Les gardes champêtres (1/2)

Jules Breton (1827-1906) - Les glaneuses, 1854 - National Gallery of Ireland

Figure familière de nos campagnes, craint ou moqué, le garde champêtre  fut et  reste encore un incontournable et indispensable acteur de  la vie rurale.  Alors «  AVIS A LA POPULATION !  

Si vous êtes un fan des séries télévisées, vous connaissez bien sûr Alex HUGO, cet ancien inspecteur de la police judiciaire urbaine reconverti par amour des grands espaces dans la police rurale ? Et bien, c’est un descendant des gardes champêtres (un peu plus sexy), dans la lignée de ces personnages hauts en couleur,  qui, depuis le haut Moyen  ge assurent la police rurale, selon l’ancien droit établi par les chartes-lois et coutumes des seigneuries des provinces de France.


On les appelle alors messions, messeliers …messegués noms qui viennent de messis  = moissson. En fait, ce sont ceux qui gardent les moissons.  De nombreuses et successives législations encadrent la fonction de ces gardes tout d’abord privés. Sous le règne de Louis XIV,  en plus de la surveillance des moissons, ils contrôlent  le « droit exclusif des chasses »,  privilèges des nobles,  ainsi que la surveillance du glanage et du grapillonnage. On les appelle alors selon les terroirs : baugards, gardes champs, sergents de verdure (mon préféré) et enfin gardes champêtres.


Ils exercent une police impitoyable et pourchassent les braconniers tant et si bien que leur impopularité est totale et engendre en 1789 dans les cahiers de doléances la demande « d’être délivrés de ces gardes ». Ce qui fut fait le 4 août 1789 en abolissant les privilèges seigneuriaux dont celui de chasse exclusif. Bien sûr, il s’en suit un grand désordre et des abus qui entraîneront la loi du 30 avril 1790 imposant aux communes la création d’une garde communale et donc le recrutement des gardes champêtres. Si c’est une lourde charge pour les communes, ce garde a en réalité peu de pouvoir,  pourtant la mission est difficile et dangereuse (les braconniers et autres contrevenants n’hésitent pas à faire le coup de fusil).


Les lois des 23 septembre et 6 octobres 1791 créent le cadre de la police rurale, défini par le code rural qui étend les compétences des gardes champêtres au maintien de l’ordre dans les communes sous l’autorité du maire.


Des critères de recrutements sont édictés : l’impétrant devra avoir au moins 25 ans, savoir lire et écrire et être de bonne condition physique et bien sûr de bonne moralité. Mais d’autres conditions d’embauche vont compliquer et  limiter les recrutements puisque l’on  devra privilégier les vétérans militaires pensionnés,  jusqu'à exiger sous l’empire que seuls les soldats retraités soient admis à l’emploi de garde champêtre.


Un garde ainsi  recruté, le conseil municipal prend une délibération. La décision du maire est transmise au préfet qui commissionnera le nouveau garde ; celui-ci devra enfin prêter serment chez le juge de paix du canton. Il reçoit  alors une plaque de cuivre ou de fer blanc sur laquelle sont gravés : en grand LA LOI, le nom du garde et sa commune d’exercice. Il  la portera sur le bras ou sur le baudrier de son sabre briquet (court) il coiffera le bicorne tricolore avant 1820, date  à partir de laquelle il revêtira un uniforme plus militaire et portera le képi. Une ordonnance de 1820 l’autorisera à porter un pistolet et un fusil.


Un mot sur l’exigence de savoir lire et écrire : on sait qu’à cette époque peu de gens de l’acabit de ceux qui répondent aux exigences réglementaires le peuvent, d’où  la mise en place du « procès verbal » : le contrevenant se voyait notifier verbalement  la nature de son infraction par le garde qui en référait ensuite au maire qui rédigeait (ou faisait rédiger) ledit procès  verbal, à charge au garde champêtre d’aller le remettre à celui qu’il avait pincé. On pouvait aussi trouver un livret dans lequel des documents « à trous» proposaient des modèles à compléter selon les infractions (voir en annexes) permettant  ainsi au garde de rédiger lui même le procès. Ce terme de procès verbal est resté en vigueur aujourd’hui.