Incendie au château de Clères

Le château de Clères et son parc riche de plantes et animaux venus du monde entier, propriétés du scientifique Jean Delacour depuis 1919, font l’admiration de très nombreux visiteurs depuis une décennie. Mais deux incendies en 1939, et des bombardements allemands en mai et juin 1940 détruisent une bonne partie du château et du parc.


Journal de Rouen du 17 février 1939
Crédit : Archives Départementales de Seine-Maritime

Dans la nuit du 15 au 16 février 1939, le maître d’hôtel du château découvre un début d’incendie vers 23h45. Il appelle vite le chef jardinier qui habite sur place, Francis Fooks, le Directeur du parc qui loge non loin du château, la gendarmerie et les pompiers de Clères qui arrivent avec leur moto-pompe. M. Delacour n’est pas à Clères : depuis octobre dernier, il se trouve en Indochine où il dirige une mission franco-américaine d’ornithologie. 

Le Maire du village, M. Beaufils, arrive rapidement sur les lieux et appelle les pompiers de Rouen en renfort. Le feu, parti du petit salon, se propage vite dans la salle à manger, détruisant meubles et objets d’art, dans la riche bibliothèque ornithologique, puis monte dans les étages, dans les chambres puis les combles. Six pompes sont mises en action, alimentées par l’eau de la clérette dont le niveau reste assez haut grâce aux barrages établis trois ans plus tôt par la municipalité. Une lutte acharnée de plusieurs heures permet d’arrêter la propagation de l’incendie vers 14 heures, mais il faudra encore déverser de l’eau pour contenir tout départ de feu dans les combles jusque dans la soirée.

Dès le lendemain matin, M. Fooks se rend dans les volières et cages inondées sous le château. Les animaux font un vacarme infernal, mais ont réussi à se réfugier en hauteur pour échapper à l’eau : seulement deux oiseaux ont péri noyés.

Quant aux causes de l’incendie, on ne se les explique pas : le courant électrique avait été coupé, le calorifère rechargé dans la soirée par le jardinier ne dégageait aucune fumée ni aucune odeur et toutes les cheminées avaient été ramonées. Malveillance ? Aucune certitude… 

La toiture du château est réparée sommairement et Jean Delacour, revenu à Clères, s’installe dans le manoir demeuré intact. 

Mais hélas, comme le relate E. Spalikowski :  en juin 1939 “un second incendie vient de s’attaquer cette fois à la partie vraiment ancienne dite le « Manoir », épargnée par le sinistre de la nuit du 15 février, il y a quatre mois !” En effet, le 25 juin, quatre ouvriers sont en train d’installer le chauffage central dans le manoir où Jean Delacour s’est installé avec sa mère, quand, à 13h45, ils aperçoivent de la fumée sortant de la tourelle. Ils constatent que des poutres et chevrons sont en train de brûler. Aussitôt, gendarmes, garde-champêtre et pompiers sont alertés, ainsi que M. Delacour qui mange dans un restaurant non loin de là. Deux lances viennent à bout du sinistre dont on devient maître dès 15h45 ; il faut néanmoins continuer à surveiller pour sécuriser le site.

La guerre éclate. Les bombardements de Clères par l’armée allemande les 24 mai et 7 juin 1940, font trois victimes parmi la population du village et anéantissent  complètement le parc du château, ajoutant aux désastres causés par les deux incendies.

Selon son ami Spalikowski, Jean Delacour est triste et découragé : la première guerre mondiale avait déjà détruit son château familial de Villers Bretonneux (Somme) bombardé en mars 1918 avec ses premières collections de plantes et d’animaux. Le même scénario se reproduit à Clères et anéantit encore une fois des aménagements de plusieurs décennies. 

Il part pour New York où, après bien des péripéties, il arrive en décembre 1940. Commence pour lui une vie de scientifique au Muséum d’histoire naturelle de la ville ; il écrit de nombreux ouvrages et se mêle à la vie artistique du pays.

Et Clères ? Dès 1944, il est encouragé à reconstruire le château et à réaménager le parc. La plus grande partie est remise en état lors de son retour fin 1946. Le parc rouvre au public en mai 1947.


Françise Hénaut