Fecha de publicación: 03-oct-2010 22:38:47
03 octobre 2010
Jean-Yves Royer spécialiste de la langue d'Oc médiévale a reçu dimanche soir le 50e Grand Prix littéraire de Provence
Depuis treize ans déjà, chaque dimanche, dans les colonnes de l'édition des Alpes de La Provence, il nous gratifie de ses impressions, réflexions, et points de vue, en langue occitane. Lien ténu entre une région, sa culture, et sa façon de vivre, "l'Agachaire" fait souvent preuve d'humour et de "piquant"; bien dans la façon de cet érudit dont le sens de l'hospitalité est un authentique bienfait faisant penser à ces portes de château qui, jadis, s'ouvraient à n'importe quelle heure, pour accueillir le troubadour de passage ou le visiteur égaré. Un verre de vin à la main, en signe de bienvenue. Jean-Yves Royer dont la chronique dominicale est reprise par de très nombreux sites sur Internet, notamment celui de l'Institut occitan de Nice, a été bercé par la langue provençale à Forcalquier, grâce à sa grand-mère qui lui racontait des histoires. Il s'en souvient encore avec émotion.
"J'avais trois ans, dit-il, et elle me faisait jouer avec les mains, comme des marionnettes, mais en parlant provençal tout le temps. Ça m'est toujours resté. D'ailleurs, jusque dans les années quatre-vingt, du côté de la place du Bourguet qui est au soleil, les jours de marché, on n'entendait parler que le provençal. Aujourd'hui, au même endroit, les mêmes parlent en français. "Le contraire, hélas, est plutôt rare!" Jean-Yves Royer se fait alors plus grave. "C'est plus que triste c'est dramatique! L'uniformité domine, alors que la diversité est la condition indispensable à la survie des espèces. Avoir une langue commune: OK! Mais une seule, c'est être à la merci des prédateurs." Lorsqu'on évoque avec lui l'absence de rébellion en Provence, face à la disparition de la langue, Jean-Yves Royer soupire. Une grosse pointe de déception et de tristesse dans le regard.
"En Corse, tout le monde apprend la langue corse; en Bretagne, il y a les écoles Di Wann, nous, on est « cool » parce qu'on est une vieille civilisation pacifique. Et puis, on n'a pas fait péter les bombes! De plus, quand les politiques montaient à Paris, ils oubliaient qu'ils étaient de Provence ou d'Auvergne. Le sud y a été surreprésenté, mais a oublié sa mémoire. On a eu le complexe du santon, alors que pendant longtemps on a eu l'image de "sauvages" avec le Midi rouge. "Ma grand-mère m'a raconté qu'elle devait se mettre à genoux sur un rouleau à pâtisserie avec un tablier noir sur la tête,quand elle n'arrivait pas à dire les jours de la semaine en français; tout simplement parce qu'elle les savait en provençal. Aujourd'hui, les langues régionales sont inscrites dans la constitution, mais il n'y a guère de suite " Reparlera-t-on provençal avec autant force qu'autrefois?
Jean-Yves Royer est assez perplexe. "Il y a une demande qui n'est pas satisfaite, autant pour les nouveaux venus en Provence qui s'identifient à une culture, que pour les autres. Je pense qu'il y a une seule race humaine, mais qu'il y a des variétés culturelles indispensables. C'est le grand débat de la mondialisation! Actuellement, on se tire une balle dans chaque pied!"
Jean-Pierre TISSIER
http://www.laprovence.com/article/manosque/la-provence-coeur-et-ame