Delamare Deboutteville : ce génie méconnu

Moteur à explosion monocylindre développant 600 chevaux, concurrençant les machines à vapeur - réalisé selon les brevets d'Edouard Delamare-Deboutteville
Grand prix à l'Exposition universelle de 1900 à Paris (Source Gallica)

Edouard Delamare Deboutteville n’a vécu que 45 ans (Rouen, 8 février 1856 – Fontaine le Bourg, 17 février 1901), mais sa vie fut tellement riche : industriel et pionnier de l’automobile, ornithologue, mytiliculteur, ostréiculteur, passionné de sanscrit.

Il est un exemple de ces scientifiques du 19ème siècle convaincus que la science apporterait le progrès dans la vie des hommes.

Ouvrage de référence
Le premier livre d'Alain Dugard.
Consacré à Edouard Delamare-Deboutteville, il "
retrace la carrière industrielle et scientifique de ce prodigieux inventeur".
Edition Nationale 7 - 1984

Publicité pour le moteur à Gaz "Simplex" de Delamare Deboutteville et Malandin (Source Gallica)

Delamare Deboutteville et Malandin sur le monument de Fontaine le Bourg

L’histoire a retenu les noms de Gottlieb Daimler et Karl Benz comme inventeurs de l’automobile. Pourtant, Edouard Delamare Deboutteville a conçu au même moment un véhicule automobile à partir d’un break de chasse qui a sillonné les routes autour de Fontaine le Bourg. Mais Edouard n’avait pas au départ de ses recherches l’intention de fabriquer une « automobile », mais avant tout d’améliorer les performances des machines utilisées dans l’entreprise familiale.

Son père, François Delamare (1801-1881), était un des premiers filateurs de coton de France et sa mère, Lucille Audibert de Boutteville, la fille d'un filateur, maire de Fontaine le Bourg.

Influencé par ce milieu, il montre très tôt un goût prononcé pour la mécanique. Après le lycée Corneille, il étudie à l'École supérieure de commerce de Rouen d'où il sort diplômé en 1879. Il entre à vingt-deux ans dans la filature de son frère aîné qui avait succédé à son père. Cette filature, établie près du château familial de Montgrimont, est alors l’une des plus importantes de la région.

Edouard apporte nombre de perfectionnements dans différentes parties de l’usine. L'éloignement de cette usine de toute station de chemin de fer le pousse à s'intéresser au développement des moteurs pour automobile. Alors que les bicycles commencent à se répandre, il invente un des premiers tricycles à gaz qui ait fonctionné sur route. Il s'intéresse alors au moteur à gaz lui-même, recherche qui aboutit au moteur Simplex, construit par les ateliers Powell de Rouen.

Avec Léon Malandin, son chef mécanicien, il met au point en 1883 la première voiture actionnée par un moteur à explosion, et dépose le premier brevet concernant une automobile le 12 février 1884 sous le numéro 160 267. Son automobile, la première au monde mue par un moteur à 4 temps, est pourvue d'une banquette avant et d'une plate-forme arrière, et est équipée de quatre roues, d'un moteur bicylindre horizontal fonctionnant d'abord au gaz, ensuite à l'essence de pétrole, d'une transmission aux roues arrière par chaîne, d'un arbre de transmission et d'un différentiel. Elle circule sur la route de Fontaine-le-Bourg à Cailly, conduite par Léon Malandin. Le carburant est admis par un tiroir et l'évacuation se fait par des soupapes1. A Cailly, les habitants l’aident à faire demi-tour devant les halles.

À l'Exposition universelle de Paris de 1889, il obtient la médaille d'or pour un moteur au gaz pauvre, monocylindrique, de 100 chevaux. Dès lors, le moteur à gaz entre en concurrence avec la machine à vapeur, mais, à puissance égale, il a une souplesse de mise en route et d’entretien bien plus grande.

En 1896, à l'exposition de Rouen, le président de la République, Félix Faure le fait nommer officier de la Légion d'honneur, en récompense de son travail sur le moteur Simplex. À cette époque, il a plus de 70 brevets en France et à l'étranger.

Sa vie est remplie de recherches et de voyages. Il rédige des traités de mytiliculture (culture des moules), il crée à Carantec, dans la baie de Morlaix ainsi que dans l'Aber-Benoît (Finistère) un élevage d'huîtres qui existe toujours sous le nom qu'il lui a donné « Prat-ar-C'oum ». Ornithologue reconnu, il laisse une riche collection d'oiseaux naturalisés au musée d’histoire naturelle de Rouen.

Il écrit aussi trois volumes d'une grammaire de sanscrit, langue littéraire et sacrée indo-européenne.

Un monument a été érigé en 1958 à Fontaine le Bourg en souvenir des deux pionniers de l’automobile. Une rue de Rouen porte son nom, ainsi que le lycée de Forges les Eaux.

Françoise Hénaut

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