Le RETOUR des PRISONNIERS
Avec 1944, la fin de la Seconde Guerre mondiale se profile : en juin, les Alliés débarquent en Normandie ; en août, les Lilas, comme Paris, sont libérés ; en décembre, Strasbourg redevient française. Et, en 1945, les forces de l'Axe sont définitivement vaincues. On se met à espérer un retour rapide pour ceux qui ont été privés de liberté par les forces nazies : soldats en captivité, travailleurs forcés, déportés politiques et raciaux envoyés dans les camps.
Prisonniers de Guerre
Au départ, le tableau était pourtant bien sombre, avec des armées allemandes dominant sur tous les fronts. A l'issue de leur campagne éclair, l'Armistice et le Cessez-le-feu sont signés en juin 1940. 1,6 millions de militaires français capturés sont alors envoyés en Allemagne. Parmi eux, 615 soldats lilasiens prennent le chemin de quatre ans de captivité. Leurs retours sont assez sporadiques : 12 hommes en 1942 (ce qui atteste de l’échec de la politique de la Relève : trois ouvriers français partant volontairement en Allemagne, en contrepartie de la libération d’un prisonnier), une cinquantaine en 1943, 18 d’avril à décembre 1944. La grande majorité d’entre eux (571) rejoignent leur famille entre mars et août 1945. Le dernier sera Jean Pardoen revenu du Stalag IB (Prusse-Orientale) le 23 août 1945.
Travailleurs forcés
A ces militaires, il faut ajouter tous les travailleurs forcés expédiés dans les usines, les mines ou les fermes allemandes, afin de compenser le départ des soldats du Reich, sur le Front de l’Est face aux Russes. La commune des Lilas devra ainsi laisser partir en Allemagne près de 500 de ses jeunes citoyens en travail forcé. Ils font partie de la masse des travailleurs arrachés à notre pays dès les premiers mois : les raflés du Nord & Pas de Calais (zone rattachée à Bruxelles), les ouvriers de la Relève, les conscrits et réquisitionnés en entreprise de Laval, mais surtout, à partir d'avril 1943, les requis du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.). On dira d'eux, bien plus tard, qu'ils étaient les "oubliés de la seconde guerre mondiale", sans gloire et sans exploits mais ayant également souffert à plus d'un titre.
Familles
Plus de 1.100 Lilasiens étant partis en captivité ou requis par le STO, des familles entières se sont retrouvées dépossédées de leurs hommes. La mairie des Lilas les ayant minutieusement recensés, on repère en effet qu'une soixantaine de noms se répètent. Certaines familles furent particulièrement touchées, y figurant 3 fois, comme les frères Leconte et les frères Schmidt, voire 4 fois avec la famille Guyot.
Juifs
Cibles de la "solution finale", cette infamie voulue par la doctrine nazie, 150 Lilasiens furent expédiés dans les camps de concentration et d'extermination, parce que juifs. Presque tous finiront à Auschwitz. Seuls 7 reviendront. Un monument en leur mémoire est inauguré en avril 2024 dans le square Georges Valbon, derrière la Mairie. La Shoah (déportation des juifs) touchera près de 76.000 français, dont seuls 2566 reviendront.
Politiques
Quant aux résistants, opposants politiques et otages raflés, ils seront 63.000 à suivre le même chemin de la Déportation. 40.000 en réchapperont. La Lilasienne Raymonde Salez, morte à Birkenau, n'aura pas cette chance.
Libération des camps
Les troupes soviétiques découvrent et libèrent le camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945. Puis les libérations se succèdent, au fil de l'avancée des troupes alliées. Le Lilasien Joseph Pszenica est libéré du camp allemand de Bergen-Belsen, le 15 avril 1945 par l’armée britannique. Maurice Frankfower est rapatrié le 13 mai 1945 du camp allemand de Flossenburg, libéré par l’armée américaine le 23 avril 1945. Sa grande sœur, Sarah Frankfower, quitte le camp tchèque de Kratzau le 2 juin 1945, libéré par l’armée russe.
L'hôtel Lutetia
Avant leur retour à leur domicile aux Lilas, rue de la République, les Frankfower sont orientés vers l’Hôtel Lutetia (ancien QG de l'Abwehr, contre-espionnage allemand), alors reconverti en Centre d'accueil des rescapés du système concentrationnaire et génocidaire nazi. Y convergeront plusieurs milliers (2.566) de déportés pour faits de résistance ainsi que quelques centaines de Juifs de France ayant survécu au génocide. Au vu de leur état de faiblesse, nombre de ces derniers seront directement orientés vers des lieux médicalisés. Pour les autres, après avoir subi la désinfection au D.D.T. et un examen médical, ils se voient délivrer une carte de rapatrié, qui a valeur de carte d’identité, un repas, de nouveaux vêtements, un ticket pour les transports en commun et la somme de 2.000 francs. Le Lutetia que certains appellent le "Palace pour revenants" fonctionnera du 14 avril au 31 août.
Retour en France
Henri Frenay, fondateur du mouvement de résistance Combat, est chargé par de Gaulle du Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés. Il coordonne le retour des quelque 2.250.000 personnes qui se trouvaient encore, en 1945, sous la tutelle du Reich.
Des aides sociales sont attribuées aux rapatriés ou à leur famille : pensions pour les veuves de guerre, allocations militaires, indemnités du fonds national de solidarité. Aux Lilas, la municipalité organise des collectes de chaussures et d'habillement, au profit des prisonniers et déportés rapatriés. Le 22 janvier 1945, une "Maison du Combattant" est créée au 50 bd de la Liberté, dans le cinéma l'Alhambra réquisitionné. Autour d'un repas, les anciens combattants y retrouvent un peu de cette fraternité née dans les camps. Ils peuvent s'y raconter pour se reconstruire. Les journaux d'anciens, comme "Le canard embarbelé" ou "Toujours là", entretiendront le lien avec leurs anciens camarades. Éloignés de leur foyer le temps d'une guerre, certains mettront des années à se reconstruire et à retrouver leur place.
5788 avec https://www.compteurdelettres.com/
Le RETOUR des PRISONNIERS
Avec 1944, la fin de la seconde guerre mondiale se profile : en juin, les alliés débarquent en Normandie; en août, les Lilas comme Paris sont libérés; en décembre, Strasbourg redevient française. Et en 1945, les forces de l'Axe sont définitivement vaincues. On se met à espérer un retour rapide pour ceux qui ont été privés de liberté par les forces nazies: soldats en captivité, travailleurs forcés, juifs déportés, résistants, politiques et raflés envoyés dans les camps.
Prisonniers de Guerre
Au départ, le tableau était pourtant bien sombre, avec des armées allemandes dominant sur tous les fronts. A l'issue de leur campagne éclair, l'armistice et le cessez le feu sont signés en juin 1940. 1,6 millions de militaires français capturés sont alors envoyés en Allemagne. Parmi eux, 615 soldats lilasiens prennent le chemin de quatre ans de captivité. Heureusement, avec le recul des armées allemandes débouchant sur la capitulation du 8 mai 1945, 601 d'entre eux peuvent enfin penser à rentrer chez eux. Douze bénéficient de la Relève dès 1942. Dix-huit reviennent en avril-décembre 1944. Mais les plus nombreux (571) rejoignent leur famille entre mars et août 1945. Le dernier sera Jean Pardoen revenu du Stalag IB le 23 août 1945. Malheureusement, quatorze ne reviendront pas. C'est la même histoire que vivront 1,1 million de prisonniers de guerre encore Outre-Rhin à la fin de la guerre.
Travailleurs forcés
A ces militaires, il faut ajouter tous les travailleurs forcés expédiés dans les usines, les mines ou les fermes allemandes, afin de compenser le départ des soldats du Reich, sur le Front de l'Est face aux Russes. La commune des Lilas devra ainsi laisser partir en Allemagne 496 de ses jeunes citoyens en travail forcé. Ils font partie de la masse des travailleurs arrachés à notre pays dès les premiers mois: les raflés du Nord & Pas de Calais (zone rattachée à Bruxelles), les ouvriers de la Relève appelés par Pétain (trois partants en contrepartie de la libération d'un militaire prisonnier), les conscrits et requisitionnés en entreprise de Laval, mais surtout à partir d'avril 1943, les requis du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.). On dira bien plus tard d'eux que c'étaient les "oubliés de la seconde guerre mondiale", sans gloire et sans exploits mais ayant également souffert à plusieurs titres. Ils seront pourtant 500.000 à revenir à la fin de la guerre.
Familles
Plus de 1.100 Lilasiens étant partis en captivité ou requis par le STO, des familles entières se sont retrouvées dépossédées de leurs hommes. La mairie des Lilas les ayant minutieusement recensés, on repère en effet qu'une soixantaine de noms se répète dans les listes. Certaines familles furent particulèrement touchées, y figurant 3 fois, comme les frères Leconte et les frères Schmidt, voire 4 fois avec la famille Guyot.
Juifs
Cibles de la "solution finale", cette infamie voulue par la doctrine nazie, 150 Lilasiens furent expédiés dans les camps de concentration et d'extermination, parce que juifs. Presque tous finiront à Auschwitz. Seuls 7 reviendront. Un monument en leur mémoire est inauguré en avril 2024 dans le square Georges Valbon, derrière la Mairie. La Shoah (déportation des juifs) touchera plus de 75.000 français, dont seuls 2566 reviendront.
Politiques
Quant aux résistants, opposants politiques et otages rafflés ils seront 63.000 à suivre le même chemin de la déportation. 40.000 en réchapperont. La Lilasienne Raymonde Sallez, morte à Birkenau, n'aura pas cette chance.
Libération des camps
Juillet 1944, les troupes soviétiques découvrent et libèrent les premiers camps de concentration-extermination, sans prendre immédiatement conscience de l’ampleur du phénomène. Puis les libérations se sucèdent, au fil de l'avancée des troupes alliées: côté soviétique, c'est Auschwitz le 27 janvier 1945, Sachsenhausen et Ravensbrück les 22 et 30 avril. A Buchenwald une partie des déportés prend le contrôle du camp le 11 avril 1945, quelques heures avant l'arrivée des américains. Suivent ensuite Bergen-Belsen le 14 avril (britanniques), Flossenbürg le 23 avril (américains) , Dachau le 29 avril (américains), Neuengamme le 4 avril (américains) et finalement Mauthausen le 5 mai (américains).
