Découverte : Cailly - un château ou bien deux ?

Le village de Cailly recèle un trésor historique insoupçonné. 

En effet des images aériennes récentes ont permis d’identifier les vestiges d'une fortification médiévale, jusqu'alors inconnue, datant potentiellement de la fin du premier Moyen  Age. 

Cette découverte exceptionnelle éclaire d'un jour nouveau l'histoire des lieux et ouvre de nouvelles perspectives de recherche.

Le tertre sur lequel s'élevait la fortification primitive,
au nord de la rue du Marché (Crédit Google Maps)

En rouge, emplacement du château primitif,
En jaune celui de son enceinte
En vert celui de son emprise (avéré en trait plein, supposé en tireté). (Crédit Microsoft Bing)

Cailly au second Moyen âge

Installé au cœur d’un nœud routier et traversé du sud au nord par un chemin remontant certainement à l’Antiquité, Cailly fait office dès le XIe siècle de chef-lieu de baronnie. Le château se dresse au nord de la rivière, à moins de 200 mètres de l'église, tous les deux placés sur ce même tracé.

Au XIVe siècle, les berges du Cailly sont aménagées. Quelques moulins s’y sont installés. L’un d’eux, le moulin du Busquet, se tient tout à proximité du château, au côté d’un vivier réservé au seigneur local. Le gué sur l’axe principal, empierré, les pentes adoucies, n’a plus rien de naturel. Peut-être existe-t-il même à cette époque un pont en bois.

Nous savons, par le recoupement de textes anciens, que l’espace autour de la motte se distingue jusque dans la première moitié du XIIIe siècle par la quasi absence d’habitats hormis quelques structures seigneuriales telles que la halle et le four banal. Toutes deux se dressaient au sud de la place du Marché actuelle, à proximité du tracé qui donnera naissance à la rue de l'Abreuvoir. La halle, construite entre le fossé du château et le Chemin du Roi, se positionnait le plus à l’ouest, à l'extrémité de cet espace. L’entrée de la forteresse s’ouvrait de ce côté de la motte, sans plus de précision.

Ce ne sera qu’à partir de la deuxième moitié du XIIIe siècle que s’installeront les premières habitations, entre la halle et le four.


La motte castrale et son environnement

De forme ovale et assez vaste - elle mesure dans les 75 mètres sur 55 à sa base - la motte castrale conserve des vestiges encore bien visibles et accessibles au début du XIXe siècle. Les archives départementales possèdent en effet une illustration de 1807 montrant partiellement la fortification en ruine.

Vers 1826, à l’est, le grand chemin préserve encore, dans son tracé, le contour du fossé qui cernait autrefois la forteresse.

En 1843, l’école des filles s’installe dans une demeure construite sur la plate-forme, au sommet de la motte. Au fil du temps l’habitat se développe et se resserre. Presque tout ici, autour de la motte, aura été remanié et transformé à un moment ou à un autre, le cours du Cailly comme les ruines du château avalées par la végétation, ou réutilisées en tant que matériaux de construction et remblais.

Un unique espace fut épargné. Conservé à l’état de verger, puis de pâture, il surplombe au nord la rue du Marché. On peut y observer, à l’aide de Google Maps, ce qui ressemble à un tertre. On distingue sur la photographie un talus arasé, mais suffisamment élevé pour créer, malgré la distance, un effet de volume, la prise de vue ayant été favorisée par un soleil bas, hivernal, une lumière mettant en valeur le relief.


L’hypothèse d’une première fortification

Cette forme arrondie, d’environ 70 mètres sur 80, suggère la présence d’une enceinte, probablement antérieure à l’aménagement de la motte castrale.

Selon un modèle connu, du type du site de Gaillefontaine par exemple, en Seine-Maritime, ce tertre pourrait correspondre au premier emplacement qu’occupa le château. A l’arrière de celui-ci, sur la pointe de l’éperon, se tenait alors la basse-cour.

On suppose que le besoin de mieux fortifier leur château aura conduit les barons de Cailly à abandonner l’ancien site pour se retrancher plus en retrait sur l’éperon, séparant celui-ci du plateau par le creusement d’un fossé profond (l’actuelle rue du Marché), cet aménagement ayant abouti à la formation de la motte castrale que nous connaissons.

Ce sera toutefois une interprétation qu’il nous faudra encore confronter à d’autres traces relevées au nord de ce tertre grâce aux images satellites. Nous avons le choix avec Google Maps, Géoportail et Bing. Les photographies, prises à des époques et des moments différents, se complètent, permettant de révéler de nouveaux vestiges invisibles depuis le sol.


La présence d’une autre enceinte ?

Dans le cas présent, il s’agit d’une grande courbe dont une partie se confond avec le chemin d’Esteville, un très vieux chemin communal qui ne mène plus nulle part.

Le fait qu’une enceinte ait pu se fossiliser dans le paysage sous la forme d’un chemin n’a rien d’insolite. Ce serait même plutôt banal. On pourrait même envisager cette trace comme ayant été liée à la présence de l’enceinte supposée avoir existé au nord de la rue du Marché.

Christian Ninot