"La France a besoin d’une immigration de travail"

interview aux journaux du goupe Ebra 

6 novembre 2023

Les Dernières Nouvelles d'Alsace

« La France a besoin d’une immigration de travail »

Interview aux journaux du groupe Ebra (Le Dauphiné Libéré, Le Progrès, Le Bien Public, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Républicain Lorrain, L'Est Républicain, Vosges Matin, Les Dernières Nouvelles d'Alsace et L'Alsace), 6 novembre  2023.

 

Pourquoi affirmez-vous que la France a besoin d’une immigration de travail ?

L’ensemble du monde développé est confronté à ce besoin, parce qu’il subit un phénomène de vieillissement démographique : une part croissante de personnes âgées inactives, et moins d’enfants. A cela s’ajoute un fait trop souvent oublié : les Français émigrent, et sont nombreux à le faire, générant un solde négatif d’environ 160 000 personnes par an – une perte nette de bras et de cerveaux. Tout cela crée un besoin d’immigration de travail, pour occuper des postes de travail non pourvus, y compris dans des métiers qualifiés comme dans la santé.

 

Le gouvernement français conteste vouloir compenser un problème de main d’œuvre par l’immigration…

Il ne le dit pas explicitement. Mais la régularisation de travailleurs illégaux prévue dans le projet de loi en est un aveu implicite.

 

Le ministre du Travail dit que cela ne concernera pas plus de 10 000 personnes par an…

Ce chiffre a sans doute été évalué au plus bas, afin de ne pas attiser des controverses politiques. Mais on voit bien aujourd’hui que le déficit de travailleurs dans ces métiers en tension est supérieur à 10 000. Il faut juste reconnaître que la France a besoin, comme les autres pays européens, d’une migration de travail. L’Allemagne, par exemple, a présenté un plan destiné à attirer des centaines de milliers d’immigrés par an. La France devrait aussi mieux retenir les jeunes étrangers qui viennent étudier dans ses universités, puis partent travailler dans d’autres pays car nous ne leur faisons pas la place qui conviendrait.

 

Peut-on imaginer un Pacte de la migration de travail au niveau européen, comme il existe aujourd’hui un Pacte européen de la migration et de l’asile ?

J’en doute, quand on voit les levées de bouclier dans certains pays contre la relocalisation des demandeurs d’asile…

 

Une politique nataliste, comme vous avez pu l’observer en Pologne, peut-elle être une alternative à la migration ?

La Pologne a mené une politique très volontariste en ce domaine, mais son incidence sur le taux de fécondité a été relativement faible. J’ai également été ambassadeur à Singapour, dont le gouvernement avait développé une politique nataliste : il l’avait abandonnée après son échec complet pour se tourner vers une migration de travail. La France est sans doute un des pays ayant la politique sociale la plus favorable aux familles, et elle continue de l’améliorer, par exemple avec le congé de paternité. Et ce n’est pas sans conséquence sur son taux de fécondité, le plus élevé d’Europe. Mais on voit aujourd’hui que cela ne suffit pas à contenir la baisse du taux de fécondité.

 

Propos recueillis par Francis Brochet