Jean YANNE, le saltimbanque magnifique
1 CARACTÈRE
Chansonnier, animateur radio, metteur en scène, acteur, producteur, auteur de pensées et de dictionnaires de mots que "y a que lui qui les connait", Jean Yanne était un homme de spectacle inclassable. Crispant les puissants qu'il rabrouait, caricaturant la médiocrité des lâches, débusquant la bêtise dans les tranchées du ridicule, il démystifiait par son verbe l'ordre des institutions. Sous l'aplomb d'un sourire goguenard, il traitait son succès avec nonchalance, juste pour être sur de vivre libre. Un peu surpris de lui-même, il reconnaissait : "ma vie a été tout ce que je ne croyais pas".
2 NAISSANCE - FAMILLE
18 juillet 1933, aux Lilas, dans un petit pavillon du 54 bd de la Liberté, naît le petit Jean Roger Gouyé. Dans l'année qui suit, comme un signe annonciateur, une salle de cinéma ouvre ses portes juste à côté (l'Alhambra). Une vingtaine d'années encore et ce sera le début d'une riche carrière pour le petit Lilasien -dans les cabarets, à la radio, au cinéma et à la télévision- sous le nom de scène de Jean Yanne. Du côté paternel, les Gouyé sont bretons, sabotiers de père en fils, jusqu'à son père ébéniste, après des débuts en lithographie. Du côté de sa mère, les Bonabeaux sont établis depuis cinq générations dans les quartiers populaires de l'est parisien, vivant de modestes métiers comme charretier, cigarière, facteur, blanchisseuse, couturière. L'arrière grand-père Alfred se distingue en se consacrant au commerce du vin : marchand de vin au 90 rue de Paris (Naturalia), tonnelier, caviste en gros. Ses terrains permettront aux descendants de se loger en famille dans l'immeuble du 28 rue de l'Avenir (Jean Moulin). Les repas dominicaux réunissant les Gouyé, les Bonabeaux et les Bodri pouvaient durer des heures. Au jeu des blagues et des bons mots, notre Jeannot était à bon école, avec son père Dédé qui était de loin le plus drôle, d'après sa cousine Jeanine.
3 JEUNESSE - ÉCOLE
C'est en face de chez lui que Jean va user ses premières culottes, sur les bancs de l'école Notre Dame du Rosaire. Un ami d'enfance se souvient de lui "déjà bourru et sacrément déconneur, toujours au fond de la classe et premier pour les chahuts". Durant ces années, l'abbé Piquet et l'abbé Gaule assurent son enseignement religieux. Au catéchisme, il revêt l'aube d'enfant de cœur, au côté de m'sieur le curé. Les jeudis, c'est patronage. Il entre aux louveteaux, puis aux scouts, ce qui lui permet de crapahuter dans les bois des environs et de partir en colo durant les derniers temps de la guerre. René Vignand, le futur bijoutier de la rue de Paris, se souvient que "Jean avait un ascendant naturel sur ses copains, un vrai meneur". Il reçoit sa confirmation en mai 1944, puis passe sa communion au retour de captivité de son père. Le certif sera son seul diplôme, malgré ses années aux lycées Turgot et Chaptal. A 17 ans, il s'éloigne des études pour faire ses classes d'apprenti-ébéniste, dans l'atelier de son père et de son oncle Georges, bd Davout dans le vingtième. Deux ans après, il opte pour une toute nouvelle école de journalisme, le CFJ, qui sélectionne ses élèves par un simple entretien oral. Cela lui convient, à lui "le spécialiste de la parole doté d'un caquet de première". Ce sera le tremplin qui lui convenait pour sa future carrière. Deux futures "grosses têtes" seront d'ailleurs réunies dans la même classe : lui et un certain Philippe Bouvard. Avec sa tchatche et son envie de voyager, il se prend à rêver d'être un nouveau Rouletabille.
4 CARRIÈRE
Une fois lancé dans le journalisme, ses articles ressemblent d'avantage à des sketches qu'à des billets d'humeur. Pour le spectacle de Dupac, un ami se produisant à l'Académie des vins, rue de Rivoli, il écrit quelques sketches. Ne trouvant personne pour les interpréter, c'est lui, le génie de l'improvisation, qui s'en chargera, montant ainsi pour la 1ère fois sur scène. La suite est connue. Avec une veine de pamphlétaire, de satiriste et de caricaturiste, il sera tour à tour chanteur à sketches dans les cabarets, comédien de cinéma chez Godard, Chabrol, Pialat, etc (76 rôles), chroniqueur radio (Rtl, Europe 1, France Inter), participant à des émissions TV avec Sacha Distel et Jacques Martin, Producteur de cinéma avec Gérard Sire (7 films dont 3 succès & 4 bides), "grosse tête" chez Bouvard, scénariste de BD avec Tito Topin, auteur de pamphlets et de dictionnaires imaginaires (10 livres). On a l'impression d'un faignant mais qu'est ce qu'il bosse.
