De la difficulté d'être maire en 1815
Après la défaite de Waterloo, le 18 juin 1815, la coalition occupe la France en reportant la charge sur les habitants par toutes sortes d’impôts et de réquisitions.
Bien qu’affectée aux Anglais (ils occupent le Havre), notre région est occupée par les Prussiens. Le maire de Cailly, Aimable Delamare, officier de santé, installé par le préfet le 24 septembre, est chargé de faire respecter les exigences de l’occupant…
Après la défaite de Napoléon à Waterloo le 18 juin 1815, le deuxième traité de Paris oblige la France à supporter l’entretien des forces d’occupation de la coalition (250.000 hommes). Elles stationnent sur le territoire national jusqu’en 1818/19.
Pour couvrir les dépenses, le Roi a recours à un impôt extraordinaire. Les contribuables de la Seine-inférieure sont imposés pour 5 350 000 Fr, Cailly pour 12 000 Fr (environ 60 000€ actuels). Dans la commune, 74 foyers sont mis à contribution et le village est, pour les troupes prussiennes, un point de correspondance entre Rouen, Clères, «Bolhard », Neufchâtel, Buchy, Gournay. Elles y stationnent « ordonnance à pied » et « postillon en station ».
Aimable Delamare, officier de santé, installé maire par le préfet le 24 septembre de cette année, a la lourde et délicate charge de faire appliquer les ordonnances. C’est sans compter avec les refus de ses concitoyens.
A partir d’octobre 1815, il se trouve contraint de répondre lui-même et en permanence, presque jour et nuit, aux exigences de l’occupant, « pour donner l’exemple », il s’impose un logement de service, envoie son cheval et un de ses employés afin d’assurer quelques missions.
Il se plaint, également, auprès du sous préfet de Rouen du peu d’empressement de ses concitoyens et lui demande son aide pour mettre un terme à ces désobéissances qui « anéantissent l’autorité et exposent le bourg à des dangers lorsque le service des troupes est arrêté ».
Les sieurs Holley et Courché lui donnent beaucoup de fil à retordre. Il les cite dans les courriers expédiés au sous préfet :
le sieur Holley, cultivateur : il refuse « la fourniture d’un cheval avec un guide pour conduire un officier prussien et un lancier porteur de dépêche à Neufchâtel », et ne donne pas un meilleur accueil au deuxième ordre “sous peine de garnison” ,
le sieur Courché, fermier du précédent : après avoir reçu trois réquisitions exigeant la fourniture « sur le champ » d’une voiture et deux chevaux pour le transport des effets de deux officiers fait déclarer par son épouse que : « les chevaux de son mari n’étaient point présents ce jour à Cailly et que déjà, il avait fait le service il y a deux mois »
Les courriers expédiés à l’autorité préfectorale sont acheminés par le messager de Cailly, qui ne se presse guère pour les transmettre, et le maire s’en plaint.
Il prend quelques décisions pensant ainsi faciliter sa lourde tâche :
Il ordonne la fermeture immédiate du café tenu par le Sieur Blangrémon et l’interdiction d’accueillir « tout espèce de rassemblement dans sa maison jusqu’à ce qu’il ait été statué par l’autorité ce qu’il appartiendra » .
Il dresse procès verbal des refus et fait poster « une garnison chez les réfractaires »
« pour l’exécution des ordres ultérieurs », il forme un poste de Garde Nationale.
Le 31 octobre, dans un message express, M. Delamare, ayant toujours autant de difficultés avec les mêmes individus, demande de nouveaux ordres avant de faire conduire les « rebelles » par les gendarmes et réclame « un exemple d’une exécution forcée contre les récalcitrants »…
A la fin de l’occupation en janvier 1819, l’état général des bons d’indemnité de nourriture et d’hébergement des militaires prussiens délivrés aux habitants de la commune de Cailly montre que les foyers réquisitionnés, représentent au total 1.698 « nuitées ». Le montant des indemnités accordées en dédommagement s’élève à 2 506 Fr (environ 13 000 €).
Comme on le voit, la charge fut écrasante pour les habitants de Cailly à l’occasion de cette première « visite ». D’autres hélas suivront en 1870, 1914, 1939 mais là ce sont d’autres Histoires.
Gilbert Leclerc
Pour aller plus loin :
Les prussiens sont à Cailly - Gilbert Leclerc - 2017
Autre exemple : l’occupation de Duclair et de sa région en 1815 dans le” Canard de Duclair”