La plantation de l'arbre de la liberté à Esteville en mai 1848

La révolution des 22-25 février 1848 (la troisième du nom) entraîne de fortes tensions dans la commune d'Esteville. Il en est ainsi lors de la plantation de l’arbre de la liberté devant le presbytère le 14 mai. 

Voulu par l’instituteur monsieur Acher, soutenu par le nouveau maire Pierre Cordier, l’arbre, béni par l’abbé Bertin, est planté le 14 mai puis coupé quelques jours plus tard, ce qui entraîne la démission du maire.

Plantation de l'arbre de la liberté 1848 à Paris - gallica

Arbre de la liberte
Conservatoire du Freinet

Voici ce qu’en rapporte Adélaïde Bauche :

« L'arbre de la liberté qui avait lieu à Esteville le 14 mai, c'était l'instituteur monsieur Acher qui avait mis l'affaire en train, aussi nos paysans qui, le voyant déjà de mauvais oeil à cause de ses opinions républicaines, lui en voulaient encore plus, depuis qu'il était question de l'arbre de la liberté. Le malheureux arbre avait d'ailleurs été une occasion de désunion entre le nouveau maire [Pierre Cordier], et les autres cultivateurs qui n'avaient pas voulu aller le chercher chez lui.

Monsieur le curé [l’abbé Bertin] prononça un discours qu'on trouvera ci-après puis il bénit l'arbre. “J'ai crié (me disait-il) vive la république ! Il le fallait bien, on avait crié vive la religion ! Monsieur le Comte n'a pas crié, mais il a donné 10 francs pour la fête et du vin pour la collation qui a suivi... “

Après la plantation de l'arbre, monsieur Acher entonna des chants patriotiques, entre autres le chœur des Girondins. Monsieur le curé ne jugea pas à propos d’assister à cette partie du programme. Cependant, la pluie continuait de tomber, le tonnerre grondait, de sorte qu'au lieu de collationner sur la place, où des tables avaient été dressées, on se réfugia dans les bergeries et sous la chartrie d'un des principaux cultivateurs ; la collation fut suivie d'un bal champêtre. 

Monsieur de Bonvouloir (le propriétaire du château voisin) vint passer quelques instants au milieu de cette assemblée. On le reconduisit au château en entonnant “vive Monsieur le Comte! vive la République ! “. Noter que la Nouvelle République a commencé comme la première par abolir les titres nobiliaires, nos paysans n’en amalgamaient pas moins ces deux vivas peu en harmonie l'un et l'autre. »

La discorde est toutefois bien grande : l’arbre de la liberté est coupé quelques jours plus tard. Comme le rapporte le maire, Pierre Cordier, dans sa lettre  du 25 mai, cela entraîne sa démission :

« Citoyen Commissaire.
D’après la division qui existe dans notre commune, dont j’ai déjà fait part au Ce Commissaire, les affaires vont toujours de plus en plus mal. L’arbre de la liberté qui avait été planté d’abord a été coupé samedi la nuit, ce qui a encore augmenté la discorde.
Ayant proclamé publiquement que j’en ferai replanter un le lundi suivant, les deux membres de la commission municipale dont j’ai déjà fait le rapport au Commissaire, m’ont attaqué devant le public et m’ont dit les dernières sottises.
Pourquoi, ne voulant me trouver en réunion avec ces mêmes aristocrates, j’adresse ma démission de maire au Commissaire.
Cordier maire ».

JC Parenty