Les gardes champêtres (2/2)
AVISSE À LA POPULATION !
AVISSE À LA POPULATION !
Jules Breton (1827-1906) - Les glaneuses, 1854 - National Gallery of Ireland
Dans le précédent article, nous nous sommes quittés sur une approche générale de la fonction de garde champêtre. Voyons maintenant ce qu’en disent les archives du Haut Cailly.
La plaque historique en métal "LA LOI"
L'écusson des Polices de Campagne
Comme partout en France, nos gardes champêtres du Haut Cailly sont souvent mal payés. Cet emploi est un complément de salaire, comme on peut le lire dans des comptes-rendus du conseil municipal de Cailly. Les révocations ou démissions sont courantes :
5 août 1833, démission de P. acceptée par le conseil municipal « n’avait pas le zèle et le discernement convenable, démission acceptée avec empressement » remplacé par LMB, cafetier, « qui a le zèle et la capacité propre au remplacement » salaire : 60f.
15 novembre 1835, démission de LMB remplacé par L. cordonnier « zèle et …… » salaire : 60f.
21 septembre 1844, démission de X remplacé par D. tailleur « zèle et….. » salaire : 60f.
Dans le contexte, on trouve dans un compte-rendu du conseil municipal de Montville de 1814 la mention des charges confiées au garde champêtre : le maire de Montville se plaint au préfet de l’insécurité qui règne dans sa commune et lui demande la création d’une brigade de gendarmerie car le garde champêtre et la garde nationale ne suffisent pas à assurer l’ordre ; refus du préfet, mais accord pour un commissaire de police.
Dilemme financier toutefois : le commissaire coûte 800f par an alors que le garde champêtre ne touchait que 400f.
On licencie alors le garde champêtre. Comme le précise le compte rendu du conseil, ce dernier « portait les lettres aux administrés, faisait le crieur, les commissions de la mairie, nettoyait le corps de garde et la prison, et faisait la provision de bois ». Le recrutement d’une personne extérieure pour ces travaux est estimé à 100f. (Rions un peu : les commissaires de police n’ont pas non plus une grande stabilité, 3 se succèdent à ce poste de septembre 1847 à mars 1848).
Ces questions de salaire du garde champêtre sont récurrentes, la charge est importante et, toujours dans les comptes-rendus du conseil municipal de Cailly, on note : en 1863 un particulier fait un don d’une tunique pour le garde champêtre, le maire demande des fonds pour compléter la tenue, refus du conseil, au motif que la commune est en déficit, puis en 1900 1910, 1911,1921, le budget prévisionnel pointe à chaque fois un déficit nécessitant une augmentation des centimes additionnels (donc des impôts) pour y faire face.
Le législateur a conscience du poids financier de cet emploi et le 5 avril 1884 la loi lève l’obligation d’un garde champêtre par commune.
Au cours des XIXème et XXème siècles, les gardes champêtres restent fidèles à leurs maires, continuant leurs missions de surveillances des campagnes, d’auxiliaires de justice dans les villages, de crieurs publics en roulant le tambour ou en agitant la cloche ; ils portent encore les «mauvaises nouvelles » pendant la guerre 14-18, mais les gendarmes dont les compagnies se développent les remplacent progressivement. Leur démission ou leur départ à la retraite les font disparaître : de 34431 en 1845 sur le territoire national, on n’en dénombre plus que 726 en 2018. Mais, s’ils souffraient dans le passé d’une image désuète, des postes ont été recréés depuis quelques années par des collectivités rurales sous forme de brigades de gardes champêtres ou de police rurale : ce sont les nouvelles brigades vertes adaptées à la sécurité publique dans le domaine rural. Mais leurs compétences restent celles des adjoints de police judiciaire, ils constatent, recherchent, investiguent, verbalisent…
Fonctionnaires territoriaux, leur recrutement est ouvert au concours de la fonction territoriale, et comme un clin d’œil au passé, la plaque (ou l’écusson brodé) LA LOI orne toujours leur uniforme désormais aux couleurs de la nature.