Intervention militaire et légitimité

Intervention militaire et légitimité

Chapitre 11

Gilles Andréani et Pierre Hassner

Justifier la guerre ?

Presses de Sciences Po

Seconde édition

juillet 2013

Retour à la page d'accueil



Chapitre 11 / Intervention militaire et légitimité.

Pierre BUHLER.

« Illégale, mais légitime ». Ce sont les termes qu’Anne-Marie Slaughter, sommité américaine du droit international, a choisis, en mars 2003, pour qualifier la voie choisie par les États-Unis pour désarmer l’Irak de Saddam Hussein[170]. La légitimité procéderait des armes de destruction massive que les soldats de la coalition ne manqueraient pas de trouver et de l’accueil favorable que leur réserverait la population irakienne, et serait sanctionnée par l’appui ex post du Conseil de sécurité des Nations unies. Celui-ci a finalement pris acte, par plusieurs résolutions[171], de la situation nouvelle créée en Irak – et de lui conférer un statut juridique –, mais les deux motifs de légitimité invoqués sont demeurés désespérément absents. La même Anne-Marie Slaughter avait étayé son raisonnement par une référence au précédent de la guerre du Kosovo, en 1999, lorsque l’OTAN était intervenue en dehors des procédures des Nations unies, mais avait fini par acquérir, grâce au succès de l’opération, la légitimité internationale, sous la forme d’une caution implicite de l’ONU.

Ce rappel illustre ce qu’a d’insaisissable et d’indéterminé cette notion de légitimité, en un contraste frappant avec la belle géométrie de la légalité, décrite à longueur de pages dans les manuels de droit international public. Car, lorsqu’elles s’appliquent au recours à la force, c’est-à-dire à des questions aussi graves que la guerre et la paix, ces deux notions, légalité et légitimité, touchent aux fondements mêmes de la société politique interne, à sa sécurité, à sa cohésion, à son destin. Elles touchent aussi à l’essence de la société politique internationale, aux règles et aux normes qui en conditionnent l’existence et aux forces qui constamment l’agitent et la déstabilisent.

Légitimité et ordre interne.

Mais alors que toute discussion sur le recours à la force est presque naturellement attirée vers sa légitimation dans la société internationale, c’est d’abord dans l’ordre interne que s’inscrit le processus de génération de la légitimité. C’est là, au premier chef, et non pas dans les yeux de la « communauté internationale », que le recours à cette expression ultime de la souveraineté qu’est la guerre puise sa justification, son énergie, sa volonté. Sans doute, les chemins de ce processus sont-ils divers, tributaires du régime politique de chaque État, de la distribution du pouvoir dans chaque société. Ils sont plus exigeants, c’est l’évidence, dans un régime représentatif que dans une dictature totalitaire ou autocratique. Mais ils forment le préalable de tout geste qui, mettant en jeu la violence guerrière, doit être jaugé, soupesé, évalué à l’aune de ses conséquences. Certes, ce préalable a été, dans l’Histoire, implicite plus souvent qu’explicite, dicté par la nécessité de la surprise et de l’efficacité. Mais gagé sur la certitude du succès : c’est de la victoire, par la force ou par la ruse, que procède, pour Machiavel, la légitimité du prince et de sa politique.

Pour autant, l’Histoire ne manque pas de circonstances où le choix du recours à la force a été soumis au crible de la discussion publique et de la délibération démocratique. Dans la Guerre du Péloponnèse, Thucydide a rendu compte avec un luxe de détails des dilemmes tant moraux que stratégiques qui avaient dominé les débats à Athènes, en 428 avant notre ère, sur le châtiment à infliger aux habitants de Mytilène, une cité alliée d’Athènes dans la guerre contre les Perses avant de faire défection au profit de Sparte. Et c’est dans un embrasement patriotique que la Convention a, en 1792-1793, prononcé la « levée en masse » des citoyens pour défendre la république menacée par les troupes autrichiennes, prussiennes et britanniques.

Même si elle répond rarement aux canons de la perfection démocratique, c’est dans cette phase que l’opportunité du recours à la force est soumise à l’épreuve des préférences collectives d’une société, que sont soupesées les conséquences, que sont mis en balance les sacrifices, les coûts et les risques inhérents à toute entreprise guerrière et sa nécessité. Les critères relèvent, là, aussi bien de l’intérêt national, des « intérêts vitaux », de la sécurité que de considérations morales quant à la justesse d’une cause, évaluée à l’aune des normes en vigueur à chaque époque, dans l’ordre interne comme dans l’ordre international. Loin de s’imposer d’évidence, la légitimité devient enjeu d’un combat politique : du discours public à la manipulation de l’information, de la propagande aux campagnes d’opinion, des manifestations de rue à la disqualification ou au musellement des opposants, il y a là un large éventail de ressources auquel il faut ajouter la fabrication d’idéologies – de classes, nationalistes, religieuses – qui ont, au fil de l’Histoire, cherché à donner sens à une politique.

