Elections : pas d'abstention en 1848


L’ouvrier poète François Leblanc, adjoint au maire en 1848.

De nos jours, l’abstention aux élections devient un phénomène préoccupant. En 1848, pas ou peu d’abstentions : les 23-24 avril, 700 électeurs de Montville se déplacent en cortège vers Clères, le chef-lieu de canton, avec bannières et fanfare afin d’élire leurs représentants qui devront écrire la nouvelle constitution. François Leblanc, peintre-ouvrier montvillais, raconte ces événements dans ses mémoires.


La seconde république est proclamée le 24 février 1848. La nouvelle arrive à Monville (orthographe de l’époque) à 8 heures du soir. Grâce aux mémoires de François Leblanc, nous pouvons vivre les conséquences de cet événement dans la plus grosse bourgade du Haut-Cailly.

François Leblanc, c’est aujourd’hui juste un patronyme inscrit sur deux petites plaques bleues à chacune des extrémités d’une rue de Montville qui relie la route des Cambres à celle de Fontaine le Bourg dans la partie qui monte à la gare, en bordure des résidences « du Verger » et des « Châtenières ».

C’est un peu court comme épitaphe, il fallait donc fouiller le passé de cet illustre Montvillais. Heureusement, il avait déjà fait l’objet d’une recherche universitaire du professeur Gossez en 1908 sous le titre « Mémoires d’un ouvrier peintre » ayant pour sujet une histoire de la seconde république dans la vallée ouvrière du Cailly (Montville et Malaunay). Cette parution s’appuie sur les mémoires rédigées par François Leblanc, commentées et complétées par l’auteur par des références aux journaux de l’époque.

François Leblanc naît le 8 août 1819 à Clères et décède à Montville le 2 août 1896. On peut dire que c’est un enfant du 19ème siècle. Il traverse les spasmes de la Restauration, de l’Orléanisme, de la seconde république, du second empire et de la 3ème république. Ses Mémoires ne couvrent en définitive qu’une année : 1848. Elles racontent les tribulations des édiles municipales partagées entre les tenants de l’ancien régime (les filateurs et la bourgeoisie locale) et les républicains (essentiellement les ouvriers des manufactures). Il a matière à anecdotes si l’on se rappelle que les élections en 1848 se sont ainsi succédées :

  • Elections de députés pour l’assemblée constituante 23, 24 avril.

  • Elections municipales le 3 juillet.

  • Election complémentaire pour l’assemblée constituante le 4 juin.

  • Complément d’élection les 17 et 18 septembre.

Elections auxquelles il faut ajouter les épisodes électoraux des gardes nationaux locaux.

François Leblanc se penche peu sur les conditions de vie de ses concitoyens, mais il évoque la misère sociale causée par les conséquences d’un phénomène météorologique extrême, la trombe du 19 août 1845 qui ravage « la petite vallée de Manchester » et une succession de faillites industrielles. Il s’attache à tenir une chronique détachée et souvent ironique de l’organisation municipale consécutive à la république. Il campe des portraits et des situations baroques, parfois dramatiques, mais la fausse innocence de ses propos laisse poindre une grande part de dérision. Ses écrits ont d’autant plus de valeur qu’il est lui-même un acteur, élu au conseil municipal et maire adjoint presque sans interruption de 1848 à sa mort en 1896.

Notre ouvrier peintre vitrier qui mène, semble-t-il, fort bien ses affaires personnelles (M. Gossez pense qu’à sa mort, il laisse une petite fortune), est aussi un « barde » local. Emule de François Béranger, il rime sur le temps, les affaires et la vie citoyenne. On retrouve un recueil de ses chansons publiées en 1842 aux publications rouennaises et quelques morceaux de ses discours en vers distillés lors de banquets.

On y trouve en particulier le discours en vers qu’il déclame lors de la plantation de l’arbre de la liberté à Monville où il mêle ses sentiments républicains à ses sentiments chrétiens bien dans la note de l’époque.

Alain Hénaut

Pour aller plus loin :

Mémoires de François Leblanc

Opinions d'un poète ouvrier de 1848