La Marquise de Joyeuse 

Histoire d’une riche héritière ruinée


Née en 1734, orpheline de son père à l’âge de 3 ans, elle hérite d’un immense domaine autour de Cailly. 

Mariée trois fois, menant grand train, elle est contrainte par son dernier mari Charles Paul Sigismond de Montmorency-Luxembourg, duc de Boutteville, âgé de 87 ans (de 30 ans son aîné) qu’elle épouse en 1784, de vendre tout son domaine afin d’éponger ses dettes.

Elle quitte Cailly et son château en 1798 et meurt, ruinée, le 9 mai 1803, il y a 220 ans, à Villeneuve Saint Georges.


Anne Madeleine Delpech, naît à Paris en 1734, elle est la fille unique de de Pierre Delpech de Méréville né en 1712, marquis de Cailly et propriétaire du château de Saint Germain sous Cailly, Président puis Procureur général de la cour des Aydes de Paris (nommé le 27 mars 1732) et de Marie Pajot de Villiers.Alors qu’elle n’est âgée que de 3 ans, son père décède à 25 ans à Montrouge, le 20 juin 1737, de la petite vérole.

En 1750, à 16 ans, elle s’acquitte de ses obligations de notables en étant marraine d’une cloche de l’église de Saint Germain.

Sous la tutelle (garde noble) de François Bureau, jusqu’à sa majorité, elle épouse, le 13 mai 1754, Jean, Armand de Joyeuse, âgé de 37 ans, de 17 ans son ainé, Comte de Grand Pré (Ardennes) et Marquis de Villiers sur Tourbes, noble vénitien, brigadier des armées du roi, chevalier de l’ordre Royal et militaire de Saint-Louis, Colonel au régiment de Ponthieu en 1741.

De cette union elle a probablement deux fils :

Anne Madeleine demeure avec son mari dans leur hôtel, rue d’Anjou, dans le faubourg Saint Honoré à Paris et mène grand train - n’est-elle pas surnommée la « Lionne de Saint Germain » par le duc de Luynes dans ses mémoires ? Peut-être est-ce la raison pour laquelle, le 27 avril 1764 (elle a alors 30 ans), la séparation entre ses biens et ceux de son mari est rendue contradictoirement par le parlement de Paris et qu’ensuite ce dernier se retire alors dans son château de Grand Pré où il meurt, 10 ans plus tard, le 12 décembre 1774, à l’âge de 57 ans.

Elle conserve toutefois d’excellents rapports avec le frère de son mari, son beau-frère donc, de 9 ans son aîné – il est né en 1725 - Thomas de Joyeuse, Chevalier non profès de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, abbé commandataire de l’abbaye royale de Saint Jean lès Metz. Ils nomment ensemble un enfant (le leur ?) nommé Thibault en 1766 à Saint Germain sous Cailly puis assistent, en 1771, à un mariage dans l’église de Cailly, avec le premier président du Parlement de Rouen, Hue de Miromesnil, du lieutenant-colonel et ancien major des cent Suisses du Roi, M. Desforgères.

Alors que Thomas de Joyeuse meurt le 16 novembre 1774 et est enterré à l’église de Cailly où la plaque funéraire est toujours visible dans la sacristie, son mari Jean Armand de Joyeuse, meurt un mois plus tard, le 12 décembre 1774, dans son château de Grand Pré.

Anne Madeleine, veuve à 40 ans, est maintenant libre. Elle épouse alors, 3 ans plus tard en 1777, un autre de Joyeuse, Jean Emmanuel (ou Jean Louis) Adam, âgé de 27 ans - Anne en a alors 43 - fils de Jean Baptiste de Joyeuse. Bien que demeurant paroisse de Saint Eustache à Paris, elle obtient l’autorisation de se marier en l’église de Saint André sur Cailly par l’abbé Ravette, curé de la paroisse et homme de confiance d’Anne (elle a financé, quelques années plus tôt, la construction du presbytère, aujourd’hui mairie de Saint André et en remerciement, l’abbé a fait peindre sur les plafonds des emblèmes de chasse et de musique, qu’elle pratiquait beaucoup).

Mais le jeune mari, peu résistant, meurt 6 ans plus tard, le 24 septembre 1783, âgé seulement de 33 ans seulement, sans laisser de postérité.

Anne se consola vite, car le même abbé Ravette célèbre dans l’église de Saint André sur Cailly, le 27 juillet 1784 soit 10 mois plus tard (la loi n’autorise pas moins), son mariage avec le très puissant Charles Paul Sigismond de Montmorency-Luxembourg, duc de Boutteville, alors âgé de 87 ans, elle en a 50, premier baron chrétien de France, lui-même deux fois veuf. L’union fut encore plus courte que la précédente puisqu’il meurt le 26 mars 1785 soit 9 mois après le mariage.

Anne reste alors dans son château de Saint- Germain (elle a, dit-on une relation amoureuse à Saint André).

Femme dite légère, elle est grande dépensière. Elle entretient une garde de 40 hommes vêtus à ses couleurs dont deux en faction à la porte de son château. Ses différents mariages ne lui sont pas d’un grand secours car elle est contrainte de vendre le grand et riche patrimoine que lui a légué son père :

Elle cède, ainsi, le 12 juin 1784, peu avant son mariage avec Charles Paul Sigismond de Montmorency-Luxembourg, duc de Boutteville, ses terres de Rocquemont au conseiller du roi en la Cours des Comptes, Jean-Baptiste Duperré et le lendemain, celles de Gouville pour 160000 livres à Antoine LeBègue de Germiny, seigneur de Motteville et Claville.

Elle reste alors dans son château, qu’elle déclara, comme elle le devait pendant la révolution, comme étant sa résidence.

Cherchant à préserver ses revenus, elle conteste en 1790 l’appropriation par la commune de Cailly, de ses droits sur les halles, puis vend en Juin 1793 l’auberge attenant à la halle.

En 1798, elle a alors 64 ans, elle quitte définitivement son château pour se rendre chez le comte de Vandoeuvre dans l’est de la France, suite à un héritage, dit-on.

Lorsqu’elle meurt en 1803, le 9 mai à Villeneuve Saint Georges, victime d’une apoplexie, son château, vendu en viager, avant 1789, avec le moulin, les bois et prairie attenant, revint à Jean Baptiste Curemer, fils d’un riche Drapier de Darnétal. Il le cédera lui-même quelques années plus tard.