Les acteurs de ce débat sont au premier chef le dépositaire de l’autorité de l’État, mais aussi le personnel politique, les médias, les opinions publiques et, à échéances régulières, le corps électoral, les intellectuels, etc. La force de conviction de ces derniers a joué un rôle décisif dans l’engagement occidental aux côtés de la Bosnie dans les années 1990 ; en 2011 à nouveau, un Bernard-Henri Lévy a su plaider avec un talent consommé la cause du soutien armé aux opposants libyens à Kadhafi. Quant aux postures observées dans ces phases critiques, elles couvrent un large registre, allant du cynisme désabusé au moralisme indigné, en passant par le patriotisme, le pacifisme, le neutralisme, sans oublier l’inclination à la « guerre fraîche et joyeuse », alimentée par les stratèges de salon.

Quoi qu’il en soit, la légitimité d’un choix aussi grave que celui de l’intervention militaire procède d’abord de ce débat interne, politique. Roosevelt a rencontré les plus grandes difficultés, face à un Congrès farouchement isolationniste, pour engager les États- Unis aux côtés du Royaume-Uni en guerre, au point de devoir dissimuler sa sympathie pour la cause britannique afin de ne pas compromettre sa réélection en 1940. Il a dû attendre Pearl Harbor pour trouver le consensus qui permettra d’entrer, tardivement, dans une guerre enfin perçue comme juste. Les présidents américains successifs ont pu rester imperméables des années durant à l’opprobre mondial jeté sur leur engagement au Vietnam, mais l’aversion croissante de l’opinion américaine a fini par emporter la décision de retrait. Plus près de nous, les attentats du 11 septembre 2001 ont permis au président Bush de trouver, dans des conditions certes controversées, la légitimité suffisante pour déposer Saddam Hussein manu militari, pour conduire, derrière la bannière de la lutte contre le terrorisme, deux guerres de front et se voir réélire pour un second mandat.

Les nombreux conflits armés dans lesquels les États-Unis se sont engagés après la seconde guerre mondiale ont conduit le Congrès, constitutionnellement seul habilité à déclarer la guerre, à voter en 1973 une loi – War Powers Act – imposant à l’exécutif de solliciter son assentiment pour tout déploiement de forces au-delà de soixante jours. Bien qu’ils aient contesté la constitutionnalité de cette loi, les présidents américains successifs se sont le plus souvent assuré le vote de résolutions de soutien à leurs opérations militaires extérieures.

Légitimité et ordre international.

C’est par le filtre de cette délibération que les arguments tenant au respect du droit ou aux exigences de la morale ont d’abord une chance de peser sur la décision : on se souvient des controverses qui ont déchiré l’opinion publique et la classe politique allemandes en 1999, face au choix de la participation de l’Allemagne à l’intervention de l’OTAN au Kosovo, en l’absence d’une autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais plus près de nous, en mars 2011, l’Allemagne, en position, en qualité de membre de ce même Conseil, de conférer une légitimité internationale à l’intervention en Libye, a choisi de s’abstenir lors du vote de la résolution 1973.

On aborde là l’autre dimension essentielle de la légitimité de tout acte politique, celle qui s’acquiert dans le jugement des autres membres de la société internationale et, derrière eux, de ce qu’on appelle, par convention ou par commodité, l’opinion publique mondiale. Décisive ou secondaire selon les circonstances, cette légitimité-là a sa place dans le calcul de chaque dirigeant rationnel, et même une place capitale lorsqu’est en jeu l’acte le plus grave de la vie internationale, le recours à la force.

Quels en sont les critères ? Quelles en sont les sources ? Quels en sont les mécanismes ? Qu’est-ce qui détermine l’approbation, préalable de l’appui, ou, au contraire, la réprobation, qui nourrit la résistance ou l’opposition ? Les normes qui guident le jugement relèvent, comme pour ce qui est de l’ordre interne du reste, de plusieurs sphères, celle de la religion, celle de la morale, celle de la politique, celle du droit. Elles ne sont pas sans lien, elles peuvent se renforcer, elles peuvent se contredire. Toutefois, la dimension morale du recours à la force étant traitée par ailleurs dans cet ouvrage, l’attention sera portée ici sur la sphère du droit et de la politique. Avant d’en examiner l’articulation avec la légitimité, il y a lieu d’en analyser les fondements politiques.

Loin d’être cette « loi naturelle » d’essence divine dont théologiens, juristes et philosophes ont cherché en vain à dégager les principes immuables, le droit international procède d’abord de la nécessité des États souverains d’organiser leur coexistence. Il procède aussi, en dernière analyse, pour ce qui est de la guerre et du recours à la violence, d’une volonté de transcrire dans l’ordre international les fondements des ordres internes des États constitués, qui ont réussi à domestiquer la violence originelle pour asseoir la paix civile et la concorde. Il n’est pas fortuit que l’initiateur de cette tentative ait été un professeur de droit constitutionnel devenu président des États-Unis, Woodrow Wilson, qui, en 1918, a voulu rationaliser l’ordre international en énonçant des principes – droit à l’autodétermination, transparence des traités, illégalité de la guerre d’agression, embryon d’une morale appliquée aux rapports entre les États, etc. –, en créant des procédures de sécurité collective et de règlement politique des conflits et en renforçant celles du règlement juridique.

