L'effet de souffle de la diplomatie trumpiste
Les Echos, 8 novembre 2024
Les Echos, 8 novembre 2024
Bien que la politique étrangère ne soit qu'un facteur second dans les campagnes électorales américaines, elle intervient généralement d'une part par les postures de fermeté mises en scène par les candidats, d'autre part par sa contribution à la défense des intérêts économiques des Etats-Unis. S'agissant des postures, Donald Trump s'est, tout au long de sa campagne, surpassé par ses effets de manche. Quant au fond, son discours a permis de préciser les inflexions et les accélérations qu'il entend donner aux grandes options de son premier mandat, qui forment largement les invariants de son programme pour le second mandat.
Il faut donc s'attendre à un soutien, politique et militaire, sans faille à Israël, doublé d'une plus grande fermeté, encore, face à l'Iran. L'acrimonie envers la Chine, vue comme la rivale et l'adversaire principale des Etats-Unis, est appelée à croître et embellir encore, notamment sous la forme de mesures draconiennes de protection douanière et de barrières aux transferts de technologie.
Une Europe moins protégée
Mais c'est sur le terrain du couplage de sécurité avec l'Europe que les choix du premier mandat pourraient connaître les développements les plus marqués. Trump avait alors semé la perplexité en menaçant de réduire l'engagement américain au sein de l'Otan, voire de s'en retirer complètement si les alliés ne relevaient pas leurs dépenses de défense. Il avait réitéré ses menaces pendant la campagne, indiquant notamment qu'il ne dissuaderait pas la Russie d'attaquer un Etat qui n'aurait pas « payé son dû » au sein de l'Otan.
Du point de vue des intérêts européens, une présidence Trump laisse présager un niveau de brutalité plus élevé encore que lors de son premier mandat.
Si un retrait des Etats-Unis de celle-ci reste improbable, une administration Trump exigera des alliés un relèvement à 3 % du PIB des dépenses de défense. Quant à l'Ukraine, Trump exclut son adhésion à l'Otan et se fait fort de pousser Kiev à négocier avec Moscou - sans espoir de retour à l'intégrité territoriale dans les frontières de 2014 - en jouant de la menace de mettre fin à l'assistance militaire et financière à l'Ukraine.
Autre perspective préoccupante pour la relation transatlantique, un protectionnisme assumé prendra la forme non pas de subventions massives - Trump s'est fait fort de mettre fin à l'IRA - mais de droits de douane, qu'il a qualifiés de « plus beau mot du dictionnaire ». Il a égrené tout au long de la campagne les idées de celui qui fut, pendant toute la durée de son premier mandat, son représentant pour le commerce, Robert Lighthizer : un droit de douane de base de 10 à 20 %, un principe de réciprocité systématique des droits de douane, l'imposition de droits spécifiques ciblant des pays qui chercheraient à contourner le dollar pour leurs transactions et la menace de retirer les Etats-Unis de l'OMC.
Mouvance nationale-populiste
Du point de vue des intérêts européens, une présidence Trump laisse présager un niveau de brutalité plus élevé encore que lors de son premier mandat. Les menaces sur la protection de l'Europe seront articulées avec les achats d'armement américain ou avec les pressions prévisibles pour que les Européens s'inscrivent dans une politique américaine d'affrontement avec la Chine.
Par ailleurs, l'inclination à jouer du rapport de forces dans un faisceau de rapports bilatéraux et une politique commerciale très protectionniste sont autant de facteurs de division du Vieux Continent. Enfin, l'effet de souffle d'une nouvelle victoire du candidat républicain donnera par ailleurs un élan supplémentaire à une mouvance nationale-populiste partout à l'offensive en Europe et qui sera confortée dans ses postulats.