romain Rolland, s'est de nouveau inspiré du Trianon de Versailles, comme pour la Salle-des-Fêtes en 1904. Les matériaux appartiennent pourtant à l'époque industrielle, avec la brique en façade et le béton pour les menuiseries. Pour l'anecdote, lever la tête devant l'édifice vous permettra de découvrir, tout en haut, le blason non-officiel de notre ville, le même que celui en façade de l'école Romain Rolland.   FB7


8- A l'emplacement des n°42-44, habite Auguste Thomas-Anquetil, jusqu'à sa mort en 1882. C'est lui qui commande la compagnie des Francs-tireurs des Lilas, à Paris en 1870, durant l'héroïque 1er siège contre les Prussiens.   FB8


9- On est allé au cinoche pendant 30 ans, au n°50 (actuel A market, labo d'analyse avant). L'Alhambra y devient en 1934 la 3ème salle de cinéma dont peuvent profiter les Lilasiens (1908=le Parc des Bruyères, 1914=le Magic). 1.226 spectateurs peuvent assister aux films projetés par Robert Schaffner, jusqu'à la dernière séance, en juin 1963. La petite lucarne prenait la place du grand écran.   FB9


10- Au n°53, le boulevard de la Liberté longe le côté sud de l'ancienne usineRoziere fabrique ses arômes au goût d'oignon, pour bouillons et ragoûts. En 1868, il est le premier industriel à installer sa production aux Lilas. Il réside à côté de son usine, comme beaucoup des patrons de son époque. L'imposante maison de maître ouvre sur des serres et un jardin d'agrément. La production est assurée en 1889 dans d’immenses bâtiments de 2 étages de 5.000 m2. Les livraisons à partir d'un pont-roulant sont incessantes. En 1931, on emploie 35 employés: une quinzaine pour l’arôme et les Pastilles Rozière, une dizaine pour le savon de Panama, dix autres pour la Panamine. L'emballage des pastilles se fait à l'extérieur, chez des ouvrières qui les conditionnent dans des boîtes de 5 kilos.   FB10   F10b


11- Au niveau de l'allée du Dr Calmette (n°53 bd Leclerc aujourd'hui), on traverse l'ancienne Cité-jardins, où se faisaient face les allées des Dahlias au sud et Joseph Dépinay au nord. Les architectes Pelletier et Teisseire y construisent en 1921, une cité expérimentale de 6 ha. Semi-provisoire, elle est conçue pour quinze ans. avec des matériaux économes, pour la plupart en parpaings de mâchefer préfabriqués. Les 179 pavillons présentent une belle homogénéité, par leurs façades et leurs toitures. Quelques petits commerces, mais pas de nouveaux services communaux, vu la proximité du centre-ville. Dix ans après, des immeubles collectifs complètent le projet sur 2 ha, au nord de la rue de Paris. En 1973, la cité-jardins aura vécu plus de 50 ans. Vétuste, elle est remplacée par l'ensemble des Sentes qu'on connaît aujourd'hui. Plus densifié, on le doit à l'architecte Benoît Pouvreau.    FB11


12- Juste en face, Serge Gainsbourg est déjà là au n°56 bd Leclerc, avec l'esplanade à son nom, et la station de la ligne 11 prolongée qui devrait ouvrir fin 2023.   FB12


13- Enfin, en 1920, le fabricant de meubles métalliques Ronéo a installé son usine au n°120 boulevard de la Liberté (n°76 Général Leclerc). Après-guerre, les ventes explosent, atteignant leur zénith en 1958. La société est alors présente dans la totalité des ministères français et la plupart des grandes entreprises du pays. Les bureaux s'installent en face, au n°139 (n°83 Général Leclerc) et le long de la Sente Giraud. En 1982, la production déménage complètement à Noyon (60). L'usine des Lilas disparaît au profit d'immeubles d'habitation (la Demeure familiale). En 1991, Ronéo finit de quitter les Lilas pour l'Oise. Les bureaux sont remodelés en un centre d'affaires, occupé dans un 1er temps par Nokia.   FB13


14- Quoi de neuf en 2021? Un réaménagement complet de la circulation privilégie désormais  les circulations douces, avec une voie pour vélos double sens et une voie unique pour voitures. Pour les cyclistes, la liberté de circuler fait son grand retour.   FB14


15- Sources & références