Retour en France
Henri Frenay, fondateur du mouvement de résistance Combat, est chargé par de Gaulle du ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés . Il coordonne le retour des quelque 2.250.000 personnes qui se trouvaient, en 1945, sous la tutelle du Reich. Dès la fin mai 40.000 rescapés du système concentrationnaire et génocidaire nazi sont rapatriées chaque jour. Transportés par train ou par avion, il sont orientés vers des centres d'accueil aux frontières et dans les villes d'importance (Gare d'Orsay à Paris, A Paris). l'Hotel Lutetia -ancien QG de l'Abwehr, contre-espionnage allemand- est reconverti en centre d'accueil des rescapés du système concentrationnaire et génocidaire nazi. Y convergent plusieur milliers (2.566) de déportés pour faits de résistance ainsi que quelques centaines de Juifs de France ayant survécu au génocide. Au vu de leur état de faiblesse, nombre de ces derniers seront diretement orientés vers des lieux médicalisés. Pour les autres, après avoir subi la désinfection au D.D.T. et un examen médical, ils se voient délivrer une carte de rapatrié, qui a valeur de carte d’identité, un repas, de nouveaux vêtements, un ticket pour les transports en commun et la somme de 2.000 francs. Le Lutetia que certains appellent le "palace pour revenants" fonctionnera du 14 avril au 31 août. Au niveau national, des aides sociales sont attribuées aux rapatriés et/ou à leur famille: pensions pour les veuves de guerre, allocations militaires, indemnités du fonds national de solidarité. Aux Lilas, en plus, on attribue un livret de Caisse d'épargne aux prisonniers d eguerre et aux orphelins de guerre, une Maison du Combattant est créée au 50 bd de a Liberté, des collectes de chaussures et d'habillement sont organisées au profit de prisonniers et déporté rapatriés.
6053 avec https://www.compteurdelettres.com/
MILITAIRES des LILAS
mobilisés=?
prisonniers de guerre= ?
morts
retour des camps
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MILITAIRES des LILAS : MÉMORIEL
plaques mairie & église quand? listes sgo
plaques cimetière lilas: bir hakeim
plaque hors lilas = cimetière NL
plaque cimetiere lucien noel
nomination de rues
asso anciens combattants + prisonniers de guerre
journaux anciens combattants
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JUIFS - RÉSISTANTS - VICTIMES CIVILES des LILAS
arrêtés
déportés
morts
retour des camps
RÉSISTANTS - JUIFS - VICTIMES CIVILES des LILAS : MÉMORIEL
plaques murales individuelles / resistants & victimes civiles
re-nomination des rues / résistants
plaques fort de romainville entrée & intérieur / internés & convois de déportés
musée du fort / femmes internées & déportées
plaque écoles waldeck rousseau / enfants juifs
plaque école romain rolland / enfants juifs
monument 150 juifs déportés 2024 jardin mairie
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TRAVAIL FORCÉ / Esclavage dans les dictatures
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ALLEMAGNE système de travail forcé
dès 1935 Todt> Speer>Rommel
mur de l'Atlantique
cartes combien
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MILITAIRES prisonniers de guerre
03/09/39 ts les hommes 20-50ans mobilisés
22/06/40 armistice
1.8M prisonniers 1.6M en allemagne
cartes combien
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CIVILS
Volontariat
Relève 1pour3, campagne de propagande laval
STO 02/1943 mais 200.000 réfractaires> clandestins dont 50.000 maquis
europe = 6M trav réquisitionnés
Juifs rafflés 1941-42.. liste chrono combien doc doc billet vert doc vel d'hiv doc trajets carte des camps
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URSS
goulag dès 1918? notabene
réalisations
canal moscou-saint petersbourg 125km 1932-37
étapes cartes combien
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CHINE
Ouigours 2017
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RETOUR des CAMPS
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Henri FRENEY
Dirigé par Henri Frenay, le ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés coordonna le retour des quelque 2 250 000 personnes qui se trouvaient, en 1945, sous la tutelle du Reich. Dès la fin mai 1945, ses services parvinrent à organiser le rapatriement de 40 000 personnes par jour, que ces dernières soient transportées par train ou par avion (les appareils retournant à vide d'Allemagne étant utilisés pour le transport des anciens captifs). Hommes et femmes recevaient une somme d'argent et des vêtements ; ils bénéficiaient également de soins gratuits.
Ce sujet du 27 avril 1945 associe pour la première fois à l'image le retour des prisonniers de guerre à celui des déportés. Suivant la logique du ministère Frenay, le commentaire tend à réunir les "absents" en une même catégorie. Contrairement aux reportages de la radio et de la presse écrite, le commentateur ne nomme pas les déportés du Bourget parmi lesquels se trouvait notamment Marcel Dassault, que l'on voit à l'image. La séquence concernant le meeting de l'Union des femmes françaises, indirectement consacrée aux femmes de Ravensbrück, a été préférée à celle du retour des déportées de ce camp, parmi lesquelles Geneviève de Gaulle, la nièce du Général, qui vint les accueillir en gare de l'Est. De même, les actualités de l'année 1945 ne montrèrent pas d'images de l'accueil des déportés à l'hôtel Lutétia, contribuant ainsi à gommer le retour des déportés raciaux sur le sol français.
Dans ce reportage, et dans ceux qui suivirent, se met en place l'image stéréotypée unique du déporté politique, présenté comme un patriote résistant, une figure qui contribue à passer sous silence le sort spécifique des juifs et des Tziganes, exterminés dans les camps. De manière significative, le mot "juif" n'est jamais prononcé par le speaker des "Actualités Françaises" dans les reportages consacrés à la déportation. C'est un sujet très tabou parce que le régime de Vichy a participé à la déportation de juifs de France et que peu d'habitants ont aidé ces derniers à échapper aux rafles. Il le restera très longtemps dans un pays marqué par l'antisémitisme depuis la fin du XIXe siècle. Dans son dernier reportage, ce journal du 27 avril 1945 proposait les premières images de la libération des camps, en montrant quelques plans de la visite d'Eisenhower à Ohrdruf. Ce reportage fut suivi, en mai 1945, par une série de sujets sur les camps de Bergen-Belsen, Buchenwald, Dachau... Tous ces sujets furent consacrés aux seuls camps d'Allemagne libérés par les Alliés occidentaux ; on ne dit rien de ceux libérés par les Soviétiques.
L'évocation des camps nazis dans la presse filmée française fut donc à la fois brève, partielle et tardive (la libération des camps de Majdanek, du Struthof ou d'Auschwitz-Birkenau était bien antérieure). Mais elle fut également très intense comme l'attestent les témoignages des spectateurs du printemps 1945 qui furent marqués à jamais par ces images de charniers et de déportés squelettiques.
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Sur les 1 845 000 militaires français capturés en mai-juin 1940, 250 000 parvinrent à s'échapper avant d'arriver en Allemagne (15) ; 80 000 prisonniers réussirent à s'évader entre juin 1940 et novembre 1942 (1).
Le tiers des 1 845 000 prisonniers l'ont été du 10 mai au 15 juin 1940. Les deux autres tiers se sont rendus à partir du 16 juin dont certains en entendant le discours de Pétain demandant l'armistice ou se trouvant dans des poches au moment de l'armistice.
Entre 1940 et 1941, 330 000 prisonniers français furent rapatriés en France, certains pour des raisons médicales (16). De 1940 à 1945, 51 000 prisonniers français trouvèrent la mort ou disparurent au cours de leur captivité.
Les prisonniers furent rapatriés en France à l'été 1945. L'ambiance n'était pas joyeuse. Beaucoup sont revenus dans l'indifférence et dans le mépris. Certains prisonniers furent accusés de s’être laissé capturer plutôt que de mourir pour leur pays (17). Pour les « indigènes », le retour parfois très tardif s'accompagna de nombreux incidents dont celui, particulièrement grave et meurtrier, de Thiaroye.
histoire-image.org/etudes/lutetia-1945
Paris face au retour des survivants
Lorsque les troupes nazies entrent le 14 juin 1940 dans Paris déclarée « ville ouverte » quelques jours auparavant, leurs états-majors investissent aussitôt les plus beaux hôtels de la capitale. Celui de la Luftwaffe s’établit au Ritz, le commandement militaire de la Zone occupée au Meurice et l’Abwehr, le service de renseignement de l’armée allemande, au Lutetia, le dernier-né des hôtels de luxe parisiens, inauguré Rive gauche en 1910 dans un style Art déco.
Compte tenu de ses antécédents, après la Libération de Paris, le Gouvernement provisoire de la République française (G.P.R.F.) décide fin avril 1945 de transformer le Lutetia en centre d’accueil pour un certain nombre des rescapés du système concentrationnaire et génocidaire nazi. Jusqu’en août de la même année, le Lutetia devient ainsi « un palace pour revenants », selon l’expression du journaliste de l’époque Henri Calet. Les centaines de milliers de prisonniers de guerre et de Français contraints au Service du travail obligatoire (S.T.O.) qui sont alors rapatriés ne transitent pas par le Lutetia. Seuls y sont dirigés plusieurs milliers de déportés pour faits de résistance ainsi que quelques centaines de Juifs de France ayant survécu au génocide (on compte en 1945 2566 survivants sur les plus de 75 000 Juifs de France déportés entre mars 1942 et le mois d’août 1944).
Trois femmes résistantes, Marcelle Bidault (1), Denise Mantoux (2) et Sabine Zlatin (3), assurent la direction des opérations sur place. Elles coordonnent l’accueil des rescapés qui arrivent essentiellement en bus et en train depuis la gare d’Orsay toute proche, ou de l’aéroport du Bourget. Le bâtiment abrite pour les accueillir un centre de sélection, un centre de formalités ainsi qu’un centre d’hébergement provisoire occupant la plupart des 350 chambres de l’hôtel, qui est également pourvu d’une infirmerie elle aussi temporaire. Rapidement, des proches de déportés convergent vers le Lutetia dans l’espoir d’y obtenir de leurs nouvelles, parfois aidés en cela par les survivants eux-mêmes, qui apportent avec eux de précieuses informations sur leurs camarades survivants ou morts en déportation. Durant la période de la Libération, un très grand nombre de photographies ont paru dans la presse afin de documenter la réalité de la déportation. Certaines d’entre elles ont également servi à identifier les personnes déportées en question. Les deux photographies, qui appartiennent au fonds de l’Agence France Presse et que conserve aujourd’hui le Mémorial de la Shoah de Paris, montrent comment ces deux types de population ont alors été liés par une même recherche.
Analyse des images
Déportés survivants et proches de déportés liés par une même recherche
Sur le parvis de l’hôtel, des panneaux d’affichage couverts ont été dressés. Y sont épinglées des fiches signalétiques comprenant une photographie de la personne recherchée (homme, femme et quelquefois enfant) ainsi qu’une description d’elle et des circonstances dans lesquelles elle a été déportée. Le cliché qui documente ce dispositif montre qu’il était visible de tous et précisément conçu pour l’être.
