Le mari est décrit comme "...son agent particulier ou son préposé ou son régisseur ou son serviteur mâle soignant son cheval et conduisant ordinairement son cabriolet"
(Extrait du compte rendu du conseil municipal de Cailly du 11 novembre 1834)
En France, dans les années 1830, l'entretien des chemins et voies de communication est financé par des contributions en nature des citoyens. Ces contributions prennent la forme de journées de travail, de mise à disposition de chevaux et de chariots, lorsque les revenus de la commune sont insuffisants. Un "rôle matrice" est établi par le percepteur receveur de la commune pour recenser chaque foyer, précisant le nom du chef de famille, le nombre de contributeurs, les animaux et les véhicules disponibles.
Une commission composée de membres du conseil municipal est chargée de contrôler ce rôle. Le conseil municipal, complété par les plus gros contribuables de la commune, vote ensuite le tarif des prestations en nature. Ces prestations varient d'une commune à l'autre, ce qui incite certains citoyens à tenter d'y échapper.
C'est ainsi qu'en 1834, la commune de Cailly est confrontée à une telle situation. Le 11 novembre, le conseil municipal se réunit pour examiner l'état matrice des habitants susceptibles de contribuer à la réparation des chemins communaux en 1835. Mme Poitevin, une habitante de la commune, conteste son inscription sur l'état matrice et demande à en être retirée.
Le conseil municipal rejette la demande de Mme Poitevin, arguant qu'elle oublie les prescriptions de la loi. Mme Poitevin réside en permanence dans la commune, y possède une maison et paie des impôts fonciers, personnels, mobiliers, et des contributions pour les portes et fenêtres. De plus, elle possède un cheval qui reste en permanence à Cailly.
Le conseil considère également que le mari de Mme Poitevin, bien qu'ayant déclaré son domicile à Etaimpuis pour se soustraire aux charges de Cailly, y réside habituellement et utilise les chemins de la commune. Le conseil le considère donc comme "son agent particulier, ou son préposé, ou son régisseur, ou son serviteur mâle, soignant son cheval et conduisant ordinairement son cabriolet".
Le rejet de la demande de Mme Poitevin met en lumière la détermination du conseil municipal de Cailly à faire respecter les lois en matière de contributions pour l'entretien des chemins. Le conseil n'hésite pas à utiliser des termes peu flatteurs pour le mari de Mme Poitevin, le qualifiant implicitement de "cinquième roue du carrosse", pour souligner son rôle secondaire dans cette tentative d'évasion fiscale.
Cet incident témoigne des difficultés rencontrées par les communes pour financer l'entretien de leurs infrastructures et de la résistance que peuvent opposer certains citoyens à l'accomplissement de leurs obligations fiscales.
Gilbert Leclerc