Le comices agricole de Cailly


Le Salon de l’Agriculture vient de fermer ses portes. Créé en 1964, il est l’écho d’un passé où les comices agricoles du 19ème siècle unissaient déjà les esprits pour promouvoir le secteur agricole et contribuer au partage des expériences.

Karl Feltgen vous invite à explorer celui de Cailly, créé en 1836, reflet d’une époque dédiée au progrès agricole. 

Une histoire de passion et d’innovation à découvrir.

« Ils arrivèrent en effet, ces fameux Comices ! Dès le matin de la solennité, tous les habitants, sur leurs portes, s’entretenaient des préparatifs ; on avait enguirlandé de lierre le fronton de la mairie ; une tente, dans un près, était dressée pour le festin, et, au milieu de la place, devant l’église, une espèce de bombarde devait signaler l’entrée de M. le Préfet et le nom des cultivateurs lauréats. »

C’est ainsi que commence le fameux chapitre sur les Comices agricoles de Yonville l’abbaye, dans le célèbre ouvrage de Gustave Flaubert : Madame Bovary, où la scène se déroule au mois d’août 1842. Il semble que Flaubert, qui écrivit cette scène en 1852/1853, se soit inspiré des Comices de Grand Couronne auxquels il assista en juillet 1852. Mais en août 1842, ce n’est pas le bourg imaginaire de Yonville que se déroulèrent les Comices agricoles mais bien dans celui de Cailly. C’est la naissance des Comices de Cailly que nous allons vous conter ici.

Comice est un terme emprunté au latin comitium, qui signifiait « endroit où le peuple se réunissait en assemblée à Rome ». Les comices vinrent ainsi à désigner une assemblée du peuple pour délibérer et agir en commun. Les termes comices agricoles furent ensuite amenés à désigner des assemblées populaires d’agriculteurs qui se réunirent dès 1783-1784, avec pour objectifs affichés de répandre dans les campagnes les connaissances nouvelles et d’honorer l’agriculture.

La Révolution française semble avoir mis un coup d’arrêt au développement de ces comices. Ce n’est qu’en 1820, que le ministre de l’Intérieur proposa de relancer ces associations d’agriculteurs en lien avec le conseil d’agriculture et les sociétés d’agriculture existant dans les départements. Le baron de Monville (1763-1832), ancien Président de la Société centrale d’agriculture de Seine-Inférieure, sembla s’occuper, en 1821, d’un projet d’organisation de comices ruraux dans le canton de Clères, mais le projet n’aboutit pas.

Dans notre département, les premiers comices agricoles se mirent en place dans le canton de Goderville dès 1825 puis, en 1836, s’organisèrent les comices de Pavilly. Le 3 mars 1836, lors de la séance de la société centrale d’agriculture de la Seine-inférieure, M. Guérard de la Quesnerie (1776-1849). fut chargé de s’occuper de la formation de comices agricoles au nord de Rouen et c’est le bourg de Cailly qui fut choisi. M. Claude Beau, maire de cette commune, mit à la disposition des membres de la société d'agriculture de Rouen un vaste local qu’il possédait et, le 4 juin 1836, plus de cent propriétaires et cultivateurs se réunirent en assemblée générale, adoptèrent des statuts et élirent un bureau ainsi composé : 

Un projet de règlement fut adopté et la journée se termina par un banquet auquel participèrent 52 convives. La seule ombre qui assombrit la journée fut l’absence du Préfet Dupont-Delporte, qui avait pourtant été désigné Président honoraire. 

Les Comices agricoles ainsi institués à Cailly couvraient un territoire composé des cantons de Clères, de Bellencombre, de Tôtes et de Buchy. 

Le 24 septembre 1836, les Comices se réunirent de nouveau à Cailly. Dès 1837, ces comices regroupaient près de 150 membres répartis dans les différents cantons concernés. Le dimanche 17 septembre1837, les Comices agricoles se réunirent de nouveau à Cailly où eut lieu une exposition d’animaux et de produits agricoles avec distribution de médailles d’encouragement, en présence du Préfet de Seine-Inférieure. Dans une scène digne de Flaubert, la médaille d’or fut alors remise à Madame veuve de Saint-Arnoult de Bosc-le-Hard. 

Les années suivantes, les Comices se déroulèrent successivement à Cailly, Clères et Buchy.

Karl FELTGEN