La photographie qui a manifestement été prise à l’intérieur du bâtiment rassemble cette fois plusieurs déportés (trois ou quatre), reconnaissables à leurs uniformes rayés, qui parcourent du regard les mêmes fiches d’information. Sans doute s’enquièrent-ils du sort de leurs camarades, ou bien cherchent-ils à leur sujet des informations qu’ils seraient susceptibles de compléter afin de les faire connaître aux familles concernées. Le nombre des fiches visibles sur chacune des deux photographies traduit indirectement celui des déportés, estimé à un total de 48 000 rapatriés, dont environ un tiers est finalement passé par le Lutetia, sans que l’on puisse établir avec certitude le chiffre de ceux qui y ont effectivement retrouvé leurs proches.
Le système concentrationnaire et génocidaire nazi à l’échelle d’un lieu
La centralisation des informations en un lieu aussi emblématique et familier aux Parisiens que l’était alors l’hôtel Lutetia a certainement contribué à la prise de conscience de l’étendue du système concentrationnaire et génocidaire mis en œuvre par les nazis. D’après les témoignages de ceux qui y passèrent ou qui y travaillèrent à cette période, il a également constitué l’un des premiers espaces de témoignage sur l’horreur dudit système. C’est là, par exemple, que le peintre Léon Delarbre remet pour la première fois les dessins qu’il a réalisés pendant son calvaire. Il est d’ailleurs à noter que son ouverture coïncide avec la diffusion en France des premières photographies de l’ouverture des camps.
Jusqu’au mois d’avril, en effet, les autorités du G.P.R.F. avaient freiné la publication de telles images de crainte, précisément, que des proches ne reconnaissent sur elles des personnes déportées dont ils restaient sans nouvelles, y compris parmi les cadavres. Au Lutetia, l’ampleur du drame se mesure donc tout à coup à l’échelle d’un lieu, non seulement en raison des miracles des retrouvailles et des drames de la disparition qui s’y déroulent, mais parce que la figure du déporté y apparaît physiquement.
La présence qu’atteste la photographie (comme du reste les actualités cinématographiques de l’époque) de déportés dans leurs uniformes, le crâne encore rasé, les bras parfois tatoués pour les survivants d’Auschwitz-Birkenau, provoque en quelque sorte une première apparition de la déportation dans le paysage visuel du Paris d’après-guerre.
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PRISONNIERS de GUERRE
Le retour des prisonniers de guerre français sorbonne/70504
chap2 le grand retour sorbonne/70504
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DÉPORTÉS
Hotel LUTETIA pour les rescapés du système concentrationnaire et génocidaire nazi.
wiki 45 bd raspail paris6 gmaps m° sevres-babylonne, en face du bon marché
Le 14 juin 1940, l'armée allemande occupe Paris. Le lendemain, l'hôtel est occupé par l'Abwehr, le service de renseignement et de contre-espionnage de l'état-major allemand, qui y installe son quartier général. Le chef de la Geheime Feldpolizei s'y installe aussi et les collaborateurs Pierre Bonny et Henri Lafont fréquentent les lieux
À la Libération, le propriétaire de l'hôtel doit, pour prouver son engagement envers la Résistance, mettre à sa disposition le Lutetia. C'est aussi un choix du général de Gaulle, attaché aux lieux. L'hôtel accueille les déportés à leur retour des camps de concentration nazis. C'est Sabine Zlatin, surnommée la « dame d'Izieu », qui assure la mise sur pied du centre d'accueil, vers lequel convergent les familles à la recherche d'informations sur des proches potentiellement déportés. Aujourd'hui, une plaque posée à l'extérieur de l'hôtel rappelle cet épisode8. Jusqu'au début du XXIe siècle, un groupe d'anciens déportés s'y retrouve chaque mois, pour déjeuner dans la brasserie4.
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Le retour des prisonniers de guerre en 1945
Yves Durand, historien de la Captivité, Professeur d'université honoraire
En 1945, après cinq ans de captivité, un million de soldats français emmenés en Allemagne à l'été 40 regagnent la France. Malgré la joie du retour, les retrouvailles sont difficiles avec un pays si éloigné de celui dont ils ont rêvé pendant leur détention et dans lequel il leur faut réapprendre à vivre.
"Ils sont unis, ne les divisez pas". Ce slogan unitaire figure sur une affiche éditée au moment où rentrent d'Allemagne STO (1), déportés et prisonniers. Un soldat en uniforme marqué d'un KG (2), un requis en vêtement de travail, y soutiennent un déporté en habit rayé. On peut trouver le slogan décalé, comme on le fait aussi aujourd'hui de l'unité proclamée des résistants et de la masse des Français derrière eux, oubliant que l'unité fut une des armes essentielles de la Résistance (3). Entre ces trois catégories de victimes existent, il est vrai, des différences marquées. Les prisonniers savent que la privation de liberté, l'humiliation, la promiscuité, la faim qu'ils ont aussi connues, sont sans commune mesure avec les souffrances des déportés.
Leur nombre et la longueur de leur exil distinguent le sort des prisonniers. 1 800 000 soldats français ont été capturés dans la débâcle de mai-juin 1940. 1 600 000 ont été emmenés en Allemagne. Ils sont encore près de 1 000 000 à rentrer en 1945 après cinq ans passés en terre ennemie. Les travailleurs forcés se comptent aussi par centaines de milliers. Mais leur séjour en Allemagne, commencé en septembre 1942, est, au pire, de moitié inférieur à celui des prisonniers. Ils sont restés, en outre, concentrés dans les villes et les usines. Les prisonniers ont été disséminés dans tous les secteurs de l'économie et de la société allemandes.
Cohabitation avec les populations allemandes
Pendant cinq ans, ils ont compté les jours, les semaines, les mois, les années vécues séparés de leurs familles et loin de leur pays. Long a été l'enfermement dans l'oisiveté des Oflags pour les officiers. Longue aussi - pour les 95% de prisonniers de guerre mis au travail dans les kommandos - la cohabitation forcée avec les populations allemandes. " La grande réalité de la vie des prisonniers, c'est le détachement de travail, nous disons "le kommando" ", écrivait, fort justement, l'un d'eux en cours de captivité. La mise au travail des simples soldats captifs est conforme à la Convention de Genève (4). Seul est exclu l'emploi direct à la production de guerre. Il est faux, pourtant, d'imaginer tous les prisonniers des kommandos vivant à la campagne une captivité somme toute bénigne. Même ceux qui travaillent dans des fermes, sont rassemblés la nuit dans des locaux gardés par des Posten en armes. Et on trouve nombre de prisonniers employés dans des boutiques, des ateliers en ville . sur des chantiers forestiers, routiers ou ferroviaires . dans des usines et des mines.
Ces kommandos de travail sont dispersés à travers toute l'Allemagne, de la frontière lorraine au fin fond de la Prusse orientale. Les prisonniers y ont vécu pendant cinq ans mêlés au peuple allemand : ouvriers compagnons de travail en usine . femmes, vieillards, enfants - les hommes adultes étant mobilisés - dans les boutiques et les fermes. Cohabitation tantôt rude, tantôt douce, mais toujours source d'une connaissance réciproque, bien différente de celle que subissent au même moment, avec l'occupant, les autres membres de la population française. Cette longue fréquentation, unique dans l'histoire des relations entre les deux peuples, est peut-être l'une des sources souterraines du rapprochement franco-allemand d'après-guerre.
On est bien loin de ce rapprochement quand les prisonniers rentrent, en 1945. Quand l'un d'eux, inconscient, arrive accompagné de la jeune allemande avec laquelle il a noué outre-Rhin des relations amoureuses, au seuil de sa maison, sa mère (veuve il est vrai de la guerre de Quatorze) lui en interdit l'entrée s'il ne renvoie d'abord chez elle "sa boche".
Des retrouvailles difficiles
La France où les prisonniers de guerre reviennent en 1945 est bien différente de celle qu'ils ont quittée en 1939 ou 1940. Elle est pleine du souvenir tout proche des atrocités commises par l'occupant. Elle célèbre les héros de la Résistance et leur part dans la lutte et la victoire sur l'Allemagne nazie. Or, l'image des « captifs de l'an quarante » reste et restera longtemps, jusque dans leur propre esprit, associée à la débâcle subie cinq ans plus tôt. Les prisonniers sont, au mieux, les victimes expiatoires de la défaite, voire ses responsables. Ils ont été compromis par la politique de Vichy. Celui-ci les a présentés au pays comme les enfants chéris du Maréchal. Il a négocié avec les dirigeants nazis leur retour partiel, puis la « transformation » de certains en travailleurs « libres », contre leur relève par des travailleurs français.
La masse des prisonniers, retenus en Allemagne, a été absente par force du combat des résistants. Cependant, certains d'entre eux ont participé au combat contre le nazisme. Contre sa propagande en Allemagne même. Contre ses troupes . comme ces évadés, réfugiés en Hongrie, puis engagés dans les maquis de Slovaquie où a longtemps perduré le souvenir de leurs exploits . et ceux, évadés ou rentrés par d'autres moyens, qui, en France, ont fondé le Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD) (5).
D'autres s'étaient organisés pour soutenir leurs camarades encore captifs et leurs familles. En ce printemps 1945, ils s'efforcent de pallier les défaillances dans l'accueil de leurs camarades rentrants par les services du ministère débordés (6). Le premier contact avec la France retrouvée est, malgré tout, source de déception : impression d'indifférence . impatience devant les opérations administratives nécessaires à la démobilisation. Impression plus profonde encore, dûe au décalage entre ce que les prisonniers imaginaient dans leur exil prolongé et la situation réelle du pays retrouvé.
Dès les premières villes traversées, ils découvrent une France marquée par les misères de la guerre , les destructions, la persistante pénurie. Surprise de trouver les boutiques si mal achalandées, les tickets nécessaires pour se procurer les produits encore rationnés.
Le retour au foyer est à la fois joie ultime et découverte, souvent, d'autres tristes effets, passagers ou durables, de la captivité. Là aussi, pendant cinq ans, on a vécu sans eux . même si l'image de l'absent y était soigneusement entretenue. La vie a continué . douloureusement sensible aux pères qui découvrent des enfants grandis sans eux et qui les accueillent comme des étrangers . drame des séparations définitives intervenues avec une fiancée, voire une épouse (7). Même dans les couples restés unis il fallait " se réhabituer ". Cinq années de séparation ont été marquées de deuils . et la première visite est au cimetière, pour un hommage qu'on n'a pu rendre au moment du décès à des parents disparus. Et que dire des prisonniers juifs - protégés par la Convention de Genève, au coeur même du Reich nazi - qui découvrent en rentrant que leur famille entière a été décimée par le génocide.