L’Histoire ne retient que l’échec du système ainsi proposé, dont les États-Unis se sont ensuite retirés. Mais, loin de jeter aux orties l’idéal wilsonien, Roosevelt a choisi de l’adapter aux réalités du monde en remédiant aux déficiences de la Société des Nations et de fonder l’ordre international futur sur une combinaison plus viable : des principes et règles de droit mieux définis, dont le respect est garanti par un directoire des grandes puissances. Un mariage de raison entre le droit et la morale d’une part, la force d’autre part.

La Charte des Nations unies, qui transcrit ce système en langage juridique, a donc d’abord énoncé un principe général d’illégalité du recours à la force[172], avant de définir les deux seuls cas de figure où il est licite. L’exercice du « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas […] d’une agression armée jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires » (article 51) est l’un de ces cas. L’autre est défini par les actions de coercition que le Conseil juge nécessaires au « rétablissement de la paix et de la sécurité internationales », au titre du chapitre VII de la Charte. Mais ses rédacteurs ont pris soin de ne pas conférer une valeur transcendante au droit et de le subordonner à la légitimité conférée par la délibération du Conseil. Les règles de droit positif n’ont donc pas une valeur par elles-mêmes, mais en ce qu’elles sont au service d’une cause plus élevée, le « maintien de la paix et de la sécurité internationales », bien public suprême dans l’architecture des Nations unies.

Cette hiérarchie se reflète dans les mécanismes de mise en œuvre des principes de la Charte : ils ne font pas davantage place au droit, réservant aux considérations politiques le primat et consacrant, par le privilège du droit de veto de cinq puissances, la nature délibérément politique des résolutions du Conseil de sécurité. C’est donc en connaissance de cause que les fondateurs de l’ordre international d’après-guerre ont choisi, sagement du reste, de laisser le recours à la force dans le périmètre de la politique, la position de droit étant laissée à l’interprétation de chaque État.

Droit, casuistique et désuétude.

L’apparente simplicité des principes dissimule toute la complexité du réel. Les controverses les plus âpres se sont développées autour des questions les plus graves de l’ordre international incarné par la Charte, celles du recours à la force et du maintien de la paix. La définition très lacunaire de notions telles que la « menace », « l’emploi de la force » ou l’« agression armée » laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Qu’en est-il lorsque l’agression n’est pas caractérisée ? Lorsque le recours à la force s’inscrit dans un cycle de représailles ? Faut-il attendre le premier coup de canon pour exercer la légitime défense ? Ou est-il légitime, comme l’a fait Israël en 1967, d’invoquer l’imminence d’une attaque armée pour frapper en premier ?

Les innombrables occurrences de heurts frontaliers, d’opérations clandestines ou de soutien extérieur à des guérillas figurent également dans une « zone grise », faute d’avoir été qualifiées par l’autorité investie de ce pouvoir, le Conseil de sécurité. Car cette qualification, tributaire du consensus des cinq membres permanents, ne s’applique qu’à de rares cas de figure, telle l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990. Pour le reste, force est de constater que la pratique observée depuis 1945 est assez éloignée des règles que la Charte énonce quant au recours à la force. Selon la définition retenue, le nombre de cas de transgression de ces règles varie d’une vingtaine à plusieurs centaines[173]..

Aucun argument de légitime défense ne pouvait en effet, de près ou de loin, justifier la violation de l’article 2-4 de la Charte dans l’expédition franco-britannique de Suez en 1956, dans l’invasion de la République dominicaine (1965) par les États-Unis, dans l’invasion de la Tchécoslovaquie (1968) puis de l’Afghanistan (1979) par l’URSS, dans celle du Nord de Chypre par la Turquie (1974), dans l’intervention de l’OTAN au Kosovo (1999), dans l’intervention des États-Unis et de leurs alliés en Irak en 2003.

À chaque fois, les États concernés, et en particulier les États-Unis, ont déployé des stratégies et développé des argumentaires afin de démontrer la licéité de l’intervention : en maquillant celle-ci en opération régionale de maintien de la paix – un cas de figure courant pour les opérations en Amérique latine –, en faisant présenter une demande d’« assistance » par un gouvernement fantoche, en faisant valoir des « droits » historiques, en invoquant le devoir de protection des ressortissants, une obligation impérieuse de nature humanitaire ou encore des motifs de circonstance plus ou moins spécieux[174].

La disparition de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide ont réduit – dans la même proportion que les enjeux – les préventions contre le recours abusif à la force, y compris dans les démocraties occidentales, pourtant réputées attachées à la règle de droit. Ainsi les États-Unis ont-ils, au cours des années 1990, procédé à plusieurs raids aériens à la légalité douteuse en Irak, au Soudan, en Afghanistan. C’est cependant au Kosovo que cette ligne a trouvé, au printemps 1999, son expression la plus spectaculaire : certains d’un veto de la Russie et de la Chine à une résolution du Conseil de sécurité autorisant le recours à la force contre la Serbie pour lui faire lâcher prise au Kosovo, les Occidentaux ont tiré argument des violations, par Belgrade, de résolutions prises par le Conseil au titre du chapitre VII de la Charte pour brandir la menace d’emploi de la force.

