Eugène NOEL, un écologiste avant l’heure

Tous les candidats à l’élection présidentielle ont mis en avant leurs préoccupations écologistes, retrouvons avec plaisir ce que Eugène Noël a pu dire sur la connaissance, le respect et la préservation de la nature il y a plus d’un siècle et demi.

Eugène Noel a passionnément aimé la campagne. Dans bon nombre de ses ouvrages et articles de journaux (parus pour la plupart dans le Journal de Rouen, ancêtre de paris Normandie) il décrit les plantes, les fleurs, les insectes, les travaux de la campagne, les coutumes des paysans avec une précision de scientifique. Dans son ouvrage “La campagne", il nous fait vivre mois par mois le réveil de la nature au printemps, son épanouissement en été, son endormissement en hiver. Toutes ses descriptions sont matière à philosopher sur l’utilité de chaque plante, animal, aussi petit et insignifiant soit-il, sur la place de chacun. Il regrette que les paysans soient souvent trop ignorants pour tirer parti de ce que la nature peut offrir et milite pour une formation poussée de ces populations rurales aux sciences, à la littérature, aux arts afin qu’ils exploitent mieux les richesses que leur offre la nature et ne désertent plus la campagne pour une vie qu’ils pensent plus facile en ville. Il a arpenté les hameaux autour de Clères seul ou avec ses célèbres amis. Spalikowski dit de lui « Quel infatigable piéton ! Si nous calculions le nombre de kilomètres parcourus chaque jour ou presque, en promenades rêveuses autour de son modeste hameau dans lesquelles il entraîna parfois plus d’un illustre compagnon, sans doute Eugène Noel mériterait le brevet de tourisme… ».

Dans « la campagne » encore, il entrevoit les méfaits de la chimie : « … la science s’est quelquefois trompée. La chimie, dont les développements en ce siècle ont été vraiment prodigieux, n’en a pas moins émis, notamment sur le système de nutrition des animaux, quelques assertions prématurées, dont les plus illustres chimistes, à cette heure, tels que Boussingault et Liebig reconnaissent l’inexactitude ». Surprenant, en 1866 !

“Des bêtes tristes et ennuyées profitent mal, les éleveurs doivent faire la vie de leurs animaux heureuse. Ainsi, leur chair sera de meilleure qualité, ainsi que le lait et le beurre” (la campagne). Voilà qui ravirait les militants de la protection animale !

Alors que les écrivains de sa génération ont souvent beaucoup voyagé, lui a très peu quitté sa chère campagne. On dirait aujourd’hui qu’il a considérablement limité son empreinte carbone. Manque de curiosité ? Peu de goût pour l’inconnu ? Peut-être. Spalikowki dit qu’au coin du feu, lorsque le temps était à la pluie, Eugène Noël cultivait “le voyage en son propre moi, plus mystérieux et lointain que celui de l’Amérique. Car, qui peut se vanter d’avoir jamais été au bout de la connaissance de soi-même ?”.

Il a vécu les débuts de l’industrialisation dans nos vallées. Il en a vu les bienfaits, constatant que la vie des villageois s’en était nettement trouvée améliorée, mais aussi les méfaits. Il craignait “les déplacements bruyants des citadins qui laisseraient comme souvenirs les papiers gras et les boîtes de fer blanc, les branches d’arbustes cassées et les fleurs éparpillées comme pour la procession de la fête du gâchis” (la campagne).

Il conclut ainsi son ouvrage : « … le monde, tel qu’il existe, ne vit que par la nourriture … l’agriculture n’est pas seulement le premier des beaux-arts, mais elle en est le plus sacré ».

Sources : Spalikowski « Autour de Clères ».

Eugène Noel : la campagne (1866)