La reprise des activités se fait sans trop de peine pour les paysans revenus à la ferme familiale . pour les artisans si leur atelier n'a pas périclité en leur absence. Elle est plus longue et difficile pour les salariés dont un autre a pris la place à l'embauche et y est maintenu, malgré les lois qui prescrivent leur réemploi en priorité. La santé de beaucoup est altérée par les séquelles des longues privations, des mauvaises nourritures, de l'absence de soins appropriés. Certains, plus gravement atteints, devront se soigner dans des centres de cure avant de reprendre la vie normale et le travail.
«Nous sommes quelques Français, un million environ, qui auront bien payé leur part à la nation et lorsque nous serons de retour un jour, on se moquera bien de notre gueule», écrit d'Allemagne un prisonnier de guerre . un autre : « Je comprends très bien que notre pays a souffert et que le "problème prisonnier" est noyé dans les problèmes nouveaux. Aussi nos désirs sont-ils simples : retrouver les nôtres, nos foyers, nos occupations. » (8)
Amertume et modestie : ces deux extraits recueillis par le contrôle postal dans la dernière année de la captivité, reflètent l'esprit des prisonniers à leur retour. Le rôle éminent joué depuis par certains d'entre eux jusqu'au sommet de l'État et celui, non mesurable mais partout diffus, de la masse des prisonniers dans la vie de la France d'après-guerre, incitent à tempérer cet excès de modestie.
Yves Durand, historien de la Captivité, Professeur d'université honoraire. Revue "Les Chemins de la Mémoire n° 151 - juin 2005 pour Mindef/SGA/DMPA
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archives.calvados.fr/page/le-retour-des-prisonniers-de-guerre affiches & photos
Le retour des prisonniers de guerre
Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux soldats français ont été capturés par les Allemands. Dès 1940, ces militaires se sont retrouvés emprisonnés dans des camps où ils étaient regroupés en Kommando : les Stalag et Oflag. Le travail agricole ou industriel qu'ils réalisaient permettait d'aider l'économie allemande. Ces prisonniers restaient des mois, voire des années dans ces camps. En attendant leur retour, des associations naissent pour rassurer les familles et établir des contacts avec les camps en envoyant des colis aux prisonniers. Ces organisations ont pu venir en aide aux prisonniers après leur libération au moment de leur retour en France.
Quelques chiffres :
En France
1 800 000 prisonniers français en Allemagne
1940 et 1945 : 600 000 soldats sont libérés.
Après la défaite allemande : près de 1 200 000 de soldats sont toujours en Allemagne
Dans le Calvados
Près de 14 000 Calvadosiens prisonniers de guerre
1940-1944 : 3 000 soldats rentrent dans le Calvados
Après la défaite allemande : près de 10 000 soldats sont toujours en Allemagne
Des prisonniers libérés durant l'Occupation
Certains prisonniers n'ont pas du attendre la Libération pour rentrer en France. Le régime de Vichy a réalisé plusieurs accords avec l'Allemagne pour organiser ces rapatriements. Par exemple, en 1942, la Relève permet à 50 000 prisonniers français de revenir. Mais cela n'a été possible qu'avec l'envoi, en échange, de 150 000 travailleurs. En effet, de nombreux ouvriers étaient recrutés pour aller en Allemagne pour participer à l'effort économique du Reich. Le plus souvent, le régime de Vichy faisait appel aux hommes volontaires. Par ce biais, 1 000 prisonniers ont pu revenir dans le Calvados en 1942.
Après la Libération, le Ministère des prisonniers, déportés et réfugiés s'est investit pour aider les prisonniers de guerre. Des livrets comme le "Guide du rapatrié", ont été imprimés et distribués dans toute la France. Ces guides permettaient aux rapatriés de savoir où trouver des maisons du prisonnier et de connaître les aides auxquelles ils avaient droit.
Certains livrets destinés spécifiquement aux prisonniers les informaient du déroulé de la guerre en France pendant leur emprisonnement, tout en mettant en valeur l'action des résistants et des Alliés.
De nombreuses affiches ont été placardées pour inciter la population à venir en aide aux rapatriés.
Les Maisons du prisonnier et du déporté
A partir de 1944, ces maisons se sont développées partout sur le territoire. Elles sont tenues par d'anciens prisonniers de guerre. Les rapatriés et leurs familles y sont accueillis pour recevoir des renseignements et obtenir de l'aide. Plusieurs exemples sont à signaler :
Faciliter les démarches administratives : les procédures de démobilisation sont longues et complexes. Les maisons s'occupent en partie de faire ces formalités.
La réinsertion professionnelle : avant d'être soldats, ces prisonniers étaient ouvriers, artisans,... A leur retour, ces hommes doivent retrouver un emploi pour subvenir à leurs besoins et devenir autonomes.
Les examens médicaux : dès leur retour, les prisonniers bénéficient de soins
L'accueil des prisonniers de guerre par les Calvadosiens.
Le retour des prisonniers de guerre s'est organisé progressivement après la Bataille de Normandie par la mise en place de nombreuses organisations et associations. Celles-ci sont coordonnées par la Maison du prisonnier de Caen, installée au Lycée Malherbe. Des centres d'accueil sont aussi créés pour les rapatriés et les familles des absents, comme le pensionnat Saint-Joseph à Caen.
Les rapports de police mensuels écrits pour le préfet signalent que la population se mobilise pour venir en aide aux rapatriés :
En novembre 1944, le maire de Trouville-sur-Mer, Fernand Moureaux, fait don de 1 200 000 francs pour les 200 prisonniers attendus en ville. Le pécule des prisonniers se remplit également pa le biais de kermesses et de séances théâtrales organisées au Casino.
Cependant, la situation diffère dans d'autres villes :
En octobre 1944, à Condé-sur-Noireau, le manque de ressources disponibles poussent les comités d'assitance aux prisonniers à suspendre leurs activités.
En mars 1945, les mouvements des prisonniers se plaignent du manque de moyens accordés aux associations. Le nombre de rapatriés est plus important que prévu et certains prisonniers ne reçoivent pas de vêtements, ni de chaussures. La population caennaise souhaite également que les rapatriés obtiennent tout ce qu'il leur faut à leur retour.
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Logistique, réinsertion, méfiance: le difficile retour des prisonniers de guerre en 1945
Le retour des militaires français en provenance d’Allemagne, où ils étaient emprisonnés, se heurte à une réception peu chaleureuse de la part de la population. Ces soldats rappellent en effet les moments sombres de la défaite...
Dans son Journal d’un fantôme, à la date du 9 novembre 1945, le poète et ancien résistant Philippe Soupault note une rencontre avec André Gide : «Nous parlons notamment de la tragédie des retours. Il me rappelle que tous les héros de la guerre de Troie ont connu un retour tragique, sauf Ulysse que les dieux s’ingéniaient à empêcher de revenir.» En cette dernière année de la guerre, cette discussion érudite fait écho à une réalité très concrète : le gouvernement provisoire doit alors, bien avant la capitulation allemande du 8 mai, organiser le retour de plus de deux millions de Français prisonniers ou déportés en Allemagne.
Une immense épreuve logistique et humaine
Sur 1 850 000 soldats français qui se sont rendus en 1940 – chiffre considérable, comparable à celui des morts de la guerre de 1914-1918 – un million, en 1945, sont encore détenus sur le territoire du Reich, répartis entre les oflags (Offizierlager, camps pour officiers) et les stalags (Stammlager, camps de base, où sont immatriculés la plupart des sous-officiers et soldats).
À ce million de captifs s’ajoutent 900 000 ouvriers qui sont partis au titre de la «relève» (selon le marché conclu en 1942 par Laval dans sa politique de collaboration avec les Allemands : un ouvrier envoyé en Allemagne contre un prisonnier rapatrié). Il faut compter également 180 000 Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht (les «Malgré-nous»). Enfin, 60 000 prisonniers politiques et 76 000 juifs ont été déportés. Sur les premiers, 40 000 reviennent, et 2 300 sur les seconds.
Rapatrier cette immense population ne peut se faire sans moyens. En septembre 1944 est créé le ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés (PDR), qui regroupe de nombreux organismes déjà existants sous le régime de Vichy – mais qui parfois se sont retournés contre lui. Comme le Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD), dont les membres fondateurs se sont ralliés à la Résistance. Parmi eux, François Mitterrand, 28 ans, lui-même ancien prisonnier (évadé), qui a été nommé secrétaire général aux PDR le 19 août 1944, en attendant l’arrivée d’Alger du nouveau ministre dédié à la question, le capitaine Henri Frenay. Ce dernier, militaire de carrière, grand résistant, chef du réseau Combat, est un rival potentiel du général De Gaulle. Leurs rapports sont tendus. Le chef de la France libre interviendra d’ailleurs peu pour soutenir l’action de son ministre. Et ce d’autant moins que l’homme du 18-Juin cache à peine son mépris pour les prisonniers de guerre qu’il voit comme un reliquat de la débâcle de 1940 et, surtout, de l’odieuse politique «extérieure» de Pétain et de son système d’«échange». Frenay est donc bien seul pour veiller au bien-être moral et matériel de cette masse de «rentrants». Et ce bien-être est tributaire d’obscures tractations.
Le retour des captifs dépend essentiellement des Alliés
En Allemagne, le retour des captifs dépend essentiellement des Alliés : rapide si le libérateur est américain, plus lent s’il est soviétique. Quelque 300 000 prisonniers, à l’est du Reich, ont été libérés par l’Armée rouge, ce qui a entraîné de tortueuses négociations entre les Alliés et une longue attente. «Enfin, voici la barrière qui se lève !», se rappelle le soldat Louis Croquet (cité dans la thèse de l’historien Louis Quinton consacrée aux prisonniers et intitulée Une littérature qui ne passe pas). Croquet décrit le double pont établi sur l’Elbe, à l’entrée de Dessau, l’un pour les libérés russes qui marchent vers un gigantesque portrait de Staline, l’autre pour les Français qui, tournant le dos à cette «icône», se hâtent de «reprendre le chemin de la liberté»… Ensuite commence pour les libérés français le «grand trek», comme on appelle l’opération de retour rondement menée par les Américains, le plus souvent en train ou par camion. Puis c’est un nouveau choc, quand, à la frontière hexagonale, on passe de la toute-puissance des moyens américains (les rapatriés ont été particulièrement bien traités dans les camps de transit américains) à la pénurie française. Frenay et son administration, forte d’environ 30 000 employés recrutés pour l’occasion, ont pourtant fait ce qu’ils ont pu, mais de la mimai à août 1945, leurs 73 centres d’accueil sont débordés par le rythme accéléré des retours.
