L'ENA hors les murs, décembre 2011

La puissance au XXIème siècle

Recension de Robert Chelle

C'est un défi que m'a lancé l'auteur pour rendre compte d'un essai d'une telle ampleur presque 500 pages complétées par une bibliographie, bref, une réflexion originale globale sur la notion de puissance a l'heure de la mondialisation Nous pourrions nous contenter de cette phrase, mais Hubert Védrine, dans la préface, nous invite à aller au-delà lorsqu’il écrit : « La dense contribution que P. Buhler, fort d'une solide expérience de diplomate et d'analyste, apporte à ce décryptage de notre monde en mouvements vertigineux en s'appuyant sur une vraie réflexion théorique est d'un grand intérêt, mais aussi débouche sur de nombreuses questions ».

Comme l'auteur nous l'explique, la notion de puissance est une notion à la fois mystérieuse et banale de prime abord. Banale, par ses accents familiers : l’histoire et l'actualité abondent en références : des grandes puissances, aux superpuissances aux puissances nucléaires ou à l'hyper puissance Cet essai invite donc le lecteur à une exploration empirique de la puissance « guidée par l’ambition de dégager les règles de cette grammaire de la puissance qui permettent d'en lire et d'en comprendre le narratif » Et on ne peut que l'en féliciter car il nous propose, en comprimant les millénaires, le fil rouge de la notion de puissance avec ses constantes, ses déterminants, ses ressorts, mais aussi sa dynamique et ses modalités changeantes.

Très succinctement, nous essaierons de donner un aperçu de chacun des dix chapitres qui articulent la logique de la réflexion. Après avoir dégagé les fondements de la puissance dans ses rapports avec l'État, l'auteur étudie la généalogie de la puissance et le droit international. Dans le chapitre 3, qu'il intitule «La raison du plus fort », il examine le problème des déterminants de ses ressources et de ses modalités. D'autres questions se posent, qu'il analyse dans ce qu'il nomme « La tectonique démographique », tout en reconnaissant qu'il n'est pas toujours facile de dégager à cet égard une relation claire de causalité. De plus, il estime qu'il convient de constater que la mondialisation a transformé les modalités et les formes de la puissance : la dimension militaire que facilite une démographie importante n'est plus seule à imposer la puissance.

Enfin, et c'est un phénomène qui se développe et qu'il exprime dans les chapitres 6 et 7 : d'une part la puissance de l'argent et d'autre part, l'ère des réseaux. Derniers points : la montée de la puissance de l'Asie comme celle de l'Europe, et l'Amérique dans le chapitre 10 intitulé : « La vocation de la puissance».

En conclusion, il tient à mettre l'accent sur la dynamique de la puissance, la vitesse, le rythme de l'adaptation et plus encore l'innovation : « La puissance appartient à tous ceux qui en comprennent les règles, qui savent les assembler bref, à tous ceux qui savent en réinventer les différentes formes et les finalités ». Il s'agit d'un sujet d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Ce livre méritait en effet d'être écrit. C'est donc chose faite.

Robert Chelle