… « Comme on voit le glaneur

Cheminant pas à pas recueillir les reliques

De ce que va tombant après le moissonneur… » (Joachim Du Bellay)

Valmartin août 1862, la Houssaye Béranger août 1871 : les maires de ces deux communes ont pris un arrêté municipal autorisant les indigents de leurs communes respectives à glaner.

Glanage : usage naturel de ramasser après les récoltes de grains, fruits, légumes oubliés dans les champs, pratiqué essentiellement par les femmes, les enfants, les gens défavorisés et les personnes âgées.

D’une pratique naturelle ancestrale non réglementée et même valorisée dans l’ancien testament au titre de la charité divine, on trouve la première trace d’encadrement juridique de cette pratique dans l’article 10 de l’ordonnance toujours en vigueur du roi Henri II du 2 novembre 1554. Pourquoi cette judiciarisation ? Il s’agissait de limiter la prédation sur les propriétés privées et d’en réserver « les glanures diverses aux gens vieux et débilités des membres, aux petits enfants et autres personnes qui n’ont ni pouvoir, ni force de scier. »

On retrouvera au cours des siècles de multiples lois et ordonnances encadrant les pratiques de collecte : grappillage (prélèvement des grappillons restants après la vendange), ratissage (herbe sèche ou paille) et glanage (graines et produits de la terre).

Au 16ème siècle, à la publication de l’ordonnance de 1554, la propriété était peu divisée (existence de « communs »), la pratique du glanage entraînait, semble-t-il, peu d’abus et de rares plaintes. Mais dès le début du 19ème siècle, avec l’affirmation de la propriété individuelle, les réclamations et plaintes se multiplient jusqu’à en demander la suppression ou au moins la restriction : le glanage serait devenu la rapine.

Les arrêtés de nos maires du canton s’appuient donc sur la loi révolutionnaire du 28 septembre 1791 consacrée au 19ème siècle par l’article 471 du code pénal.

Alors en 1867, le code formulaire des arrêtés de police municipale fournit un modèle d’arrêté. Chaque maire y marquera son empreinte, mais le fond restera :

- Les bénéficiaires : indigents essentiellement autorisés par le maire

- La limitation dans le temps : de jour ouvré et pas au moment des offices religieux

- Les lieux : sur la commune

- Les contrôles et les sanctions.

Remarque : concernant les sanctions, le nouveau code pénal en vigueur depuis 1994 ne mentionne plus explicitement le droit de glaner, mais indique qu’une amende de cinquième catégorie peut s’appliquer en cas d’infraction. On peut donc dire que le glanage est toujours autorisé dans les conditions fixées par l’ordonnance de 1554…

La pratique rurale dans notre région se limite au ramassage des pommes de terre puisqu’il ne reste plus rien dans les champs après la moisson. Mais elle se métamorphose dans les centres urbains par le ramassage des restes alimentaires et des invendus à la fin des marchés et parfois même dans les poubelles. Il faut rappeler que les encombrants laissés sur les trottoirs sont sujets aussi au glanage. Désormais, le profil des glaneurs a changé. Ceux-ci ne sont plus seulement des travailleurs pauvres des campagnes, mais des urbains, écolos organisés et soucieux du gaspillage. Et pourquoi pas vous ?

Voilà ! Pour écrire cette rubrique, j’ai glané, grappillé des informations sur divers sites internet. Comme quoi, si la pratique du glanage tombe en désuétude, le vocabulaire qui s’y attache reste bien vivant.

Alain Hénaut

Pour aller plus loin :

Wikipédia : Glanage.

France pittoresque.com : le glanage.

Site internet de l'association :

Arrêté de glanage Bocasse

Arrêté de glanage La Houssaye Béranger