Qui a voulu empoisonner
M. Louis à Cailly en 1890 ?
M. Louis à Cailly en 1890 ?
Le bourg de Cailly est en émoi, en ce mois d’octobre 1890. D'ordinaire si calme, le pays est sens dessus dessous cet après-midi. L'arrivée de deux voitures attire tous les regards. Dans l'une, plusieurs messieurs vêtus de noir, des magistrats, prennent place. Dans l'autre, deux jeunes filles du pays, encadrées par des gendarmes, sont conduites.
Ces deux sœurs ont été arrêtées il y a une huitaine de jours, suite à un mandat décerné par le parquet. L'inculpation qui pèse sur elles est lourde : tentative d'empoisonnement. Les faits qui ont motivé cette arrestation sont sur toutes les lèvres, alimentant les conversations animées à Cailly et dans les environs.
Quinze jours environ auparavant, Monsieur Louis, grainetier respecté de Cailly et ancien maire de Saint-Germain, se prépare à se rendre au marché du Bosc-le-Hard. Matinal, il se lève de bonne heure et, avant son départ, prépare le dîner familial. Il s'agit d'un ragoût qu'il confie à ses deux servantes, Parfaite-Fructueuse Baratte, âgée de vingt-quatre ans, et Louise Baratte, sa sœur cadette de seize ans. Elles sont chargées de réchauffer le plat et de le servir à l'heure habituelle à Charles, le neveu de Monsieur Louis, à Léon, son fils, et à la fille de ce dernier, une fillette de sept ans. Monsieur Louis doit les rejoindre plus tard, après son retour du marché.
À midi, Charles, Léon et la petite-fille s'installent à table et mangent avec appétit. Ils sont sur le point de terminer leur repas lorsque Monsieur Louis arrive de Bosc-le-Hard, ses affaires étant conclues. Il se joint à eux et mange modérément les restes de ragoût.
Mais soudain, un malaise général s'abat sur la petite compagnie. Quelques instants après avoir mangé, ils sont tous pris de violents vomissements. L'inquiétude grandit rapidement. Sans tarder, ils font appeler le docteur Maillet, qui arrive en hâte. Face à ces symptômes alarmants, le médecin soupçonne immédiatement un empoisonnement et administre à chacun des vomitifs.
L'enquête démarre rapidement. Les soupçons se portent naturellement sur les deux servantes qui étaient en charge du dîner. Parfaite et Louise Baratte sont interrogées. Selon les informations recueillies, une contrariété récente aurait pu motiver un tel acte. L'aînée, Parfaite, est particulièrement suspectée d'avoir versé de l'arsenic dans les aliments de la famille Louis. Les expertises médicales confirment la présence de ce toxique.
Les deux jeunes filles nient énergiquement toute implication. Elles sont arrêtées et conduites aujourd'hui à Cailly pour une confrontation et de nouveaux interrogatoires. L'affaire secoue profondément la communauté, qui s'interroge sur les raisons d'un tel acte et attend avec anxiété les résultats de l'enquête menée par le parquet de Rouen.
JC Parenty
D'après le Journal de Rouen du 29 octobre 1890