5 FEMMES - ENFANTS
La femme de sa vie, c'est Jacqueline Allard, une chanteuse a gouaille rencontrée dans ses débuts au cabaret et qui tournera quelques rôles au cinéma. Il l'épouse aux Lilas en 1960. Philippe Clay et Ginette Garcin sont leurs témoins. Jamais divorcés, ils restent toujours proches, même après leur séparation, une dizaine d'année après. Ils prennent régulièrement de leurs nouvelles, jusqu'aux derniers moments de Jacqueline en 1971 , quand ses 3 paquets de cigarettes quotidiennes l'emportent dans un cancer des poumons. Côté enfants, le premier qu'il a avec Sophie Garel -Thomas- il n'avait pas décidé de le faire, il ne se se sentait pas prêt. Même s'il a aidé financièrement la mère de son fils , il a "bloqué", attendant vingt-huit ans pour le rencontrer. Entretemps, le petit jeune avait été classé 4ème au conservatoire de Boston et était devenu musicien pro à New-York. Ce sera tout différent avec son second fils -Jean-Christophe- qu'il a eu à l'âge de 58 ans avec Christianne Fugger. Avec lui qu'il surnomme Tof, une osmose et une complicité véritable s'établiront, pour douze petites années seulement...
6 LILAS - PARENTS
Jean a toujours admiré ses parents. Quand il est à Paris, il revient souvent aux Lilas manger avec eux le dimanche midi. Il gare sa Porsche en face, dans le jardin de l'institution Segaux, avec leur accord. Dans les années 70', il va quelques fois prendre un café incognito, au bar de la mère de Michel Petit, au coin des rues de la République et du 14 juillet. Au n°13 de cette rue, il dépose lui-même ses costumes à la teinturerie-blanchisserie d'à côté. Avec ses premiers cachets, il achète une maison de campagne à Morsains, en Champagne pouilleuse. Il remonte la ruine avec son père et son oncle, tous deux ébénistes. Comme c'est pour ses parents qu'il l'a achetée, il les y emmène souvent, et personne d'autre, quelques amis très proches peut-être et encore, rarement. Après le décès de son père en 1998, il emmène déjeuner sa mère au restaurant, tous les dimanche. 2002 lui amène un nouveau coup dur, avec sa mère qui disparait à son tour. On sait qu'il les suivra de peu.
7 SANTÉ
Face aux docteurs, il prétend n'avoir commis aucun excès... à part quelques bitures. L'accumulation de son travail d'acteur et de producteur, de ses incessants déplacements, de ses nuits enflammées, des alcools et de la bonne chère a pourtant raison de sa santé. Il a plusieurs attaques cardiaques : un 1er infarctus l'envoie à Broussais en 1973, puis il subit une opération à cœur ouvert en 1995. L'alerte est sévère. Il a maintenant des valves partout et doit reprendre son souffle au moindre effort. Il réalise alors qu'il voudrait attendre encore un peu avant de "faire sa valise"; pour son gamin, pour le voir grandir. Il n'a aucune hâte d'aller manger les pissenlits par la racine. Il se dit que "mieux vaut être gravement atteint que légèrement clamsé".
8 DÉCÈS
En 2003, début mai, il va chez son médecin pour l'assurance du prochain film qu'il s'apprête à tourner au Portugal, avec Vanessa Paradis. Il est déclaré apte. Quelques jours après, le 23 mai, il passe pourtant l'arme à gauche, dans sa maison de Morsains. Il est "mouru" celui qui disait n'avoir ni Dieu ni Maître (même nageur). Son corps est rapatrié aux Lilas. Pour lui qui avait si souvent "bouffé du curé" dans ses sketches et ses chansons, on organise quand même une cérémonie religieuse à l'église Notre-Dame du Rosaire. Tous ses copains et ses ex sont là, devant le Père Nicolas Maine qui prononce une belle homélie : "Jean était une boule de tendresse. Extrêmement généreux avec ses proches et ses amis, il ne jouait aucun rôle. Pour eux, il se dépensait sans compter". Puis le convoi l'emmène vers ses parents et sa famille, déjà sous le pardessus marbré de la sépulture familiale, au cimetière des Lilas, 19ème division. De son vivant, il avait imaginé la scène de son enterrement , avec tellement de fans et de groupies que le fossoyeur -sous les vivats et applaudi à tout rompre- devrait remonter dix fois son cercueil. Dans la réalité, ce fut plus sobre. En son souvenir, l'année suivante, une rue des Lilas prend son nom derrière la Mairie : "Allée Jean Yanne célèbre comédien né en 1933 aux Lilas où il repose depuis 2003". Aujourd'hui encore, à le relire ou à le réécouter, on réalise qu'il nous secoue toujours, ce manipulateur des mots, ce zigue à la superbe éclatante, artisan-saltimbanque de talent, artiste touche à tout, fumiste de première mais bosseur de fond, trimbalant sa nonchalance exubérante et son intarissable drôlerie hors des pâturages de l'ennui.
Pour aller plus loin avec Jean YANNE
son arbre Familial>> https://gw.geneanet.org/racinesdu93_w?lang=fr&n=gouye+yanne&oc=0&p=jean+roger&type=tree
sur la Carte des Lilas1>> https://www.geneanet.org/lieux/?id_marqueur=28688
sur la Carte des Lilas2>> https://www.geneanet.org/lieux/?id_marqueur=67084
publication dans le magazine de la ville>> https://www.ville-leslilas.fr/media/kiosk/files/infos_lilas_n236.pdf#page=27
cet article complet>> https://sites.google.com/site/racinesdu9302/histoires/202307-jean-yanne
Livre de son ami le plus proche>> "Jean Yanne, ni dieu, ni maître (même nageur)", Gille Durieux, éd° le cherche midi 2005, rééd° 2010
l'essentiel >> ACTUS Genea CARTE des Lilas CARTES insolites FACEBOOK HISTOIRES LILASIENS A-Z RV du CERCLE SOURCES
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