201809   -   La PLACE de l'ÉTOILE des Lilas   -   racines du 93

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1 Là-haut sur la colline

Au sommet de l’ancien village de Belleville, dans le bois de Bouleaux, il y a un plateau, avec un grand carrefour en étoile. Il s’est appelé successivement place du Rond-Point, du Tapis Vert, Waldeck Rousseau, Stalingrad et depuis 1970, Charles de Gaulle.  

Huit voies débouchent sur ce Rond-Point, dont certaines gardent leur nom, évocateur du passé de la ville, en le traversant.  Du haut de ces 128 mètres, on domine d'un côté la plaine de Noisy et, de l'autre, on découvre Paris.  Les Prussiens ne s'y trompent d'ailleurs pas quand ils occupent les hauteurs du Fort en 1871.  

Au bois, l'eau est partout présente, avec pas moins de trente puits en 1848. Comme elle affleure au Rond-Point, l’un de nos élus avait même émis l’idée en 1885, d’y construire une fontaine ornée d’un jet d’eau. La nature des terrains permet d'ailleurs d'ouvrir des sablières (rue Bernard).

Le carrefour, aujourd'hui encore, dessine les chemins forestiers de l'ancien bois seigneurial. C'est chez le Garde-Chasse de l'époque qu'on prend l'habitude d'aller boire une chopine.  

Qu'on l'appelle bois de Romainville, bois de Pantin ou bois de Bouleaux, le lieu attire.

Même avec l'installation des nouveaux habitants et la réduction des surfaces boisées, on continue de s'y retrouver avec plaisir et d’y faire la fête.  

Héritée des traditions de Romainville, durant trois semaines en mai, avait lieu la fête patronale, avec le feu d'artifice en point d'orgue. Suivront ensuite de nombreuses festivités. Des cirques y planteront leur chapiteau. La fête de la musique y montera sa scène. 

 

2  Rond-Point du pouvoir 

C'est sur le Rond-Point que prend corps l'idée de créer la nouvelle commune des Lilas.  C'est là qu'habitent les hommes influents de la commune de Romainville, ceux qui payent l'impôt, ceux qui décident au Conseil municipal.  

Ils sont une dizaine de notables à être propriétaires au Bois, après avoir racheté tous les biens des aristocrates environnants. On y trouve Bernard, un agent de change parisien, ou Mathieu Robert, célèbre cuisinier de l'auberge du Tournebride, au n°10 du Rond-Point.  A pied ou à cheval, le Tout-Paris accourt le week-end dans ce lieu mémorable de l'opérette Véronique.  

Le Haut Bois est alors un lieu de plaisir où les Parisiens viennent le dimanche en galante compagnie, boire, danser et s'ébattre dans les fourrés alentour.  

Dès 1857, les propriétaires du Bois songent à faire de ce quartier de Romainville, une cité résidentielle. Ils y font consacrer une petite chapelle, rue du Tapis Vert.  En 1859, ils sont 99 pétitionnaires à adresser une requête au Préfet afin de créer une administration communale distincte, ce qui sera chose faite en 1867.

3  L'industriel habite au 21

La ville se peuple et s'industrialise en cette fin du 19°siècle.  Les chemins et sentiers forestiers sont élargis, deviennent des rues et sont pavés.  Le déboisement, entamé avec la construction du fort en 1844, se poursuit avec l'ouverture de sablières.  

En 1889, l'industriel Louis Patrelle, qui habite depuis 1853 au n°21, décide de transférer aux Lilas son usine romainvilloise de pastilles d'oignons brûlés, avenue du Garde-Chasse, derrière sa maison.  Fin XIX°, la ferme de Verneuil s'installe au n°12 et la laiterie Monteil, en face, à l'angle  Garde-Chasse/Tapis Vert.  En matière de recyclage, les nourrisseurs lilasiens sont des pionniers: ils nourrissent leurs cochons avec les eaux grasses de la caserne de pompiers de Ménilmontant, leurs vaches avec les luzernes sur pied du Fort de Noisy, la drèche de la bière Karcher (déchet de l'orge fermenté) et la recoupette des biscuits Belin de Bagnolet (son & farine).  

En 1874, les sœurs de Portieux avaient fondé avec le curé Boyer une institution de jeunes filles près de La Chapelle Saint Louis du Bois, à l'angle de la rue du Tapis Vert. Faute de subsides, en 1905, à la séparation de l'église et de l'Etat, cette école ferme ses portes. 

Le Comte Lambin d'Anglemont, rentier de souche mosellane, s'installe dans l'hôtel particulier du n°35. Il sera maire des Lilas pour un éphémère mandat de six mois en 1870-71. À son décès, sa propriété est vendue à Marie Antoinette Gay qui en fait un pensionnat de jeunes filles. Sa belle-fille Gisèle reprend le flambeau en 1932. Cinquante années plus tard, elle cède l'établissement à la Mairie qui le transformera en Centre culturel.

4  Silence, on tourne ! 

Nouvelle heure de gloire pour nos paysages: le Rond-Point fait son cinéma.  En 1950, au n°35, Maurice Chevalier chante devant les grilles de l'institution Gay, pour le film "Ma pomme". 

La même année, au n°11, Jean Cocteau met dans la boite une scène d'Orphée, tournée dans le café Beau, rebaptisé pour la circonstance café des Poètes. On le voit rue du Garde-Chasse, se promener le soir avec Jean Marais, Juliette Gréco et Maria Casarès.  

Au n°14, le café Valette fait place au restaurant le Provence. C'est là que se retrouvent en 1974 Jacques Chazot, Thierry le Luron, son pianiste Richard Clayderman et son régisseur Gérard Russo. C'est ce dernier qui trouve son nouveau nom de Syringa (lilas, en grec).  

5  Le carrefour des passions

Aujourd'hui, après ses multiples vies antérieures, le Rond-Point est définitivement devenu le centre de la culture aux Lilas, le carrefour de nos passions.  Les industriels comme Patrelle ont migré en province dans les années '60, les carrières et sablières ont été comblées. Adieu veaux, vaches, cochons: les fermes et laiteries ont disparu et il n'y a plus de nourrisseur sur notre territoire. Les anciennes institutions privées, comme celle des soeurs Portieux ou de mme Gay, ont fermé leurs portes. La maison de santé du n°10 a vu partir ses derniers pensionnaires. Plus de Tourne-Bride, d'épicerie ou de café Beau. Seul le Syringa maintient la tradition de la restauration sur la place. 

En fait, le tournant a lieu en 1987, avec l'ouverture d'un espace entièrement dédié à la culture, dans les bâtiments et le parc de l'ancienne propriété d'Anglemont. S'y installent un conservatoire de musique (Gabriel Fauré), un centre culturel (Jean Cocteau) et une bibliothèque (André Malraux). Un  auditorium et une salle d'expositions permettent de développer la fibre artistique des jeunes lilasiens, avec une saison riche en manifestations et concerts.  

Et, chaque année, le 1° week-end de septembre, se tient le  Forum de rentrée. Débordant sur le Rond-Point à l'avant, squattant la rue Bernard sur le côté et occupant le square Georges Gay à l'arrière, le rendez-vous annuel de toutes les énergies associatives ouvre ainsi le bal de la saison culturelle aux Lilas.