Le fait que le Conseil de sécurité ait enregistré avec satisfaction des progrès obtenus grâce à cette menace a ensuite servi de fondement à l’exécution de celle-ci. La résolution 1244, adoptée par le Conseil après la crise, a pris acte de la situation nouvelle, apportant, aux yeux de certains observateurs du moins, comme Anne-Marie Slaughter ou le juriste allemand Bruno Simma[175], une caution ex post à une démarche conduite en dehors du droit international. Ce chef-d’œuvre de casuistique appliquée au droit s’est enrichi d’un échange éclairant : lorsque son homologue britannique Robin Cook fit part à Madeleine Albright des réticences des experts en droit du Foreign Office vis-à-vis de frappes non autorisées par les Nations unies, la secrétaire d’État américaine se borna à lui suggérer de « changer de juristes[176] ».

Cette interprétation alambiquée de la Charte a d’abord irrité un grand nombre d’États tiers, qui n’ont pas manqué de protester énergiquement, quelques mois plus tard, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU. Surtout, elle ne pouvait pas ne pas servir de précédent à d’autres entreprises identiques : après avoir décidé de désarmer manu militari Saddam Hussein, les États-Unis ont choisi d’invoquer l’argument des violations successives par l’Irak des résolutions du Conseil de sécurité pour plaider la « légalité » de ce recours à la force – et rallier à cette thèse une cinquantaine d’États, dont plus de la moitié des membres de l’Union européenne.

Il est vrai qu’entre-temps, l’Amérique avait subi le traumatisme du 11 septembre 2001 et en avait conçu une nouvelle doctrine stratégique qui prévoyait de réserver au bénéfice des États-Unis un droit d’« action préemptive » contre la menace constatée « à l’intersection du radicalisme et de la technologie » – en d’autres termes du terrorisme et des armes de destruction massive. Bien plus qu’un plaidoyer en faveur d’une nouvelle approche du droit international, c’est un postulat que l’administration américaine a posé en énonçant, en septembre 2002, sa National Security Strategy[177] : la nature et la gravité de cette menace justifiaient une révision du concept de légitime défense, qui ne pouvait plus rester tributaire du critère classique d’imminence.

Les tentatives d’un État décrété « sans foi ni loi » (rogue state) de se doter d’armes de destruction massive – susceptible de finir ensuite dans les mains d’organisations terroristes – sont, dans ce schéma, un motif suffisant pour agir. Sans doute ne s’agissait-il là que d’un document de doctrine, appelé à être tempéré par des ajustements tactiques et le pragmatisme, mais par sa teneur, par son absence de référence à la Charte des Nations unies et par sa première application en Irak, il relativisait davantage encore un droit du recours à la force déjà malmené par les nombreuses entorses subies depuis 1945. Cette divergence entre le droit et le fait a divisé la communauté des juristes, entre ceux pour lesquels le propre de la règle de droit était de garder cette qualité et ce statut même lorsqu’elle était violée ou ignorée, aussi bien en droit interne qu’en droit international, et ceux pour qui, dès lors que le droit international ne reflétait plus la pratique des États, ce n’était plus du droit, mais de l’incantation creuse, un « univers de papier ».

Cette seconde école a trouvé ses porte-voix parmi les juristes américains, même s’ils sont restés minoritaires parmi leurs pairs. « Dans la pratique, le cadre de la Charte des Nations unies est mort », tranchait, en 2003, Anthony Clark Arend, avant d’ajouter que, dans ce cas, « la doctrine Bush de préemption n’enfreint pas le droit international, puisque le cadre fixé par la Charte ne se reflète plus dans la pratique des États »[178]. Chef de file de cette « école de la désuétude », Michael Glennon est catégorique : « Lorsqu’une règle de droit a été, de manière répétée et sur une longue période, enfreinte par un nombre significatif d’États, il n’y a plus de raison de penser que les États se sentent liés par elle […] Arrivée à ce stade, la règle est tombée en désuétude, elle n’est plus obligatoire […] elle cesse d’être du droit international […] Si la communauté des nations se comporte comme si certaines règles n’existaient pas, elles n’existent pas, et, si elles n’existent pas, elles ne lient personne. » Et Glennon de conclure, avec assurance : « La Charte a subi le sort du pacte Briand-Kellogg et ce n’aurait dû être une surprise pour personne qu’en septembre 2002, les États-Unis se sentent libres d’annoncer, dans le document sur la sécurité nationale, qu’ils n’étaient plus tenus par les règles de la Charte relatives à l’usage de la force. Ces règles se sont désintégrées. “Légal” et “illégal” sont des termes vides de sens lorsqu’ils sont appliqués à l’emploi de la force. »[179]

L’argument récurrent dans ces raisonnements est que le droit international ne cesse d’évoluer sous l’effet de la pratique des États : leurs actes expriment mieux leurs intentions que leur rhétorique, qui se garde généralement de s’affranchir des règles de la Charte. Dès lors, en cas de contradiction entre une pratique constante des États et une règle de droit international, celle-ci tombe en désuétude et cesse de s’imposer à eux. Pour séduisante qu’elle puisse paraître, cette argumentation est, sur le plan juridique, spécieuse.

