La laiterie de Cailly
Aujourd'hui, l'histoire du lait dans l'ancien canton de Clères est une véritable épopée de progrès et de transformation, qui traverse les siècles depuis le XIXe siècle.
Au début du XIXe siècle, l'agriculture traverse des difficultés, notamment pour les petits exploitants, avec la faiblesse des prix pour le bétail gras et les laines. C'est dans ce contexte que les comices agricoles, comme celui de Cailly, créé en 1836 et couvrant les cantons de Clères et Buchy, jouent un rôle crucial. Leur but est d'unir les agriculteurs, de stimuler le progrès et d'améliorer les espèces animales, y compris les vaches pour la production de lait, de beurre et de fromage. On voit l'introduction de nouvelles races, telle la Durham, achetée par le comice de Cailly en 1847. Cependant, la race locale, la Cotentine, est également appréciée pour ses qualités laitières exceptionnelles, conduisant finalement à l'émergence de la vache Normande dans les années 1880, réputée pour sa robustesse et son lait riche.
Dans les fermes, comme celle de Talvanne à Fontaine-le-Bourg au début du XXe siècle, on pratique l'élevage de vaches laitières, le lait étant en partie destiné à la fabrication du beurre ou à la vente. La ferme Hondier, à Rue Saint Pierre, utilise sa production laitière principalement pour ses propres besoins, produisant du beurre et nourrissant les veaux et les cochons. À l'époque, une vache donne environ 10 à 12 litres de lait par jour, bien loin des 40 à 50 litres actuels.
La collecte du lait connaît aussi une profonde évolution. Au début du XXe siècle, des collecteurs indépendants comme MM. Digard ou Cramilly ramassent le lait dans de grands brocs pour le distribuer à Rouen ou à la laiterie de Cailly. Après la Seconde Guerre mondiale, de 1946 à 1964, "La Normande du lait", filiale de la SAFR, collecte quotidiennement 40 000 litres de lait auprès de 700 fermes. Les années 1950 voient l'installation de machines à traire et un changement des normes d'hygiène, exigeant la stérilisation du lait par des laiteries comme celle de Maromme. Plus tard, sous la direction de Besnier (Lactalis), la collecte réfrigérée en containers tous les deux jours devient la norme, et le lait n'est plus traité localement à Cailly.
La laiterie de Cailly elle-même est un acteur central de cette histoire. Née à la fin du XIXe siècle, c'est une "laiterie modèle", produisant lait frais pasteurisé, crème et beurre extra-fin. Elle fait face à des défis dès le début, comme l'évacuation des eaux usées dans la rivière Cailly. Propriété de M. Jean Motte, elle passe ensuite entre les mains de différentes sociétés, de Segain Augustin et Cie (1898-1908) à Louis Larave et Cie (1908), puis Jonot et Cie, avant de devenir la SAFR (Société Anonyme des Fermiers Réunis) en 1933. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle est mentionnée pour des problèmes d'approvisionnement du marché noir et des conflits de travail. Employant jusqu'à 70 personnes, la laiterie de Cailly cesse finalement toute activité en juin 1986.
L'agriculture contemporaine, marquée par l'intensification et la spécialisation en grandes cultures, voit disparaître les animaux de nombreuses fermes et s'interroge sur les pratiques modernes face aux problèmes de surproduction et de dégradation des sols.
Pour en savoir plus :
Histoire de Cailly : Les moulins le ont la laiterie de Gilbert Leclerc et Hugues Auvray (Wooz éditions)