MARCHÉ  Gisèle HALIMI

construction:  1980     nouveau nom: 2023

sur la carte:  marché

gisèle halimi °1927 +2020     famille:  arbre   fiche   chrono    histoire:  gisèle

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Le 12 mars 2023, le marché couvert des Lilas prend le nom de "Marché Gisèle Halimi" en hommage à la militante du droit des femmes, décédée 3 ans plus tôt.  (voir son histoire  &  son arbre familial  avec "Racines du 93")

Construit en 1980, le marché couvert remplace celui le long des trottoirs de la rue du Pré & de la rue de Paris, créé en 1894

Déjà, dans les années 1920, l'idée d'un marché couvert est évoquée, la rue de Paris et l'intensité de sa circulation devenant dangereuses pour la foule des acheteurs. Un premier projet est ébauché dès 1959. Car la clientèle toujours plus nombreuse ne va pas sans embarrasser la circulation. Pour exemple, en 1967, l'accident causant plusieurs blessés, quand la voiture de malfrats voulant échapper à la police y fait brusquement 1/2 tour, de peur de se retrouver bloquée dans l'embouteillage habituel du jour de marché. Un parking souterrain joue les avant-gardes en 1969 (120 places, 2 niveaux). La décision est effectivement prise en 1977 de construire un marché couvert, entre la rue du Garde-Chasse et la rue Waldeck Rousseau, parallèlement à la rue de Paris, en retrait de la 1° rangée d'immeubles. Inauguré en octobre 1980, ce marché en dur signe la fin du marché historique le long des trottoirs de la rue de Paris. Il se tient les mercredi et dimanche matins (8h-13h).

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Gisèle Halimi nous a quittés, il y a trois ans déjà (1927-2020).  La ville des Lilas lui rend hommage , en donnant son nom au marché de la rue de Paris (inauguration: dim 12 mars 2023 11h).  Avocate au barreau de Tunis, puis de Paris, c'était une figure majeure de la lutte contre la torture, ainsi que du combat des femmes pour la légalisation de l'IVG et contre la banalisation du viol. Elle est toujours aujourd'hui une référence dans ces luttes qu'il ne faut jamais cesser, ni oublier. 

Sa JEUNESSE  -  27 juillet 1927, dans le quartier de la Goulette, à Tunis, lorsque naît Zeiza Gisèle Elise Taïeb, personne ne la fête. Son père, Edouard, est tellement désolé d’avoir une fille qu’il met plusieurs semaines à annoncer sa naissance à ses amis. Il aimera pourtant passionnément "sa" fille. Par contre, avec sa mère, les relations seront toujours difficiles. Mme Taïeb aurait sans doute voulu une enfant plus docile. La jeune Gisèle résiste à tout, allant jusqu’à faire, à 10 ans, une grève de la faim pour appuyer son droit à la lecture. Sa position : "Non, c'est non. Je ne considère pas que j'ai à servir mes frères parce qu'ils sont garçons. Ce n'est pas parce que je suis une fille que je devais renoncer à mes études." Elle défie les sentiments religieux de sa famille juive, par sa mère, en refusant d’embrasser la mézouza avant d’aller en classe. A 16 ans, elle refuse un mariage arrangé, obtient de faire ses études de droit en France, revient à Tunis et s’inscrit au barreau en 1949. La rebelle qu’elle a toujours été devient militante. D’abord pour l’indépendance de la Tunisie qu'elle a toujours aimée. Elle y est régulièrement retournée et, à Paris, aimait cuisiner, pour ses amis, des plats de là-bas. En s’installant en France en 1956 et en épousant Paul Halimi, un administrateur civil, elle change de nom et donne naissance à deux fils. Elle divorce au bout de dix ans, mais garde le nom d'Halimi par lequel elle s’est faite connaître. Elle épouse Claude Faux, qui fut le secrétaire de Jean-Paul Sartre. Elle a avec lui un troisième fils. Jamais de fille.

Une longue bataille CONTRE la TORTURE  -  Quand commence la guerre d’Algérie, c’est une évidence pour Gisèle Halimi de militer aux côtés de Sartre et de ceux qui signeront, en septembre 1960, le Manifeste des 121. En 1960, apprenant qu’une Algérienne de 22 ans, Djamila Boupacha, accusée d’avoir posé une bombe a été arrêtée, torturée et violée par des soldats français, elle décide de la défendre. Commence alors une longue bataille, dans laquelle elle entraîne Simone de Beauvoir. Celle-ci écrit une tribune dans Le Monde et crée un comité, avec, notamment, Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Geneviève de Gaulle, Germaine Tillion. Djamila est finalement jugée en France, à Caen, en 1961. En dépit de la brillante plaidoirie de Gisèle Halimi, elle est condamnée à mort, mais sera amnistiée et libérée en 1962 après les accords d’Evian qui mettent fin à la guerre d’Algérie.