Non seulement elle confond la pratique et la coutume, considérée comme une source de droit, mais elle assimile cette pratique à l’émergence d’une nouvelle norme coutumière, ignorant les critères retenus pour la définir – « preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit[180] » – et justifiant sans autre forme de procès les tentatives de certains États de s’en affranchir. Elle conclut à l’invalidation des normes, y compris celles produites par le droit contractuel. Or, la Charte des Nations unies, puisqu’il s’agit d’elle, est un traité multilatéral dûment signé et ratifié par quelque 190 États, dont les prescriptions s’imposent, en vertu du principe pacta servanda sunt, à tous les signataires. Aucune inobservation persistante de telle ou telle de ses dispositions ne saurait rendre caduc ce traité. Sauf à s’en retirer, chaque partie est réputée tenue par les obligations contractées envers les autres parties lors du dépôt des instruments de ratification auprès de l’État dépositaire, qui n’est autre que… les États-Unis.

Sans doute les mobiles ne sont-ils pas les mêmes chez les uns et les autres, et l’on trouve aussi bien des juristes comme Thomas Franck, qui, au moment de l’intervention américaine en Irak, déploraient que leur pays viole la Charte des Nations unies[181], que ceux qui voyaient émerger un nouveau paradigme du droit de l’emploi de la force, un paradigme laissant les mains libres à la puissance américaine. En adoptant cette dernière approche, on quitte le champ du droit pour aborder, même si la rhétorique et les raisonnements demeurent juridiques, celui de la politique. L’administration Obama a cependant parfaitement mesuré le danger associé à de telles dérives et s’est empressée d’abandonner, dans sa propre doctrine stratégique, publiée en mai 2010, le concept de frappe préemptive.

Droit, politique et puissance

Pour troublantes qu’elles puissent apparaître à l’esprit rationnel pétri de culture juridique, ces péripéties et déconvenues renvoient au statut du droit dans une société internationale anarchique – c’est-à-dire dépourvue d’autorité de dernier ressort –, mais ordonnée par la puissance. Et les mécomptes du principe du non-recours à la force en dehors des cas prévus par la Charte ne relèvent pas d’une prétendue obsolescence de celle-ci, mais de la tension structurelle entre la puissance et le droit international. La distribution de la puissance est, dans le monde réel, fondamentalement inégalitaire, tandis que le droit a par essence une vocation universaliste, s’appliquant de façon identique à tous ceux qui, par leur consentement, en relèvent.

Cette tension est résolue par l’ambivalence de ce droit, à la fois instrument normatif efficace de cette société internationale et construction politique qui ne peut remplir son office qu’à condition de refléter les intérêts des parties prenantes. Les règles tissées depuis des décennies, continûment complétées, augmentées, amendées, enrichies, forment en effet le cadre des relations interétatiques, un bien public suffisamment précieux pour recueillir un ample consensus et imposer un large respect, entaché de quelques rares infractions – les exceptions qui confirment la règle. Au point que tous les États qui enfreignent l’interdiction du recours à la force continuent de proclamer leur attachement à un principe dont la valeur normative est renforcée par cet « hommage du vice à la vertu ». À ce titre, il fait partie intégrante des normes, des contraintes, des paramètres qui façonnent la décision politique. Non pas comme un corps de règles commandant la vénération au nom de la sacralité du droit, mais sur le mode d’un calcul d’opportunité intégrant les avantages et les coûts associés à ce qui peut être perçu comme une transgression du droit[182].

Moins indéterminé que d’autres sources de normes, morales ou sociales par exemple, le droit international l’est assez, cependant, pour offrir une liberté significative d’interprétation – qu’autorisent la concurrence de règles contradictoires, les ambiguïtés des libellés, etc. Mais, à la différence de l’ordre interne où l’indétermination est en permanence levée par les juridictions, le législateur ou l’exécutif, aucune autorité supérieure ne peut la réduire dans l’ordre interétatique, ni en « disant le droit[183] » ni, a fortiori, en le faisant appliquer. Aussi le droit international est-il à la fois terrain de manœuvre et instrument de la politique. Depuis sa création jusqu’à son application, en passant par son interprétation et sa fonction de légitimation – ou de délégitimation –, il est un instrument dans les mains des États pour soit alléguer la licéité de leurs conduites ou de celles de leurs alliés, quelquefois avec la plus parfaite mauvaise foi, soit discréditer, au nom du droit, les conduites des autres, lorsqu’il s’agit de rivaux ou d’adversaires.

