La chapelle de Valmartin

La chapelle de Valmartin est assurément l'une des plus belles du Haut-Cailly, dédiée depuis son origine à Saint Martin, les anglais la nomme Saint Georges pendant la guerre de 100 ans.

Peut-être même l'ont-ils fait reconstruire après en avoir détruit une partie de celle du 12è siècle ? L’édifice de grès et silex taillés comporte clairement deux styles de constructions de deux époques différentes.


La chapelle en 1929 (dessin d'Edmond Spalikowski - collection privée) et en 2022

« Hicdomus Dei est et porta caeli
(
C'est la maison de Dieu et la porte du ciel)»


L’église St Georges du Valmartin dépendait du doyenné de Pavilly. Le chœur de l’église est du XIIème siècle et la nef du XVIème siècle.

Le saint le plus célèbre en France, dans tout le Moyen ge, fut, comme on sait, Saint Martin, et nombre d’églises lui furent consacrées. Au contraire, le grand saint de l’Angleterre était Saint Georges : aussi Talbot (un des combattants anglais pendant la guerre de 100 ans), durant son occupation de la Normandie, plaça-t-il sous le patronage de Saint Georges les églises dédiées autrefois à Saint Martin ; c’est ainsi que notre église, consacrée d’abord à Saint Martin, le fut ensuite à Saint Georges. Le village, qui s’était appelé jusque-là Val-Saint-Martin, devint le Val-Saint-Georges. Jusqu’à nos jours, l'église est restée dédiée à Saint Georges. Cette église fut même, à ce qu’on croit, bâtie par les Anglais, qui avaient brûlé l’ancienne…

Le chœur constitue la partie la plus ancienne de la chapelle : le chevet a conservé deux baies étroites et élancées. La datation de cette partie de l’édifice remonterait au XIIe siècle. Mais le volume général témoigne d’importantes reprises aux XVIe et XVIIIe s ; à cette dernière époque, le pignon découvert du chevet, à colombages dans sa partie supérieure, a été percé d’une grande baie, légèrement cintrée, au-dessus des deux ouvertures anciennes ; les fenêtres percées dans le mur gouttereau sud de la nef datent, semble-t-il, de la même époque. Enfin plusieurs interventions eurent lieu au XIXe s., comme les ouvertures à encadrements de briques.

Mgr Colbert visite l’église le 4 octobre 1685. Il ordonne de réparer des lambris et la couverture du chœur. Les comptes étaient en bon état. Il fallait inventorier les titres et les enfermer sous clefs. (ADSM G 1619)

A son tour, Mgr Claude Maur d'Aubigné, archevêque de Rouen, visite l’église le 1er juin 1717. (ADSM G 741, page 61)

Après avoir énuméré les nombreuses réparations à effectuer dans l’édifice, il poursuit : “...aynat point de vicaire mais un clerc qui jouit à présent d’une petite maison de l’église avec la masure et 4 acres de terres cy devant louée trente quatre livres comprise dans le revenu en dessus et les fruits du cimetière tant pour aider à chanter que pour tenir l’école des garçons, et fait tenir celles des filles par sa femme, la charité n’ayant que des casuels et point de comptes”.

Cet archevêque qui a visité toutes les églises de notre contrée a toujours le souci de la scolarisation des enfants des villages !

César Marette écrit au début du 19ème siècle :

“L’église du Valmartin se trouve aujourd’hui isolée au milieu des champs, entre le hameau de la Grande Route et les hameaux de Bosc Nouvel et de la Vallée de Misère. On doit croire qu’il n’en fut pas toujours ainsi, alors même qu’on ne reconnaîtrait pas de marques d’anciennes habitations auprès de cette église, dans l’existence de mares et d’étangs en plein champ. Le Val Martin fut brûlé en 1472, par Charles le Téméraire…

Spalikowski décrit avec beaucoup de précision l’église en 1921 : “Demandez à côté, dans une humble chaumine, la grosse clef pour y entrer. Un porche en bois jette son ombre sur l’ogive du XVIè et le portail. Mais l’intérieur vous réserve d’autres surprises : panneaux du XVIè siècle, boiseries à coquilles, peintures d’autel représentant le Bon Pasteur, l’apôtre Jean et l’adoration des Bergers surmontant un tabernacle Louis XV, une horrifique statue de Saint Georges, en armure du temps de Charles Quint, bassinet en tête, terrassant le dragon, et qui encourage sa voisine, une sainte en costume de Renaissance, vitrail en grisaille de la même époque où Marie et Jean (celui-ci vêtu comme un seigneur de l’entrevue du Camp du Drap d’or), accompagnant un christ en croix, qu’implore le donateur, représenté par un prêtre en surplis, le tout dans un lumineux décor d’arabesques. Voilà plus qu’il n’en faut pour décider de jeter une obole dans le bahut à serviettes plissées servant de tronc, offrant ses larges flancs aux très maigres aumônes.

Devant l’église, un if, de son manteau toujours tendu, protège, aux soirs d’hiver, ce petit coin charmant, de l’âpre vent des plaines.

De nos jours, on peut retrouver pratiquement tous les détails décrits par E.Spalikowski, y compris l’if situé devant le porche, le talus planté de grands hêtres et les rhododendrons qui enserrent le petit cimetière

Quant aux grosses clefs, elles sont à la mairie et chez le responsable de la paroisse.

Passé le porche à colombages, la lourde porte ouverte laisse apparaître les fonts baptismaux en pierre surmontés d’une cuve en plomb à deux compartiments fermés par un couvercle à verrou. Dans le choeur se trouve une jolie bannière représentant St Georges. Deux rares autels avec retables sculptés et dais peints font la transition entre le chœur et la nef, l’un consacré à la Vierge et l’autre à Sainte Anne.Certaines statues sont maintenant classées : dans le chœur, les statues de bois représentant St Antoine avec son cochon et St Fiacre avec une bêche et dans la nef, St Georges terrassant le dragon.

Dans le cimetière, un sarcophage porte des inscriptions latines illisibles. Spalikowski dit « qu’un fier seigneur d’antan a voulu s’écarter des tertres des manants et sur son blanc sarcophage l’œil peut encore distinguer une date, 1731 ».

A partir de 1960 des travaux de restauration du bâti et de la statuaire ont été conduits sous l’autorité des monuments historiques, avec un aménagement du chœur conforme aux conclusions du Concile Vatican 2 ; avec désormais un bel autel pierre et silex permettant de célébrer l’Eucharistie face aux fidèles.

La nouvelle municipalité a fait remettre en état l’électrification de la cloche pour sonner l’Angélus matin, midi et soir et essaie d’entretenir ce petit bijou bien caché au cœur de la campagne cauchoise auquel les habitants du village sont fort attachés.

La Paroisse Saint Jean Bosco de Clères-Montville est affectataire du lieu et y célèbre le culte : messe annuelle, baptêmes, mariages. Elle peut également être ouverte pour les journées européennes du patrimoine.

Françoise Hénaut

Sources :

Fonds Bizet (textes de César Marette et Edmond Spalikowski)

François Madec, membre du Conseil pastoral paroissial