04 - Le contexte local

L'après guerre

Clères a payé, comme les autres communes, un lourd tribut à la « Grande Guerre » et certaines familles ont été particulièrement touchées comme les Bidault, Dargent, Godement et Porquer qui ont compté deux frères « Morts pour la France ».

Plusieurs femmes sont veuves de guerre comme Cécile Leborgne, 36 ans en 1926, épouse de Léon par exemple.

Le conseil municipal décide le 23 mars 1921 l’adoption de la commune martyre de Trosly-Breuil (Oise) et lui alloue un don de 500 frs.

Sur le monument aux morts, inauguré le 10 avril 1921 en présence du préfet, 29 noms sont inscrits. Le terrain a été donné, en 1920, par Jean Delacour en face de l’entrée du Parc. Son frère, tué lors d’un bombardement, est cité sur le monument.

La commémoration du 11 novembre 1921 prend un faste particulier : du pain et de la viande distribués aux indigents, sonnerie des cloches à 11 heures, salves d'artillerie, concert par la musique municipale à 15h, bal à 20 heures, monuments pavoisés et illuminés.

Après sa visite en juillet 1921 de la commune de Trosly-Breuil (Oise) avec ceux des communes voisines de Mont-Cauvaire et des Authieux Ratiéville, Léon Duthil maire, décide également d’accepter le don gratuit d’un canon comme trophée de guerre, il sera mis en place début 1923 par Raoul Farcy (58 ans) et son fils (22 ans), charpentiers.

Une plaque commémorative est inaugurée en juillet 1925.

C’est également en 1925 que le conseil municipal demande des explications à l’industriel ayant proposé des portraits de morts pour la France, à des habitants contre paiement immédiat et qui n’ont pas obtenu satisfaction.

Il décide, en 1932, enfin d’accorder la médaille communale du combattant aux vétérans de 1870.

L’impact de la guerre se mesure en 1926 avec un excès de plus de 30 % de jeunes garçons par rapport aux filles, nés après 1917, et un déficit de 30% des hommes de 20 à 29 ans.

les communes voisines

Que ce soit par leurs activités, leurs renommées ou leurs attractivités, des communes proches de Clères sont constitutives du contexte exerçant sur les habitants une réelle influence.

Monville

Monville (orthographe de l’époque) est une commune de près de 3000 habitants, à 7 km de Clères, au confluent du Cailly et de la Clèrette, desservie, comme Clères, par la ligne Rouen Dieppe où bon nombre de filatures/tissages sont installés depuis le milieu du 19ème, c’est l’extrémité nord de la zone industrielle de la vallée du Cailly surnommée « le petit Manchester ». Plusieurs habitants, essentiellement du hameau du Tôt y travaillent et parcourent les 6-7 km pour s’y rendre.

Grugny

Située à 3 km au nord de Clères sur le plateau, un asile départemental y est créé ; il porte assistance aux enfants handicapés légers, aux vagabonds et mendiants, aux vieillards infirmes ou incurables. Certaines personnes sont autorisées à « sortir » pendant quelques heures ; on peut alors les rencontrer souvent assis, parfois le regard absent, dans leur tenue de drap bleu épais et coiffé de leur casquette, sur la route qui descend vers Clères ou dans le centre de la commune, ils font partie du « paysage ».

Une ferme avec jardin potager et exploitation agricole assure une partie de l’alimentation et des revenus de l’établissement. Plusieurs habitants y travaillent comme Marcel Morel (ouvrier agricole en 1936 ) ou Edmond Spalikowski comme économe jusqu’en 1920, qui en garde le « pire souvenir de sa vie professionnel » et le décrit comme une « caserne de vieillesse ».

Mont Cauvaire

Petite commune de situé à 3 km au sud-est de Clères sur le plateau a vu s’implanter en 1901, le prestigieux collège de Normandie.

C’est à cette date qu’est décidée, à Paris, sa création ; une société anonyme est constituée ; elle achète le domaine l’ancien château du Fossé d’une contenance de 112 ha sur le plateau qui domine d’une part la vallée de la Clérette, d’autre part le vallon de la rivière du Cailly.

C’est un établissement privé masculin d’enseignement secondaire qui prépare les jeunes gens au baccalauréat. Ses fondateurs sont de grands industriels (en particulier du coton) et commerçants rouennais, admirateurs des « Publics Schools » britanniques.

Le Collège de Normandie est une émanation de la haute bourgeoisie qui ouvre officiellement ses portes en avril 1902 avec 7 élèves ; deux ans plus tard ils sont 40 et en 1912 80 élèves.

Deux grandes « maisons » : « les Pommiers » (1903) et « les Tilleuls » (1910) viennent s’ajouter au Château pour loger les élèves internes dans des chambres individuelles.

Pour l’éducation physique, on dispose d’une organisation matérielle de première ordre : un stade avec piste cendrée, plusieurs terrains de football, des courts de tennis (six en 1934), une salle de gymnastique, une salle d’escrime et une piscine (1903) agrandie en 1911 où elle sera alors la plus grande piscine en plein air de France.

Au lendemain de la première Guerre Mondiale la barre des 100 élèves est dépassée.

Entre 1920 et 1930 le collège connaît son apogée : il est alors dirigé par Louis Dedet (professeur de philosophie à l’Ecole Albert Le-Grand à Arcueil).

En 1922 il y a 107 élèves qui appartiennent à une élite sociale favorisée par l’argent et destinés à devenir les représentants d’une classe sociale dominante.

A partir de 1919 arrivent des professeurs qui vont rester fidèles au Collège de Normandie et marquer son histoire et celle du territoire comme Placide Alexandre (à partir de 1926) et Edmond Spalikowski (1921 à 1936) qui habite à Clères à partir de 1931.

Les élèves étaient véhiculés de la gare de Clères au collège par une petite diligence et des breaks, suivis par une charrette destinée à transporter les valises, surtout au moment des vacances.

Il emploie plusieurs habitants de Clères en 1926 dont Alphonse Acard (51 ans) menuisier et Maria Boucher (55 ans) comme journalière et son influence sur la vie de la commune est importante.