Le calcul d’opportunité auquel se livrent les États incorpore une grande variété de critères et de considérations : les conséquences en termes d’image et de réputation, mais aussi de représailles et de réciprocité, le risque d’affaiblir un bien public dispensateur de stabilité, de prévisibilité et de protection – qui peuvent se révéler utiles dans des circonstances ultérieures – ainsi que, sans surprise, la position dans la distribution de la puissance, garantie d’immunité ou source de vulnérabilité selon le cas. Il fait place aussi au niveau de culture juridique et d’attachement à la règle de droit en vigueur dans chaque société politique, en particulier dans le cercle de ses élites, aux fluctuations de la conjoncture politique et aux processus de décision interne, qui doivent souvent intégrer des vues très divergentes sur le poids à réserver aux considérations de droit dans la définition de l’action étatique. Le Sénat américain s’est ainsi avéré être, pendant des décennies, le rempart du respect des traités face aux velléités des administrations républicaines de s’en affranchir (Nixon et Reagan notamment). Jusqu’à ce que le réveil de la veine souverainiste inverse les rôles en 1994-1995, plaçant l’administration Clinton dans cette même position de défenseur du droit devant les tentatives du Congrès de s’en affranchir.

C’est d’abord dans l’application du droit que la puissance s’invite de tout son poids – en se faisant justice lorsqu’elle s’estime victime d’une transgression par un autre État. Que celle-ci soit flagrante – comme ce fut le cas avec l’invasion des Malouines en 1982 ou le refus du régime taliban d’Afghanistan de livrer les auteurs des attentats du 11 septembre 2001 – ou qu’elle soit discutable – dans les cas des raids aériens en représailles aux attentats contre des ambassades américaines en Afrique de l’Est en 1998 –, la sanction est sans appel, même lorsqu’elle s’avère après-coup sans fondement, comme dans le cas de l’usine pharmaceutique détruite au Soudan cette année-là, là aussi par l’aviation américaine. C’est également en se faisant justicière lorsqu’elle l’estime opportun, avec toute la panoplie de ses moyens d’intervention, diplomatiques – au Conseil de sécurité, dans la qualification des situations – ou militaires : il a fallu la puissance américaine pour former l’épine dorsale de la coalition qui a, en 1991, repris le Koweït à l’emprise irakienne ; pour imposer, en 1995 à Dayton, un accord de paix aux belligérants de Bosnie ; pour forcer, en 1999, Belgrade à mettre fin aux violations des droits de l’homme au Kosovo.

Pour autant, la puissance ne confère pas par elle-même la légitimité. Mais elle dispose des ressources intellectuelles et humaines pour étudier les implications juridiques des différentes options politiques, pour forger le discours public appelé à accompagner celle qui sera retenue, pour actionner la machinerie diplomatique et pour échafauder la stratégie de communication, toutes démarches concourant à asseoir la légitimité d’une politique. Celle mise en œuvre par les États-Unis et le Royaume-Uni vis-à-vis de l’Irak offre une illustration de cette approche, une illustration édifiante si l’on rapporte la crédulité patriotique d’une grande partie de l’opinion américaine aux manipulations qui ont servi à la « conditionner ». En désignant à l’opprobre international, pour violation répétée des résolutions du Conseil de sécurité, le régime de Saddam Hussein, Américains et Britanniques avaient par avance disqualifié toute protestation de l’Irak, et même d’autres États, contre des actions au fondement juridique controversé, comme la campagne de frappes aériennes entreprise après le retrait des inspecteurs de l’ONU, en décembre 1998.

Une fois la décision prise de procéder au « changement de régime », tout l’effort a porté sur la légitimation diplomatique, juridique, morale de l’action envisagée, à grands renforts de révélations sur les programmes d’armement prohibé prêtés à l’Irak. Devant la réticence du Conseil de sécurité à endosser l’entreprise dans les délais exigés par le calendrier de déploiement de forces dans la région, les États-Unis ont ainsi mobilisé tout leur appareil diplomatique pour dégager une légitimité alternative : la cinquantaine d’États enrôlés dans la coalition (dont quelques micro-États du Pacifique) était – à l’exception de participants militairement significatifs comme la Grande-Bretagne, l’Australie, l’Italie ou la Pologne – appelé à fournir une caution politique avant même une contribution opérationnelle. Ce qui était en jeu, en l’espèce, n’était autre que la reconnaissance, s’agissant d’un acte aussi grave que la violation explicite de la souveraineté d’un État par la voie des armes, que cette intervention était conforme au droit international, dès lors qu’un groupe suffisamment nombreux d’États en jugeait ainsi. Que les États-Unis fussent restés isolés dans leur projet, leur position eût été intenable et, n’étant guère fondés à invoquer la légitime défense, ils auraient été conduits à se rabattre sur une autre stratégie.

Intervention et « responsabilité de protéger »

Le recours à la force n’obéit cependant pas à de seules considérations de puissance. La fin de la guerre froide a été perçue comme l’aube d’une ère nouvelle dans l’ordonnancement du droit et de la puissance, celle de ce « nouvel ordre international » appelé de ses vœux par le président George H. Bush et où la morale pouvait trouver sa place. Elle a été ouverte, spectaculairement, par la première sanction appliquée dans les règles, depuis la création des Nations unies, à une transgression manifeste de la Charte, l’agression puis l’annexion du Koweït par l’Irak en août 1990. Même si, en l’espèce, le mobile des États-Unis et de la coalition réunie autour d’eux était sans doute moins le respect de la légalité internationale que les risques associés à une redistribution de la puissance dans la région du Golfe et les menaces qui en découlaient pour la sécurité des approvisionnements pétroliers du monde, cette première guerre du Golfe préludait à une décennie d’interventions qui semblaient relever d’autres logiques que celles de la puissance.