L'avocate des causes difficiles - La même année, avec Simone de Beauvoir, elle participe à un livre de témoignages sur toute cette affaire. Sur la couverture, le portrait de Djamila est réalisé par Pablo Picasso. L’histoire devient même un téléfilm, réalisé par Caroline Huppert, avec Marina Hands dans le rôle de l'avocate. Dès lors, Gisèle Halimi est considérée comme l’avocate des causes difficiles. Qui l’a entendue plaider, même dans des affaires plus mineures, connaît le charme de sa parole. Et son aplomb. Un jour, opposée à un Robert Badinter plutôt condescendant, elle a commencé sa plaidoirie par un retentissant : "Je ne me laisserai pas renvoyer à mes fourneaux par le professeur Badinter."

FÉMINISTE  -  Elle est, depuis toujours, engagée en politique, sans en devenir pourtant un porte-drapeau. C’est pourquoi, en 1965, avec d'autres, elle fonde le Mouvement démocratique féminin pour soutenir la candidature de François Mitterrand à la présidence de la République. Féministe, sans que le mot ait encore un sens pour elle, elle l’a été depuis son enfance. Aussi, logiquement, on la retrouve en 1971 parmi les signataires du Manifeste des 343, publié par Le Nouvel Observateur. Toutes ces femmes déclarent avoir avorté, donc avoir violé la loi, et plaident pour que les femmes n’aient plus à mettre leur vie en danger en avortant clandestinement. La même année, Gisèle Halimi fonde avec Simone de Beauvoir le mouvement Choisir la cause des femmes, qui prendra part à toutes les luttes féministes et organisera la défense de nombreuses femmes maltraitées.

Le PROCÈS de BOBIGNY  -  En 1972, une jeune fille de 16 ans, Marie-Claire, et sa mère qui l’a aidée à avorter, sont poursuivies en justice. Elles demandent à Gisèle Halimi de les défendre. Bien décidée à plaider, non seulement pour ces deux femmes, mais pour la libéralisation de l’avortement, Gisèle Halimi fait venir au procès à Bobigny de prestigieux témoins, dont le professeur de médecine Paul Milliez, fervent catholique, père de six enfants. Marie-Claire est relaxée, sa mère condamnée mais dispensée de peine..  

C’est une grande avancée vers la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, qui, portée par Simone Veil après l’élection de Valéry Giscard d'Estaing, sera promulguée en janvier 1975. Là encore un téléfilm raconte l'histoire du Procès de Bobigny, avec Anouk Grinberg en Gisèle Halimi, et Sandrine Bonnaire dans le rôle de la mère de Marie-Claire.

Le PROCÈS d'AIX  -  Pour les féministes, une nouvelle lutte commence alors, demandant que le viol soit reconnu comme un crime. Une fois de plus, Gisèle Halimi est là. En mai 1978, à Aix-en-Provence, devant les assises des Bouches-du-Rhône, elle représente deux jeunes femmes Belges qui ont porté plainte contre trois hommes.   

Dans la nuit du 21 au 22 août 1974, elles ont été violées alors qu’elles campaient dans une calanque. Les trois hommes plaident non coupables. Hors du prétoire, Gisèle Halimi est bousculée, injuriée, menacée. Les hommes sont condamnés. Et de nouveau ce procès ouvre le chemin vers la loi de 1980, qui reconnaît le viol comme un crime. Un documentaire de 2014 le retrace. 

En POLITIQUE et en ÉCRITURE  -  Suite à l'élection de Mitterrand en 1981, elle a alors envie de participer à l’aventure et devient députée apparentée socialiste de la 4e circonscription de l’Isère, avant d’être ambassadrice de France à l’Unesco, de 1985 à 1986.  Au terme de tout cela, elle retourne avec plaisir à son métier d’avocate, et décide de consacrer plus de temps à son autre passion, l'écriture. Elle publiera une quinzaine de livres entre 1988 et 2011, dont le dernier, à l’âge de 84 ans. Une occasion de dire, dans un entretien au Monde, son sentiment sur la vieillesse : « La seule crainte, si l’on est en bonne santé, est celle de la faiblesse intellectuelle. Or je me sens en pleine capacité. Plus riche même, de l’expérience. Citant Marguerite Yourcenar, qu’elle admirait, elle voulait mourir comme elle avait vécu : « Les yeux ouverts». Deux ans après avoir perdu son époux, elle nous a quittés en juillet 2020.