Chaque rapatrié est examiné en un peu plus d’une heure. Il passe par un bloc médical (avec examens), un bloc renseignement (avec interrogatoire), et enfin un bloc financier : l’ancien prisonnier de guerre a droit, pour compenser les pertes pécuniaires qu’il a subies lors de sa détention, à un rappel de solde (variable selon le grade), à une prime d’accueil, à une prime de démobilisation, à des allocations militaires variables selon sa situation matrimoniale et le nombre d’enfants à charge. Soit, pour le simple soldat, de 9 000 à 13 000 francs (de 1 100 à 1 600 euros d’aujourd’hui). Un peu plus pour l’ancien déporté dont le pécule se compose essentiellement d’une «prime de déportation» de 8 000 francs. À chacun est remis un titre de transport gratuit, avec un colis de route contenant 1,5 kilo de viande de boeuf, cinq boîtes de sardines, un kilo de pain d’épices, un kilo de confiture et six paquets de cigarettes. Du moins en principe, car le pays est exsangue, et les rations varient selon les centres et l’état des stocks qui s’y trouvent. Elles diffèrent aussi selon la période d’arrivée du rapatrié et la catégorie à laquelle il appartient. Les premiers (en avril-mai) sont les mieux servis et les déportés sont les plus choyés.
Les prisonniers de guerre face aux combattants de la France libre
Les hommes de la Résistance, alors au pouvoir, tiennent à honorer ceux des leurs qui ont connu l’enfer. Les survivants des camps arborent leurs tenues rayées comme des étendards, et constituent, aux yeux de la masse des autres, prisonniers de guerre et requis du travail, une «aristocratie concentrationnaire». Du moins au début car, bien vite, la sollicitude dont on entoure ces héros se mue en une incrédulité faite aussi de mauvaise conscience. Un ancien de Dachau, dans un cinéma qui diffuse des actualités sur les camps, entend quelqu’un dire derrière lui : «Ce n’est pas possible, si ça avait été aussi dur que ça, ils ne seraient pas revenus…» Le «simple» prisonnier de guerre, lui, se sent simplement, tragiquement «décalé». Dans son uniforme suranné, celui de la bataille de 1939-1940, il ne peut soutenir la comparaison avec les combat tants de la France libre, encore mobilisés aux côtés des Alliés dans une guerre devenue mondiale, éthique, civile, idéologique, qui a changé d’échelle, d’enjeu, de signification.
La défaite de 1940 colle à la peau du soldat rapatrié d’Allemagne. C’est ce sentiment dont se souvenait le sous-lieutenant Jacques de La Vaissière dans son livre Silésie, morne plaine (éd. France-Empire, 1991) : «Il n’y a pas de quoi se vanter, déplorait-il […] C’est par les combattants impuissants de 1940 que le malheur est arrivé […] Les vaincus ont tort.» À ce malaise, cette amertume, s’ajoute l’angoisse de revoir les siens après cinq ans de séparation. Dans un rapport du 18 avril 1945, l’instructeur d’un centre d’accueil parisien note que «la majorité des prisonniers mariés refuse d’informer leurs familles de leur arrivée et semble appréhender la surprise du premier contact».
L’enthousiasme est rarement au rendez-vous. Dans Les Exclus de la victoire (éd. SPM, 1992), l’historien François Cochet donnait la parole à de nombreux anciens prisonniers. L’un d’entre eux se rappelait avoir été reçu par sa famille «avec indifférence» et s’empressait d’ajouter : «Ils avaient aussi leurs problèmes.» Un autre, qui avait foncé de la gare du Nord jusque chez lui, rue de la Clef, dans le 5e arrondissement de Paris, avait sonné à la porte, entendu les pas de sa femme qui finit par lui dire : «C’est toi ?» Il commentait : «On ne s’était pas aperçu de mon absence, j’avais découché du quartier et j’y rentrais en douce avant l’aube, sur la pointe des pieds.» Arrivé à la gare de Sarreguemines, fin mai 1945, Jacques de La Vaissière ne s’attendait certes pas à être reçu en fanfare, ni par des jeunes filles avec des bouquets, mais «tout de même, c’est trop terne, trop froid. On rentre en catimini, par la porte de service, presque honteusement…» Ces retours en demi-teinte débouchent parfois sur un drame, quand l’épouse est partie ou a remplacé l’absent, ou quand le couple ne parvient pas à surmonter la trop longue séparation – 1946 voit une brusque augmentation des divorces. Ou encore quand le rapatrié ne reconnaît plus l’enfant laissé tout jeune – et réciproquement. L’un d’eux, Jules Lorquin, évoquait ce père ou ce mari au loin, en captivité, grand et fort, idéalisé pendant cinq ans, patiemment attendu et qui soudain «est là, dans la réalité, écrasant et tuant le bonheur de tous comme un bourreau de faiblesse».
Reconstruction et réinsertion : le double défi du retour des soldats dans la société
Le ministère des PDR est dissous en janvier 1946 et remplacé par le ministère des Anciens combattants et Victimes de guerre, qu’on a failli nommer, rappelait François Cochet dans Les Exclus de la victoire, le «ministère du Retour et de la Réinsertion». En effet, la reprise d’activité professionnelle de ces hommes jeunes ou dans la force de l’âge, qui viennent de perdre cinq années de vie, est l’autre grand souci d’Henri Frenay. Une ordonnance du 1er mai 1945 dispose que les prisonniers et déportés «rentrants» ont trois mois pour demander leur réintégration dans l’emploi qu’ils occupaient avant leur départ. Si c’est impossible, ils bénéficieront d’une priorité d’embauche. Les circonstances favorisent largement l’accomplissement de ces directives. Au lendemain de la guerre, alors que tout est à reconstruire, le marché de l’emploi, en France, ne pose aucun problème. En 1946, on compte 131 offres d’emploi pour 100 demandes ! Une telle opportunité va permettre à bien des anciens soldats de rebondir – mais pas à tous.
Jacques de La Vaissière, en tant que prisonnier lui-même, avait beaucoup réfléchi à cette disparité de destins. Interrogé par François Cochet quarante ans plus tard, il jugeait qu’un quart de ces hommes ne s’en étaient pas remis, devenant des «ombres survivantes», qu’un autre quart avaient «fait les importants en transformant leur malheur en mérite», et qu’une bonne moitié avait voulu, «ayant beaucoup souffert et réfléchi en purgatoire, compenser cinq ans de non-vie, de famine, d’anxiété, d’humiliation, par un sursaut, une réussite dans leurs milieux, à leur niveau. Beaucoup, en fait, ont réussi».
Ce sera la revanche des vaincus. Ces acteurs et témoins de la plus grande défaite que la France ait connue dans son histoire joueront un rôle discret, mais déterminant dans cette deuxième belle époque du XXe siècle que sera l’essor des Trente Glorieuses. «La formidable solidarité-sincérité des hommes nus» (Jacques de La Vaissière) va trouver sa pleine raison d’être dans la France de la reconstruction, portée par une croissance économique exceptionnelle. Là où les vainqueurs de 1914- 1918 n’ont pu imposer l’esprit de fraternité, «l’esprit des tranchées» à la société profondément inégalitaire et ravagée par la crise de l’entre-deux-guerres, les vaincus de 1939-1940 vont insuffler dans leurs entreprises et leurs administrations les valeurs acquises dans les oflags et les stalags : solidarité, unité, atténuation des réflexes de classe.
Parmi bien des prisonniers au parcours brillant (l’historien Fernand Braudel, Jacques Fauvet, le directeur du Monde, les philosophes Jean Guitton et Jean-Paul Sartre…), on trouve le leader du patronat français François Ceyrac qui, dans la France des années 1960 et 1970, prône le dialogue social, souvent contre son camp, dans la ligne de l’«esprit du stalag». Ou encore François Mitterrand, qui a commencé sa carrière à Vichy après son évasion d’Allemagne, en s’occupant modestement de la réinsertion des prisonniers, et qui, parvenu au faîte de la Ve République dans un pays de nouveau menacé par la crise, s’inquiétera de créer, en 1981, le premier ministère de la Solidarité.
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youyube
https://www.youtube.com/watch?v=lLkOObySPFg
www.youtube.com/watch?v=5SggpHBMnso
www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf91031235/anciens-prisonniers-restes-en-allemagne
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L'évacuation des camps par les SS à cause de l'avance des armées alliées s'étale sur une période d'un an avec l'accord des Gauleiter et des Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf).
Dès juillet 1944, les troupes soviétiques découvrent et libèrent les premiers camps, sans forcément prendre conscience de l’ampleur du phénomène
27 janvier 1945, Auschwitz, le dernier camp d'extermination encore en activité, est à son tour libéré (par les Soviétiques)
La majorité des camps sont libérés par les troupes alliées au fur et à mesure de leur progression:
Sachsenhausen le 22 avril (soviétiques)
Ravensbrück le 30 (soviétiques)
Buchenwald, une partie des déportés en prennent le contrôle le 11 avril 1945, quelques heures (avant l'arrivée des américains)
Bergen-Belsen le 14 avril (britanniques)
Flossenbürg le 23 avril (américains)
Dachau le 29 avril (américains)
Neuengamme le 4 avril (américains)
et finalement Mauthausen le 5 mai (américains)
Indemnité de guerre 400 M Frcs/jour cf 1871/traité frankfort
Pillage de la production économique 12-17% agricole 75% ciment, automobiles, batiment 60% caoutchouc 55% textile
Spoliation des juifs
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liberation-camps.memorialdelashoah.
Une fois engagé le processus des retours, les structures d’accueil imaginées par le gouvernement sont mises à rude épreuve. Le train ayant été prévu come principal moyen de transport, des centres d’accueil et de tri avaient été installés aux frontières.
À l’arrivée, les différentes catégories de rapatriés se mêlent. Des interrogatoires sont prévus pour éviter que ne se glissent parmi eux quelques collaborateurs ou détenus de droit commun. Si l’organisation avait été bien anticipée pour les prisonniers de guerre, ainsi que pour les travailleurs volontaires ou requis, la situation se révèle très complexe pour les déportés, en raison de leur état sanitaire mais aussi de la dispersion des familles. La gare d’Orsay à Paris qui accueille les prisonniers de guerre ne convient pas à une population très affaiblie. Devant la nécessité de trouver un lieu plus adapté, le choix se porte sur l’hôtel Lutetia.