Le balancier a alors semblé se stabiliser autour des exigences de la morale plus que de celles de la sécurité, derrière la bannière du « droit d’ingérence » d’abord, puis de la notion moins sulfureuse de « responsabilité de protéger »[184]. De la Somalie au Timor-Oriental, de la Bosnie à la Sierra Leone, ce ne sont pas moins de huit interventions majeures à force ouverte qui ont eu lieu entre 1992 et 2000, avec un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies dans la plupart des cas, justifiées par des violations graves des droits de l’homme, et donc par des mobiles principalement humanitaires, alors qu’étaient créés des tribunaux pénaux pour juger les responsables de crimes contre l’humanité commis au Rwanda et en Yougoslavie. Une décennie plus tard, cette même logique a inspiré la France et le Royaume-Uni lorsqu’en février-mars 2011, les deux pays ont, dans le cadre d’un mandat du Conseil de sécurité les autorisant à « prendre toutes mesures nécessaires […] hormis le déploiement d’une force d’occupation1[185]», pris la responsabilité de la première mise en œuvre de la responsabilité de protéger – les populations civiles libyennes, en l’occurrence – contre les exactions de Kadhafi.

Au total, la morale, l’éthique, la justice, l’équité, à la faveur de la mobilisation inlassable de la société civile – ONG, médias, groupes de plaidoyer, autorités morales, etc. – ont trouvé leur place dans les mobiles des politiques étatiques, du moins de celles des Occidentaux, renvoyant à la figure ancienne de la « guerre juste[186] ». Pour qualifier ou disqualifier telle ou telle conduite, pour instruire à charge, le prétoire est alors, au premier chef, celui de l’opinion, mondiale autant qu’interne. Cette agora planétaire est formée des tribunes des Nations unies et des organisations internationales, des conférences de presse, des plateaux de télévision, des briefings de porte-parole, des fuites soigneusement distillées, des colonnes de journaux, de la blogosphère, des réseaux sociaux et de la rue, formant une scène en ébullition permanente où se rencontrent et s’affrontent diplomaties publiques des États en quête de légitimation de leurs politiques, magistères moraux, avis d’experts et activisme de la société civile internationale.

Ce terrain est aussi celui où se manifeste, de la manière la plus visible, la tension entre la puissance, le droit et la morale, tant il heurte de front ce principe d’organisation du système international qu’est le primat de la souveraineté – et son corollaire, la non-ingérence. Nombreux sont les États qui répugnent à voir leurs propres pratiques exposées au prétexte d’un droit d’ingérence et le principe de la souveraineté se défaire au fil des initiatives des puissances occidentales, les seules véritablement actives à cet égard. Deux de ces États, la Russie et la Chine, jouissent d’un droit de veto au Conseil de sécurité et s’en servent pour contrarier les efforts des Occidentaux pour concilier les injonctions de la morale avec les exigences du réalisme. L’acquiescement implicite de Moscou et de Pékin en mars 2011 à l’action de protection des civils libyens – ils se sont abstenus, ne faisant pas usage de leur droit de veto – constitue une heureuse exception, car la norme semble plutôt être celle de l’obstruction vis-à-vis de toute condamnation des régimes syrien ou iranien.

Le droit, un bien public

Au total, dans sa création, dans son invocation, dans sa mise en œuvre, le droit international est donc une fonction de la politique – sa « continuation par d’autres moyens », pourrait-on ajouter en pastichant une formule illustre. Il n’est pas un moyen fiable de prévoir et d’encadrer le comportement des États ; ni un garde-fou suffisant pour les détourner des conduites proscrites lorsqu’ils les estiment permises par la puissance, conformes à leurs intérêts ou dictées par l’exigence de la sécurité.

Robert Kagan, une des figures de proue du mouvement néoconservateur américain, a, en 2002, enfoncé le clou de quelques traits acerbes, en opposant, avec une condescendance apitoyée, l’inclination des États-Unis à user de la force militaire et la préférence des Européens pour « un monde où prédominent le droit international et les institutions internationales, où l’action unilatérale des nations puissantes est prohibée, où tous les États jouissent, indépendamment de leur force, de droits égaux et sont également protégés par des règles internationales agréées de comportement[187] ». Moins de deux ans plus tard, par un retournement ironique, le même Kagan estimait que seule l’Europe, qui formait avec les États-Unis le « cœur du monde démocratique libéral », était à même de conférer à leur politique son indispensable légitimité[188].

Mais, avant même le retour du pendule du suffrage universel, les libertés prises par l’administration Bush avec le droit international dans le traitement des « combattants ennemis » ont été contrées par les mécanismes de rappel propres à la démocratie américaine. Le Congrès a, à l’automne 2005, ramené à l’ordre de la loi en suivant la proposition d’un des siens, ancien prisonnier de guerre torturé au Vietnam, le sénateur McCain, et a voté à une majorité écrasante un amendement prohibant le recours à la torture dans la lutte contre le terrorisme, contraignant un président Bush réticent à le promulguer. En juin 2006, c’était au tour d’un autre pilier de la démocratie, la Cour suprême, de censurer l’administration, en déclarant d’abord illégale la procédure judiciaire employée contre les détenus de Guantánamo[189], puis, l’année suivante, recevable leur recours contre une loi votée par le Congrès en 2006 les excluant du droit commun des tribunaux fédéraux.

