Hommage à Eric Lepicard


Éric Lepicard, historien dans l’âme, a été toute sa vie passionné par la riche histoire de Cailly multipliant les recherches, accumulant les documents, lançant même des travaux importants pour établir un musée associatif à Cailly, projet hélas stoppé par son décès récent.


Extrait de l’hommage rendu par JC Parenty, lors de la remise symbolique de son fonds documentaire par Madame Lepicard et ses filles à l'association Histoire et Patrimoine du Haut Cailly, le 3 décembre 2021 :

La famille Lepicard a eu une influence importante dans la vallée du Cailly et à Montville en particulier. En 1893, Georges Lepicard, aïeul d’Eric, y installe un tissage mécanique qui s’y développe. Une sente conduisant vers les anciens locaux du Tissage familial (occupé plus tard par Legrand Normandie) rappelle cet époque.

Plus modestement, cette influence a été prolongée par Eric sur l’existence même de notre association et de son devenir. Sa passion pour l’histoire de Cailly, ses recherches déterminées lui donnent une très large connaissance du sujet, qu'il partageait avec plaisir. Nos rencontres épisodiques m’ont permis de le mesurer.

Un rôle déterminant pour le devenir de l’association

Si notre association semble être une référence pour l’histoire du haut cailly, l’ancien canton de Clères (c’est ce que l’on me rapporte) les raisons en sont évidemment multifactorielles : la pluridisciplinarité de ses membres actifs, la volonté de chacun d’y participer en fonction de ses disponibilités et de ses compétences, les dons d’ouvrages et d’images anciennes, de fonds, de transcriptions d’archives reçus ici et là et rassemblés, ont fortement contribué à la qualité du fonds documentaires publié sur notre site Internet.

Mais tout ceci n’aurait probablement jamais existé sans Éric Lepicard. Le premier fonds documentaire conséquent sur le canton de Clères (800 articles et de 3000 pages), reçu de Patrice Bizet , en est l’un des éléments fondateurs.

C’est lors de l’exposition que nous avons organisé en 2014 autour de "Cailly et ses habitants pendant de la Grande Guerre" qu’Eric a fait les présentations :

J’ai ce moment là très présent dans ma mémoire : ”Il faut que vous connaissiez cet homme là, en désignant du doigt Patrice Bizet, il a publié beaucoup de choses sur l’histoire de Cailly et du canton de Clères, qui vont vous intéresser”.

C'est à partir de ce don reçu sur une clef USB et sa publication après un travail conséquent de remise en forme et de réorganisation, qu'une dynamique s'est enclenchée : des membres de l’association, et d’autres, ont contribué à enrichir le fonds par leurs recherches et leurs transcriptions, comme par exemple Gilbert Leclerc auteur des conséquentes transcriptions des comptes-rendus du conseil municipal de Cailly de 1790 à 1920.

Grâce à ces fonds rassemblés autour de “l’Histoire des communes", socle de notre connaissance, nous avons pu réaliser un certain nombre d’actions au sein de l’ancien canton de Clères comme par exemple l’exposition permanente des cartes postale anciennes à Cailly, les parcours numérique histoire et patrimoine installés progressivement dans les 22 communes de l’ancien canton de Clères, le concours littéraire dont la 8ème aura lieu l’année prochaine avec pour cadre Clères pendant la Renaissance, le blog de notre site Internet et la newsletter évoquant le lien entre le présent et le passé historique. : nous avons évoqué les loups, l'harmonisation de l ’heure, l’installation du nouveau clocher du Bocasse… et découvert la vie d’Ogier Ghislein de Busbecq, Jean-Pierre Blanchard, la Marquise de Joyeuse, Delphine Couturier et bien d’autres et surtout celle d'Adélaïde Bauche.

Eric Lepicard et les voitures Derby

Eric Lepicard était un homme de passions. Je viens d’évoquer la première, la seconde concernait une histoire familiale peu banale : les voitures Derby et l’oncle Etienne Lepicard.

Ces deux passions, il les évoquait très vite dans nos conversations.

L’oncle Etienne Lepicard a été le créateur, dans les années 1920-30 d’un train avant pour automobile très novateur. Propriétaire du brevet il est embauché par le constructeur anglais Derby et des voitures sont construites grâce à ce brevet. Certaines ont été adaptées pour des courses automobiles et pilotées par l’oncle Etienne, ce qui lui permit de gagner pas mal de trophées.