L’Hôtel Lutetia est réquisitionné à l’instigation d’Élizabeth Bidault, dirigeante du COSOR, le Comité des œuvres sociales de la résistance et Sabine Zlatine, résistante qui fut responsable de la maison des enfants d’Izieu. Tous les rescapés doivent subir un interrogatoire d’identité, une visite médicale plus ou moins longue, un traitement contre les épidémies et un dépistage radiographique, autant de formalités jugées parfois pénibles. Si nécessaires, des vêtements ordinaires sont proposés pour remplacer la tenue rayée. Une attention particulière est portée à l’alimentation, ce qui constitue dans un contexte de pénurie, un vrai casse-tête pour les autorités.
Le séjour au Lutetia peut être une halte de quelques heures ou de plusieurs jours, le temps de reprendre des forces et de se préparer à la vie normale. Les plus faibles, après un séjour dans les hôpitaux, rejoignent des centres spécialisés, maisons de repos et sanatoriums.
Le ministère des PDR tente de mobiliser l’opinion pour préparer au mieux les rapatriements de près de deux millions de ressortissants : 950 000 prisonniers de guerre, 750 000 travailleurs requis du STO et 70 000 survivants des camps, politiques, résistants et « raciaux ».
La campagne « Retour à la vie » vise à sensibiliser les Français et à favoriser la solidarité.
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À l'hôtel Lutetia, les destins brisés des déportés de la Seconde Guerre mondiale
Du 26 avril au 1er septembre 1945, cet établissement de la rive gauche sert de centre d’accueil, d’hébergement et de transit pour les déportés revenant de l’enfer concentrationnaire.
Les hôtels, en temps de guerre, hébergent souvent les belligérants. À Paris, les Allemands en avaient réquisitionné 530, bien moins que les Alliés à la Libération, qui en occuperont 770. Il en est ainsi du Lutetia, palace érigé en 1910 au croisement de la rue de Sèvres et du boulevard Raspail : ses façades Art nouveau ont abrité, de 1940 à 1944, l’Abwehr, les services de renseignements militaires allemands, avant de céder la place à des militaires alliés et français, puis d’être affecté, le 26 avril 1944, à l’accueil des déportés des camps de concentration récemment libérés ou sur le point de l’être.
Le ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés en rapatrie 1,5 million
Après le Débarquement, la France compte ses absents : 2,25 millions de prisonniers de guerre, travailleurs, déportés ou incorporés de force dans l’armée allemande demeurent captifs du Troisième Reich. Le gouvernement provisoire du général de Gaulle, qui succède à Vichy au cours de l’été, promet de les ramener. Un ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés est donc confié le 2 septembre 1944 à l’un des chefs de la Résistance, Henri Frenay*, qui en rapatrie, durant l’année 1945, 1,5 million en moins de cent jours. Le retour des suivants, dont des Alsaciens-Mosellans «malgré-nous» détenus par l’URSS, s’échelonnera sur plusieurs mois. Ce «ministère de la souffrance», comme l’appellera Frenay, tisse sa toile sur tout le territoire français : des structures d’accueil sont créées à Paris pour 320 000 rapatriés, pour 120 000 à Lille, autant à Longuyon, pour plus de 70 000 à Valenciennes, Mulhouse, Strasbourg ; pour plus de 50 000 à Sarrebourg, Marseille, Maubeuge, Jeumont, Charleville et Nancy…
En avril 1945, les Alliés s’apprêtant à rapatrier d’Allemagne 8 000 personnes par jour, sont réquisitionnés en catastrophe, rien que dans la capitale, «la caserne de Reuilly, le Vélodrome d’Hiver, les écluses Saint-Martin, pour en faire immédiatement des centres d’hébergement ; le Gaumont-Palace et le cinéma Rex (3 000 et 2 000 places respectivement), avec les troupes de variété qui s’y produisent, pour en faire des centres de transit où les rapatriés attendront leur passage au bloc Formalités, écrira Henri Frenay dans La nuit finira, mémoires de Résistance 1940-1945 (éd. Robert Laffont, 1973). L’hôtel Lutetia, sur la rive gauche [occupé par les officiers de l’état-major de l’armée], est également réquisitionné et sera réservé aux déportés.»
Le Lutetia, palace 5 étoiles, accueille des rescapés des camps de la mort
L’établissement parisien comprend 7 étages et 350 chambres, ce qui n’est pas de trop pour accueillir une partie des rescapés des camps de la mort – 40 000 au total – qui arrivent par vagues, au fur et à mesure de l’avance alliée : sur 63 085 résistants, otages, personnes raflées, opposants politiques et déportés de France vers les camps de concentration, plus de la moitié – 37 025 exactement – ont survécu. Et sur 75 721 Juifs embarqués vers les camps d’extermination, à peine 2 500 sont encore en vie. Au total, entre 18 000 et 20 000 de ces destins brisés transiteront par le Lutetia.
Pour les recevoir, le personnel de l’hôtel est resté sur place. S’y ajoutent des agents du ministère des Prisonniers, des médecins, des infirmières, des dentistes, des bénévoles, des membres du corps des auxiliaires féminines de l’Armée de terre, unité créée en 1944… Mais aussi des militaires des services de renseignements, chargés de détecter «l’ivraie, miliciens, membres de la Gestapo, dénonciateurs, travailleurs volontaires, écrit Olga Wormser-Migot, alors Olga Jungelson, future historienne affectée en 1945 au ministère des Prisonniers dans Quand les Alliés ouvrirent les portes… Le dernier acte de la tragédie de la déportation (éd. Robert Laffont, 1965). Ce n’est pas tant la prime de 1 000 francs, le tabac, le vêtement qu’ils guignent, mais le certificat de virginité que leur concéderait la mention “déporté politique” sur la fiche de rapatriement.»
Les premiers déportés sont accueillis avec les honneurs militaires, en présence d’officiers, une pratique qui ne durera pas. Débarquant au Bourget et Villacoublay, aux gares du Nord et de l’Est, ils arrivent amaigris, livides, épuisés par leur détention, état auquel s’ajoute un voyage retour difficile, et ils impressionnent les Parisiens. Parmi ces revenants, «beaucoup ont conservé leur uniforme rayé, signe distinctif et sceau d’infamie», écrira Jacqueline Fleury-Marié, déportée à Ravenbrück à l’âge de 21 ans, dans son ouvrage Résistante (éd. Calmann- Lévy, 2019). «Le 12 mai 1945, j’ai vu des hommes et des femmes revenir de l’horreur, témoignera Michel Rocard, alors scout affecté au service d’accueil de l’hôtel. J’ai décidé que je ferai de la politique.» Les rescapés des camps sont-ils reçus comme il le faut ?
Les rescapés sont nourris, soignés et interrogés
«Dès le hall, [les déportés] sont happés par une machine qui se veut bien faisante », écrit Olga Wormser-Migot : après un premier contrôle d’identité, des plus sommaire puisqu’ils n’ont plus leurs papiers, ainsi qu’un examen médical parfois accéléré, ils sont douchés, brossés, épouillés au DDT (un puissant insecticide), puis conduits à leurs chambres. Trois ou quatre lits pour les courts séjours (quelques jours à peine), chambres individuelles «pour ceux qui n’ont plus de famille et dont la durée de séjour est indéterminée », précise l’historienne Annette Wieviorka dans Déportation et génocide : entre la mémoire et l’oubli (éd. Pluriel, 2013). Les plus malades sont amenés aux hôpitaux de la Salpêtrière et Bichat. L’hôtel tourne à plein régime. Certains jours, il faut servir jusqu’à 5 000 repas, dans un contexte de pénurie. «Un soir, surgissent l’ambassadeur du Canada et sa femme, M. et Mme Vanier, raconte Olga Wormser-Migot. Ils viennent voir ce qu’ils peuvent faire : “Il nous faut du lait, du riz, des confitures.” Quelques jours après arriveront les précieuses marchandises affrétées du Canada par avion. Elles serviront à confectionner d’énormes marmites de riz au lait pour les dysentériques, pour les convalescents du typhus.»
Malgré cet accueil, les arrivants ne s’extraient pas du traumatisme concentrationnaire. «Nous dormions dans des chambres de deux ou trois, toutes par terre, au pied des lits vides couverts de draps blancs, incapables de supporter l’accueil d’un matelas, racontera Marceline Loridan-Ivens, déportée l’année précédente à Birkenau à l’âge de 16 ans (Et tu n’es pas revenu, éd. Grasset, 2015, avec Judith Perrignon). Et nous ne pensions qu’à manger. Notre dos était encore là-bas sur les planches de la coya [châlit de bois à trois étages garni de paillasses où dormaient les déportés], notre estomac ici, nous étions démembrées, contradictoires.»
Ce n’est qu’un transit, les déportés repartent au bout de quelques jours, voire quelques heures, avec des vêtements civils – un autre luxe, en cette époque où tout manque. Il ne s’agit pas que d’héberger, de soigner, de nourrir. Dans des pièces divisées par des cloisons provisoires, les déportés sont soumis à un interrogatoire approfondi, non seulement pour identifier d’anciens «collabos», mais aussi pour compléter les listes de recherche des victimes du nazisme. Plusieurs d’entre eux se plaindront de ces questionnements. «On leur fait raconter leurs itinéraires, rappelle Olga Wormser-Migot. Ils ont perdu la mémoire des dates, ignorent le nom des Kommandos, ne connaissent leurs bourreaux que par des surnoms, ou des noms écorchés. […] Nous nous sentons misérables à leurs yeux.» Toujours est-il que «le Lutetia est devenu l’un des points d’attraction de Paris, indique Olga Wormser-Migot. Là, se ruent, avec les familles qui attendent les rapatriés, les badauds, mais aussi les bonnes volontés efficaces. […] Les scènes déchirantes de retrouvailles, de certitude qu’il n’y aura plus jamais de retrouvailles, se déroulent tout au long des jours.»
Les retours se raréfient à compter du mois de juillet. Jusqu’à ce que, le 1er septembre 1945, veille de la capitulation inconditionnelle du Japon qui clôt la guerre, le centre d’accueil du Lutetia ferme ses portes, sa mission accomplie. «Pourquoi le Lutetia est-il si important dans notre vécu ?, s’interrogera Gisèle Guillemot, déportée en 1943. C’est que, en vérité, notre deuxième vie a commencé là, dans ce lieu. Quand nous y sommes rentrés, nous n’étions que des matricules ; nous en sortions redevenus des citoyens.»
*Henri Frenay (1905-1988) fut le cofondateur avec Berty Albrecht du mouvement de résistance Combat. Il devient en août 1944 ministre des Prisonniers, Déportés et Réfugiés du Gouvernement provisoire et coordonne le retour de plus de 2 millions de Français.