La tension entre la liberté de la puissance « qui ne se laisse pas contraindre », selon l’expression d’Aron, et le respect des formes de la légalité internationale, ce bien public à préserver, est ancienne, et les oscillations entre ces deux pôles peuvent être déroutantes. Mais, au-delà de sa portée initiale de défense du faible face au puissant, ce n’est pas le moindre paradoxe d’observer que c’est précisément à l’existence d’un socle d’ordre minimal, légitimé, intériorisé par les États, que les États-Unis, même s’ils s’en affranchissent quelquefois, doivent de pouvoir assumer leur fonction de garant ultime de la sécurité mondiale sans devoir s’épuiser à l’assurer par la force ou la menace.

[170] Anne-Marie Slaughter, doyenne de la Woodrow Wilson School of Public and International Affairs à l’Université de Princeton (N.J.), puis présidente de l’American Society of International Law, a, en 2009, pris la tête du Policy Planning Staff au Département d’État. Tribune dans le New York Times du 19 mars 2003.

[171] Résolutions 1483 (22 mai 2003), 1500 (14 août 2003), 1511 (16 octobre 2003) et 1546 (8 juin 2004).

[172] Article 2 (4) : “ Les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies. »

[173] Anthony Clark Arend, directeur de l’Institut de droit international et de politique de l’Université de Georgetown (D.C.), détaille une vingtaine d’occurrences dans « International Law and the Preemptive Use of Military Force », The Washington Quarterly, printemps 2003, p. 101. Le « panel de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement » mentionne « plusieurs centaines » de cas dans son rapport au secrétaire général des Nations unies (document A/59/565, décembre 2004), endossé par celui-ci dans son propre rapport soumis aux chefs d’État et de gouvernement pour décision en septembre 2005 (In larger Freedom: Towards Development, Security and Human Rights for All, www.un.org/largerfreedo/).

[174] Cf. Christine Gray, International Law and the Use of Force, Oxford, Oxford University Press, 2004.

[175] Bruno Simma, « NATO, the UN and the Use of Force: Legal Aspects », European Journal of International Law, 10 (1), 1999.

[176] James Rubin, « Countdown to a Very Personal War », The Financial Times, 30 septembre-1er octobre 2000.

[177] Ce principe a été réaffirmé dans la mise à jour, en mars 2006, du document.

[178] A. Clark Arend, « International Law and the Preemptive Use of Military Force », art. Cite.

[179] Michael J. Glennon, « Droit, légitimité et intervention militaire », dans Gilles Andréani, Pierre Hassner, Justifier la guerre ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2005, p. 232-233, et « Why the Security Council Failed », Foreign Affairs, mai-juin 2003.

[180] C’est là la définition retenue dans le statut de la Cour internationale de justice (article 38, paragraphe 1-b).

[181] Thomas M. Franck, « La Charte des Nations unies est-elle devenue un chiffon de papier ? », Le Monde, 2 avril 2003.

[182] Cf. Jack Goldsmith et Eric Posner, The Limits of International Law, Oxford, Oxford University Press, 2005. Les auteurs proposent une analyse du droit international inspirée par les théories du réalisme et du choix rationnel.

[183] Seule la Cour internationale de justice aurait théoriquement vocation à remplir cette fonction, mais tant les conditions restrictives de sa saisine que l’absence de caractère exécutoire de ses arrêts en limitent la portée.

[184] Lancée en 1979 par le philosophe Jean-François Revel, développée et promue par Mario Bettati et Bernard Kouchner, la notion de droit d’ingérence postule que le principe de la souveraineté étatique peut être remis en cause pour remédier à des situations humanitaires critiques. Elle a été ensuite reformulée et édulcorée par la Commission internationale sur l’intervention et la souveraineté de l’État, coprésidée par Gareth Evans et Mohamed Sahnoun, dans un rapport intitulé la Responsabilité de protéger (décembre 2001). Les principes énoncés ont été approuvés par les chefs d’État et de gouvernements de l’ONU réunis au Sommet mondial de 2005 et endossés par le Conseil de sécurité en 2006.

[185] Résolution 1973 du Conseil de sécurité du 18 mars 2011.

[186] Cf. Michael Walzer, Just and Unjust Wars, New York (N.Y.), Basic Books, 1977.

[187] Robert Kagan, « Power and Weakness », Policy Review, juin-juillet 2002.

[188] Robert Kagan, Le Revers de la puissance. Les États-Unis en quête de légitimité, Paris, Plon, 2004.

[189] Dans l’arrêt Hamdan vs. Rumsfeld du 30 juin 2006, la Cour suprême a jugé que les commissions militaires mises en place pour juger les individus poursuivis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme n’étaient conformes ni au droit applicable à la justice militaire américaine ni aux conventions de Genève.