Eric fut le président du Club Derby et Donnet et a acquis plusieurs exemplaires des Derby dans des états très variables.

Anne Delpech, Marquise de Joyeuse (1734-1803), un « amour » de jeunesse

Madame de Joyeuse, la marquise de Cailly du XVIIIe siècle n’était jamais très loin dans nos conversations.

Alors que je lui demandais les raisons de cette passion, il m’avoua, avec une pointe d’humour, qu’il était tombé amoureux de cette marquise lorsqu’il était jeune. La découverte dans les greniers de son père d’une lettre manuscrite de ladite Marquise y étant pour beaucoup. Sa passion pour l’histoire de Cailly a commencé là.

Il a ensuite, au cours de sa vie, fait beaucoup de recherche, écrit énormément et amassé une documentation importante sur l’histoire de notre village et sur la descendance anglaise de Guillaume de Cailly, envahisseur de la Grande Bretagne avec son cousin Guillaume le Conquérant.

Un musée à Cailly ?

De toute cette richesse historique accumulée, rassemblée, Eric Lepicard voulait la partager avec le plus grand nombre, d'où l'idée de l’exposer au moins en partie dans un musée.

Il pensait le faire dans les environs, avec une préférence pour Cailly; la mise en vente de l’ancien café au centre du bourg fut l’opportunité qui permit le lancement du projet dans notre commune.

Lorsque cela s’est su, imaginez la surprise teintée d’incrédulité des habitants et nous avons dû expliquer que cela était une vraie chance pour notre village, qu’une dynamique bénéfique au commerce, à l’image de la commune allait s’enclencher, source de nouvelles manifestations, réunions, conférences, symbole de l’ancrage historique du village et notre association avait de quoi proposer pour tout cela.

La rigidité de la bureaucratie a amené un premier refus du permis de construire. L’évolution des compétences de la communauté de communes et la détermination de Léon Levasseur, maire à l’époque, ont permis de franchir cet obstacle mais que de temps perdu, d’autant plus perdu que la reconstruction du pont sur la rivière, devant le futur musée, empêchait le commencement des travaux puis cette fichue pandémie et sa premières vague.

Enfin la maladie, terrible maladie ...

Un décès est injuste, frustrant, triste, il mêle la peine et les regrets de ce que nous avons manqué de partager.

Nous avions tant à faire pour le bien commun autour de l’histoire locale avec Eric Lepicard que, outre la peine, je ressens son absence comme très injuste, très frustrante.

Le fonds documentaire

Aussi lorsqu'Isabelle, son épouse, m’a proposé le fonds documentaire amassé par son mari, j'ai tout de suite accepté, sans en connaître le contenu, en repensant à la qualité et au contenu de nos conversations.

Vous imaginez bien qu’il est conséquent, une vie pour l’amasser, presque 10 ml de classeurs, pour la plupart bien remplis, rassemblant des pages manuscrites ou imprimées dont 80 % est consacrées à Cailly, avec un classement chronologique et/ou une thématique, le reste aux autres communes du canton de Clères. Il y a aussi des ouvrages anciens ou récents sur l’histoire locale, certains inconnus, toujours pertinents.

On dit qu’au décès de quelqu’un c’est une bibliothèque qui brûle et bien là nous allons faire en sorte que tout ne brûle pas. Notre objectif est clairement identifié : valoriser le travail d’Eric Lepicard en le publiant pour tenter d’en assurer un peu la pérennité.

Nous avons devant nous beaucoup de travail pour évaluer dans le détail, numériser, publier sur notre site tout ce qui est possible de le faire et je peux vous dire qu’après un survol rapide il y a là de la matière avec des surprises comme par exemple celle-ci : la découverte des visites de Madame de Sévigné, dont elle parle dans ses lettres, à l’arrière grand-mère de Mme de Joyeuse au château de Saint Germain, hélas, mille fois hélas disparu dans les années 50.

Merci

Un immense merci à madame Lepicard et ses filles de nous faire confiance pour ce travail si enthousiasmant auquel nous allons, maintenant, nous atteler.

Eric sera ainsi dans nos pensées.

JC Parenty