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Lutetia, 1945 – Le retour des déportés
Environ 166 000 personnes sont déportées de France vers les prisons et les camps nazis durant la Seconde Guerre mondiale. À partir d’avril 1945, le retour des survivants s’organise peu à peu. Environ 48 000 hommes et femmes sont rapatriés au milieu de près de deux millions de prisonniers de guerre et de travailleurs civils. Le bilan humain permet de distinguer les deux grandes composantes de la déportation :
– Environ 90 000 sont victimes des politiques répressives allemandes, en France occupée, en Alsace et Moselle annexées ou sur le territoire du Reich. Résistants, opposants politiques, raflés ou otages, ils sont transférés dans des camps de concentration ou incarcérés dans des prisons allemandes. Soumis au travail forcé, aux coups, aux privations de tout ordre et aux épidémies, ils sont environ 39 000 à perdre la vie en déportation. Parmi les survivants, si 6000 rentrent en France avant la fin de la guerre une fois leur peine purgée, 45 000 sont libérés par les armées alliées.
– Environ 76 000 Juifs, dont 11 000 enfants sont déportés de France à partir de mars 1942 dans le cadre de la mise en œuvre de la « solution finale ». Ils sont regroupés pour la plupart au camp de Drancy d’où partent régulièrement des convois pour des centres de mise à mort, principalement Auschwitz-Birkenau. Une grande majorité y est gazée dès l’arrivée. Parmi les 31 000 détenus entrés à Auschwitz, beaucoup sont victimes des sélections destinées à éliminer les inaptes au travail ou meurent d’épuisement, notamment lors de l’évacuation du camp. Seulement 3 000 survivent à la déportation.
Une quarantaine de centres de rapatriement ont été aménagés pour accueillir les déportés. Ils sont surtout localisés dans le Nord et l’Est de la France ou à Paris. L’hôtel Lutetia est sûrement le plus connu en raison de son lustre, mais aussi du nombre des déportés qui y ont transité. Soixante-dix ans après leur retour, celui-ci reste pourtant difficile à évaluer avec précision.
L’exploitation d’environ 12 000 fiches médicales de rapatriement montre que le Lutetia est le centre qui a accueilli le plus grand nombre de déportés : 3 200 fiches y ont été remplies (soit 27 %), loin devant Mulhouse (9 %), Longuyon (8 %), Strasbourg (6 %), Annemasse, Hazebrouck, Mézières ou Orsay (3 % chacun). Par projection, on peut penser qu’au moins 13 000 personnes ont été rapatriées par le Lutetia. Mais ce chiffre ne tient pas compte d’une spécificité de l’hôtel parisien : des déportés passés auparavant par d’autres centres du Nord ou de l’Est y transitent souvent quelques heures avant de regagner leur foyer.
L’examen des listes nominatives dressées quotidiennement au Lutetia permet de contourner en partie cette difficulté. Ce fonds conservé lui aussi par le Service historique de la Défense à Caen présente deux difficultés principales : la documentation manque à certaines dates ; à d’autres, au contraire, elle est constituée de plusieurs listes se recoupant souvent en partie, d’où un risque important de compter une même personne à plusieurs reprises. Néanmoins, l’étude croisée des fiches et des listes permet de penser que 18 000 à 20 000 déportés sont passés par le Lutetia, soit plus d’un rapatrié sur trois.
Le jeudi 26 avril 1945, les premiers déportés arrivent progressivement au Lutetia. Dès le 29 et 30 avril, l’hôtel accueille plus de 800 survivants des camps du Neckar, de Buchenwald, Dora ou Bergen-Belsen venant de Longuyon pour la plupart. Début mai, le rythme des admissions est moins soutenu mais il ne va pas tarder à s’emballer. À partir du 10 mai, l’hôtel enregistre chaque jour entre 300 et 400 entrées en moyenne. Entre le 20 mai et les premiers jours de juin, le seuil des 500 rapatriés est fréquemment atteint et parfois même dépassé : 586 sont recensés le 21, 649 le 22, 750 le 23, 765 le 24, 534 le 25, 560 le 26, 683 le 30. Le rythme tout en demeurant assez soutenu devient ensuite plus irrégulier puis fléchit très nettement après le 10 juin. À partir du 12 juillet, la chute des entrées est encore plus frappante. Les derniers rescapés sont accueillis le 29 et 30 août. Le 1er septembre 1945, le centre de rapatriement ferme officiellement ses portes.
Arnaud Boulligny, FMD Caen
« Quand le Lutetia sera redevenu un hôtel cossu, gardera-t-il l’odeur du DTT, de soupe, de vêtements pauvres ? On enlèvera les cloisons qui isolent les divers stades des interrogatoires, de la visite médicale. Des cris furieux se sont élevés un jour, une voix distinguée qui se haussait à l’injure « Foutez moi la paix ! Vous croyez qu’on ne m’a pas fait mettre assez à poil durant deux ans ? Vous voulez encore que je recommence ? ».
L’air traqué quand on leur pose des questions trop précises. On va les punir pour avoir oublié un nom, pour s’être trompés de dates. On va les envoyer là-bas… quand pourront-ils rentrer chez eux ? » Olga Wormser-Migot, Quand les alliés ouvrirent les portes…, p. 219.
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La réquisition du Lutetia
La réquisition du Lutetia comme Centre d’Accueil et de contrôle des déportés.
01RequisitionLutetiaHD-4-03-2015 - copie« Pourquoi le Lutetia est-il si important dans notre vécu ? C’est que, en vérité, notre deuxième vie a commencé là, dans ce lieu. Quand nous y sommes rentrés, nous n’étions que des matricules ; nous en sortions redevenus des citoyens. » Gisèle Guillemot, 2005.
La réquisition de l’Hôtel Lutetia s’est faite dans l’urgence du rapatriement des déportés dont l’accueil posait un problème spécifique par rapport à celui des prisonniers de guerre ou des requis du STO.
Quelques chiffres :
– 1 million de prisonniers de guerre
– 600.000 jeunes du STO
– 90.000 déportés par mesure de répression
– 76.000 hommes, femmes et enfants déportés comme Juifs[1].
Combien d’entre eux rentreront ?
Dirigé par Henri Frenay, le Ministère des prisonniers de guerre, déportés et réfugiés, est chargé d’organiser le retour de l’ex-Reich de plus de deux millions de Français. Il possède peu d’informations sur le nombre des déportés, leur localisation exacte, leur état de santé, leurs besoins spécifiques.
En liaison avec les officiers français affectés au SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force), la section G5 de la Mission Française de Rapatriement en Allemagne (MFRA) met en place les procédures et règlements concernant les déportés politiques qui doivent être placés sur le même plan que les militaires prisonniers de guerre. Les rapatriements en provenance de la zone d’occupation soviétique seront plus difficiles.
En mai 1945, les accords de Leipzig permettent la mise en œuvre de leur retour en France qui sera malgré tout beaucoup plus long que depuis les zones américaine et anglaise car les soviétiques imposeront pour certains camps et déportés un retour par l’Est, via Odessa –Marseille, notamment.
C’est donc dans l’improvisation la plus grande que le 19 avril 1945 André Weil, Maxime Bloch-Mascart et Marie-Hélène Lefaucheux, anciens résistants membres du COSOR (Comité des œuvres sociales des organisations de la Résistance), sont reçus par le général de Gaulle qui décide de réquisitionner le somptueux hôtel Lutetia dont les 7 étages et les 350 chambres peuvent accueillir, dès le 26 avril, des arrivées de déportés qui surviennent à toute heure du jour et de la nuit.
Au début, des notes de services de la Sous-direction des Affaires sociales prévoient de réserver « l’hébergement à Lutetia aux déportés politiques de marque (chefs de résistance) et autres déportés politiques trop faibles. Les autres déportés politiques seront dirigés sur les autres hôtels dont dispose le Centre de Transit de Paris ».
Le Centre Lutetia est conçu finalement pour être: « exclusivement réservé aux Déportés Politiques, hommes et femmes, et remplit pour eux le rôle de :
– a) Centre de sélection (comme Gaumont et Rex)
– b) Centre de formalités
– c) Infirmerie, extensible selon les besoins, pour les déportés politiques dont l’état de santé s’oppose à un départ dans les 24 heures.
– d) Centre d’hébergement de transit pour certains déportés politiques indiqués ci-dessous. » Note de service n° 27, 28 avril 1945.
6-Bulletin-N9juillet1945-p4-5
Bulletin du Service Central des Déportés israélites », n°9, Juillet 1945. © S. Jessua-Amar
L’arrivée des premiers déportés modifie complètement les plans.
On fait appel aux volontaires tandis que des équipes de médecins, assistantes sociales, cuisinières, scouts et militaires sont mobilisée en permanence 24h/24 et cela, pendant cinq mois.
« Parfois, il arrivait au Lutetia trois ou quatre autobus en même temps. Il fallait faire le maximum pour éviter l’attente, raconte André Weil. Je rentrais chez moi à 4 heures du matin et, avec une brosse, je faisais tomber les poux dans ma salle de bain. Les premiers déportés rentrés au début étaient très contagieux et au début, nous avons eu deux morts parmi le personnel, une femme de chambre et un scout qui tenait le vestiaire. Nous n’étions pas vaccinés. Personne ne nous avait prévenus. »
Il y a perpétuellement des arrivées. Chaque jour apporte son lot d’imprévus.
[1] Source Arnaud Boulligny, SHD Caen.
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Hôtel Lutetia en 1945
À Paris, l'hôtel Lutetia en 1945 est transformé d'avril à août en centre d'accueil pour une grande partie des rescapés des camps de concentration nazis. Dix-huit mille rapatriés sont conduits à cet endroit1.
Histoire
En avril 1945, l'hôtel Lutetia, de Paris est transformé en centre d'accueil pour une grande partie des rescapés des camps de concentration nazis
Le 19 avril 1945, André Weil, Maxime Blocq-Mascart et Marie-Hélène Lefaucheux, anciens résistants membres du COSOR (Comité des œuvres sociales des organisations de la Résistance), sont reçus par le général de Gaulle. Ce dernier décide lors de cette rencontre de réquisitionner l'hôtel Lutetia dont les 7 étages et les 350 chambres peuvent accueillir, dès le 26 avril 1945, des arrivées de déportés qui surviennent à toute heure du jour et de la nuit.
Des volontaires sont engagés : médecins, assistantes sociales, cuisinières, scouts (dont le jeune Michel Rocard23,24,25) et militaires, 24h/24 et cela, pendant cinq mois.
« Parfois, il arrivait au Lutetia trois ou quatre autobus en même temps. Il fallait faire le maximum pour éviter l’attente, raconte André Weil. Je rentrais chez moi à 4 heures du matin et, avec une brosse, je faisais tomber les poux dans ma salle de bain. Les premiers déportés rentrés au début étaient très contagieux et au début, nous avons eu deux morts parmi le personnel, une femme de chambre et un scout qui tenait le vestiaire. Nous n’étions pas vaccinés. Personne ne nous avait prévenus »26.
