Saint Romain - La foire - La fierte

William James MüllerRouen: La Fierté de St Romain1840 - Tate Gallery Londres
La fierte

Comme tous les ans à cette époque, la foire Saint-Romain s’installe sur les quais de Rouen.

Bien avant son passage sur le boulevard de l’Yser, elle se nommait la “foire du pardon” et se tenait alors plus haut, près de la “Rue du champ du pardon”.

Si Saint-Romain, pardon et fierte sont intimement liés à l’histoire de cette foire, seule la fierte est restée à sa place.

Au fait, de quel pardon s'agit-il, c'est quoi cette fierte que l’on peut toujours voir en ville et en quoi le Haut-Cailly est-il concerné ?

A cette période de l’année, si on vous parle de Saint Romain, votre esprit vous entraîne vers des allées illuminées bordées de manèges, de loteries et autres restaurants. Cela se comprend car cette foire existe depuis le moyen âge et son existence est bien ancrée dans les pensées des rouennais.

Ce qui est, peut être, un peu moins connu c’est la raison de la célébration de cette foire qui était nommée autrefois foire du pardon. Une rue de Rouen porte d’ailleurs le nom de “Rue du champ du pardon” là où elle se tenait.

Saint Romain est évêque de Rouen au 7ème siècle et de nombreux miracles lui sont attribués. Parmi ceux-ci, celui de l’anéantissement de la Gargouille. Ce monstre qui terrorise les rouennais est terrassé par Saint Romain aidé d’un condamné à mort qu’il avait emmené avec lui. En récompense de ce haut fait, le condamné est libéré.

Depuis, tous les ans, et au moins depuis le 11ème siècle, un privilège est exercé par le chapitre de la cathédrale de Rouen consistant en la libération d’un condamné à mort le jour de l’Ascension. Le miracle de Saint Romain est utilisé pour justifier ce privilège. Les rois qui se sont succédé n’ont jamais apprécié que l’on puisse statuer sur la vie ou la mort d’un individu car eux seuls avaient ce privilège. Une enquête, décidée par Philippe Auguste en 1210, montre que le privilège existe déjà au 11ème siècle et qu’il est donc difficile de le remettre en cause.

Le chapitre ayant choisi le prisonnier à libérer, les cérémonies peuvent commencer. Le gracié doit monter les marches de la fierte* et soulever trois fois la châsse, contenant les reliques de Saint Romain, avant de se rendre à la cathédrale pour la célébration. La fierte est un édifice construit en 1542 qui se trouve, toujours actuellement, place de la haute-vieille-tour contre la halle aux toiles. Cet emplacement correspond à la sortie de la prison du château, bâti par les ducs de Normandie et démoli par Philippe Auguste en 1204. La cérémonie de la fierte s’est maintenue au même endroit au fil des siècles bien que les prisonniers soient libérés de prisons situées en d’autres lieux.

Pas moins de six habitants du canton de Clères ont été graciés.

  • En 1398 Hugues Morel de Quincampoix qui a assassiné un prêtre nommé Le Vigneron.

  • En 1428 Estiennette Prisart de Sierville qui a volé une tasse en argent à messire Vérète prêtre à Saint Sauveur à Rouen.

  • En 1451 Raoul Reynier de Pibeuf qui a tué Guillaume Simon qui le frappe violemment.

  • En 1502 Marquet Dubosc natif de Ratiéville qui a tué un homme lors d’une bagarre.

  • En 1570 Claude Goubert né à Anceaumeville qui a tué dans une bagarre.

  • En 1584 Pierre Guéroult né à Frichemesnil a tué lors d’une bagarre contre des gens de Bosc le Hard.

Comme tous les privilèges, celui-ci est aboli à la Révolution et le dernier prisonnier gracié l’est en 1790.

A la fin de la seconde guerre mondiale toutes les halles de la place de la haute vieille tour (halle aux toiles, halle au blé et halle aux draps) sont détruites seule la fierte est épargnée.

De nos jours, ce monument semble avoir perdu de son prestige. Cependant il reste le témoin de la puissance de l’église à travers toute notre histoire.


*Fierte : fierte est un mot en vieux français qui signifie chasse ou reliquaire et qui vient du latin feretum qui signifie cercueil.


Michel Lucien