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La Zone aux portes des Lilas, un No-man's-land à l'ombre des FortifsAUDIO 

Les Fortifications: un mur pour protéger Paris de l’ennemi

En 1840, (bien avant la naissance des Lilas en 1867), Adolphe Thiers, Président du Conseil sous Louis-Philippe, fait voter la "loi des Bastilles". A l'issue des combats de l'empire contre les armées russes, et l’occupation de Paris par les Cosaques en 1814-1815, la capitale avait révélé ses faiblesses. L'hypothèse d'une nouvelle guerre n’effraie pas Thiers, mais il est obsédé par la protection de la capitale et des parisiens. Il enferme Paris dans un corset de fortifications à la Vauban (1689!) avec un mur de 35 km complété de 16 forts détachés, dont celui de Romainville. 

Première conséquence, en 1860, les limites de la capitale sont étendues jusqu'à ces fortifications, englobant onze villages dont ceux de la Villette et Belleville. 30 ans après, ce nouveau dispositif militaire se révélera peu efficace, ne retardant que de quelques semaines l'entrée des Prussiens dans Paris, à l'issue du siège de 1871. Dès 1882, on envisage sa suppression. La mécanisation et l'évolution fondamentale de la pratique militaire en 1914-18 amènent finalement à considérer les fortifs comme bien inutiles. Elles seront déclassées en 1919 et détruites à partir de la même année, autorisant une réhabilitation à partir de 1929.

A l’ombre des fortifs, c’est la Zone

Pour nous Lilasiens, c'est l'extérieur du mur d'enceinte qui nous intéresse. Une bande de terre de 250 m de large avait été déclarée non constructible, pour ménager la visibilité des défenseurs de Paris. Le fossé et le glacis entre les fortifs et la banlieue constituaient ce qu'on appellera la ZONE (zone non aedificandi). Avant même la démilitarisation de l'enceinte de Thiers, c'est une population pauvre (les zoniers ou zonards) qui avait commencé à s'installer sur ces terrains, en y construisant des habitats sommaires, des bidonvilles : petit peuple parisien chassé par le prix des logements, ouvriers venus transformer le Paris du second Empire, paysans transformés en prolétariat urbain. 

La zone s'est vite couverte de baraques, cabanes et roulottes, à tel point qu’en 1912 on recense autour de Paris plus de 12 000 constructions et 30 000 personnes (beaucoup d’enfants et de personnes âgées) vivant sur les 8,75 km2 de la zone. Il n’y avait ni eau, ni électricité, ni égouts. L’insalubrité provoquait régulièrement des épidémies, amenait la tuberculose. De petits ateliers s'installent, des commerces aussi et surtout un habitat précaire va voir le jour. Certains des zoniers ont un emploi (ouvriers, couturières, blanchisseuses…). Pour les autres (chiffonniers, éboueurs, récupérateurs en tout genre qui approvisionnaient la foire aux puces), c'est la débrouille. C’était aussi un lieu des commerces illégaux et de racolage, suscitant de célèbres affrontements entre bandes rivales autour de leur planque.

Le dimanche sur la Zone

Avant 1870, les familles parisiennes venaient prendre l’air le dimanche, au delà de l'octroi. On y pique-niquait pendant que les enfants jouaient au gendarme et au voleur. C’était un peu la campagne à Paris, le lieu des premiers flirts. La Bande à Bonnot y avait sa planque; leur voiture fut d’ailleurs retrouvée dans un garage des Bruyères. 

D’autres noms évocateurs ont vécu ou fréquenté cette zone-frontière des Lilas : la Goulue, Casque d’Or et ses souteneurs ou la Banquière. Buvettes, guinguettes, brocantes s’étaient peu à peu installées dans des baraquements provisoires. Vers 1920, le dimanche, on va fouiner à la foire aux puces de la Porte des Lilas. Les camelots y font des affaires. Il y a bal au coin de l’avenue Pasteur, à l’Etoile du Berger. Au restaurant "la Caisse d’Epargne", c’est moules-frites à deux sous la portion. Durant la guerre, l'éloignement des habitations permettra à la résistance d'imprimer ses tracts sans être inquiétée.