Choix du Lutétia
Comme le note Pierre Assouline, De Gaulle, d'origine provinciale, descendait au Lutétia quand il venait à Paris. Il voulait aussi éviter le grand luxe, qui aurait été insultant, pour ceux qui avaient connu la misère des camps27.
Recherche de survivants
Les rescapés cherchent à contacter leurs familles. De même ceux qui espèrent trouver des survivants viennent au Lutétia pour consulter les listes affichées dans la Grand Hall. Ainsi Juliette Gréco retrouve sa mère, Juliette, et sa sœur aînée, Charlotte, rescapées de Ravensbrück28,29.
Témoignage
Léa Marcou cite le témoignage d'Odette Abadi, dans son livre Terre de détresse :
« Devant la gare, des autobus nous attendaient, les mêmes que ceux qui nous avaient conduits de Drancy à Bobigny pour partir à Birkenau ! ».
« Des scouts nous entourent, venus pour aider des éclopés à monter dans les voitures... on traverse Paris : est-ce un rêve ? On arrive à l'hôtel Lutétia, Centre d'Accueil et contrôle des déportés ».
« La vaste entrée de la résidence est obstruée par une masse de femmes qui brandissent des photos, hurlent des noms... Il faut foncer dans le tas pour pouvoir entrer ».
« À l'intérieur de l'hôtel, c'est encore le brouhaha et le piétinement de la foule – mais on nous dirige vers des chambres – dortoirs où nous pouvons nous reposer... Et voilà que nous retrouvons des camarades du camp ou du voyage : rien ne pouvait être plus réconfortant... ».
« Dans le hall de l'hôtel règne une activité fébrile : des Comités d'Accueil, appartenant à diverses organisations (mouvements de résistants, Croix-Rouge, Quakers, Armée du Salut, scouts – parmi lesquels, bien entendu, les Eclaireurs Israélites) orientent et conseillent, au milieu des infirmières, des médecins, des militaires , des bénévoles qui se pressent vers de nouvelles tâches : "Parfois, il arrivait au Lutétia 4 ou 5 autobus en même temps" note André Weil, chargé d'organiser l'accueil. Malgré tous les efforts, l'attente est parfois longue, pour les survivants épuisés, le temps d'accomplir les formalités. Il leur faut passer devant un Bureau Militaire, répondre à un interrogatoire : "Chacun doit prouver qu'il est vraiment un déporté" note Odette Abadi – certains le prennent très mal. Il s'agit de dépister les anciens collaborateurs qui se sont glissés parmi les rescapés des camps, pour tenter de "blanchir" leur passé ».
« Puis c'est la visite médicale, qui débouche, pour les plus mal en point, sur une hospitalisation immédiate. Et il faut encore passer à l'épouillage et à la désinfection du DDT - dont l'odeur imprègne le luxueux hôtel ».
« Ceux qui ont encore un foyer, ou du moins un endroit où aller, peuvent alors partir, après qu'on leur eut servi un repas. On les munit d'un papier permettant de prendre gratuitement le métro ou le bus et, au besoin, on les fait accompagner d'un scout. (Les déportés, souvent habillés de leur tenue rayée, ont également droit à un vêtement ou à un bon leur permettant d'en acquérir un gratuitement, ainsi qu'une carte de rapatrié) ».
« Les autres vont séjourner à l'hôtel, plus ou moins brièvement, le temps de prendre un peu de repos ou de trouver un lieu d'accueil ».
« À chaque étage, il y a une infirmière et un médecin, afin de pouvoir intervenir en urgence, y compris la nuit. Les chambres sont bien chauffées, même par un temps doux – les survivants décharnés ont toujours froid. Certains, rapporte un journal de l'époque, dorment par terre, sur le tapis, «car les lits trop doux, on y dort trop mal quand on revient des bagnes nazis ».
« En fait, comme dans la première période, on compte certains jours jusqu'à 2 000 entrées, les 350 chambres du Lutétia ne suffisent pas toujours, et quatre hôtels du voisinage sont réquisitionnés pour les compléter ».
« Cette foule – ceux qui sont hébergés au Lutétia comme ceux qui n'y passent que quelques heures – il faut la nourrir, et avec des repas que les corps affaiblis pouvaient supporter : Il y a des jours où l'on sert 5.000 repas, et où la femme qui dirige les cuisines travaille 18 heures d'affilée... ».
« À travers le Lutétia, la France, à commencer par les journalistes qui y affluent, découvre l'horreur des camps, de ce que recouvrait le terme "Nuit et Brouillard" sous lequel on englobe encore sans distinction les déportés « politiques" et "raciaux". La vue des rescapés est un choc, ça dépasse tout ce qu'on peut imaginer : "... Le cortège des revenants – revenant, jamais ce mot n'a rendu un son aussi plein, aussi vrai" écrit François-Jean Armorin dans son journal "Concorde" du 30 mai 1945 ».
« Dans le hall du Lutétia, boulevard Raspail, il suffit d'écouter pour recueillir les choses les plus extraordinaires, les plus horribles... Dante est venu trop tard, sinon il aurait été correspondant de guerre... Leur regard ne me quitte plus... Un autre reporter désigne le Lutétia comme l'hôtel des morts-vivants ».
« Dans le long couloir menant de l'entrée au restaurant, des panneaux (en fait des panneaux électoraux subtilisés boulevard Raspail) sont recouverts de longues listes de noms, de photos de disparus que quelqu'un recherche. Des listes où les journalistes effarés peuvent voir un même nom se succéder huit, dix fois, accompagné de prénoms différents, révélant que dans une même famille, frères et sœurs, parents et enfants ont été voués à l'extermination. Sous la photo d'un groupe souriant, on lit parfois quelques mots, poignants : "Qui a vu ce couple avec ses quatre enfants, arrêtés à Paris en juillet 1942 ?". Sur les photos qu'on leur tend, les déportés assaillis de questions cachent de la main les cheveux (dans les camps, on avait le crâne rasé), cherchent à reconnaître un visage... et s'ils l'ont vu, doivent trop souvent annoncer une horrible nouvelle ».
« Au fil des mois, les arrivées se font plus rares ».
« À l'automne 1945, le Lutetia, réquisition levée, va être rendu à ses propriétaires. On a commencé à comprendre que ceux qui ne sont pas rentrés ne reviendront plus. Malgré tout, certains, en particulier d'anciens enfants cachés, conserveront un espoir, et ne l'abandonneront qu'en voyant le nom du disparu dans le Mémorial de la Déportation des Juifs de France publié en 1978 par Serge et Beate Klarsfeld »26.
Fonctionnement du Centre
Le centre est dirigé par trois femmes : Marcelle Bidault dite Elizabeth ou Agnès Bidault30,31, résistante, et sœur de Georges Bidault, Denise Mantoux32, du service social du Mouvement de Libération Nationale et Sabine Zlatin, fondatrice de la colonie des enfants d'Izieu pendant la Seconde Guerre mondiale33,34,35,36,37,38.
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Pour de nombreux déportés, l’hôtel Lutetia a constitué un moment important de leur retour en France.
Comme le dira Gisèle Guillemot, « Notre deuxième vie a commencé là, dans ce lieu. Quand nous y sommes rentrés, nous n’étions que des matricules ; nous en sortions redevenus des citoyens. »
Pour la première fois, une exposition raconte l’histoire de ces quatre mois, du 26 avril à la fin du mois d’août 1945. A travers quinze panneaux, elle aborde les différents aspects posés par l’accueil des rescapés.
Comment le ministère des Prisonniers de guerre, Déportés et Réfugiés a-t-il fini par choisir, à Paris, un lieu d’accueil et de contrôle réservé aux Déportés ? Comment s’est faite la réquisition du Lutetia ?
Qui faisait partie de l’encadrement ? Comment se sont mises en place l’équipe médicale, l’hôtellerie, l’équipe de militaires chargés du contrôle des arrivants afin d’écarter les faux déportés. Sans oublier les nombreuses associations de Résistants et les bénévoles qui se sont occupés de la logistique.
Le Lutetia, c’est aussi l’accueil des déportés étrangers : les enfants juifs du camp de Buchenwald, les Résistants polonais arrêtés en France, les Républicains espagnols faits prisonniers en 1940 et déportés à Mauthausen.
Si le Lutetia fut un lieu de retour à la vie, il fut aussi celui de la prise de conscience de l’ampleur de la tragédie par la population et surtout par les familles venues, chaque jour, attendre leurs proches et chercher des nouvelles. Dès l’arrivée des premiers déportés, le 26 avril 1945, commence alors l’angoissante attente.
Le bilan est terrible. 166 000 déportés de France, parmi lesquels 76 000 Juifs dont 11 000 enfants.
48 000 d’entre eux sont rapatriés en France, dont 3 000 Juifs. D’après les estimations de notre Fondation, un tiers va passer par le
Lutetia.
L’exposition retrace aussi :
. l’accueil par la Suède de déportées de Ravensbrück et la convalescence en Suisse de femmes libérées des camps,
. les centres d’accueil associatifs créés par d’anciens Résistants : le Service Central des Déportés Israélites (SCDI), la
Fédération nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes (FNDIRP) et l’Association des Déportées et Internées de la Résistance (ADIR).
Nous présentons un panneau spécial sur Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle, résistantes, déportées à Ravensbrück, qui entrent au Panthéon en 2015.
124 documents souvent inédits sont présentés (Archives nationales, Service Historique de la Défense, archives des associations de déportés, archives privées).
Plus d'infos sur le site http://lutetia.info
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RESSOURCES web-internet
déportés lilasiens liste 150 : liste, analyse, livret pédago (jv)
cartes des camps & komandos 1°) internement en France 2°) concentration-extermination 3°) prisonniers de guerre (sgo)
camps de concentration wiki
1er camp libéré europe de l'est 24juill44 majdanek-lublin-pol
1er camps libéré europe de l'ouest 25nov44 natzweiler-struthof
film 1956 32mn a.resnais wiki allocine film intégral
chanson 1963 j.ferrat
cicr-croix rouge intrenationale www.icrc.org/fr/document/recherche-de-renseignements-sur-une-personne-victime-dun-conflit
l'arbre généalogique aryen sous le nazisme www.cercleshoah.org/spip.php?article434
recherche RFG = camps concentration deportation internement
Geneanet
Camps
alderney-aurigny fond° deportation wiki livre cercle litteraire... occup° iles anglo normandes
natzweler-struthof fond° deportation.
GenAmi
Google recherche : deportation + genealogie
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