Jardin, nature, cultures, quels risques pour la santé

« Jardin, nature, cultures, quels risques pour notre santé ? » par Alain Roullier

Retraité et jardinier du très beau jardin conçu par son épouse, c’est en tant que médecin spécialiste des maladies respiratoires et allergiques qu’Alain Roullier évoque les problèmes de santé pouvant être rencontrés dans nos jardins et plus largement dans la nature.

L’évolution de l’homme s’est faite en milieu naturel le plus souvent hostile et dangereux : animaux sauvages, luttes tribales, guerres, catastrophes climatiques, parasitoses, agressions microbiennes avec les grandes épidémies. La sélection naturelle a permis d’arriver jusqu’à nous mais nous restons toujours soumis aux mêmes problèmes auxquels nous avons ajouté les différentes pollutions des villes, des campagnes et des transports notamment, sans oublier les ravages dus au tabagisme, à l’alcoolisme et aux drogues. Même si (et heureusement !!!...) notre environnement comporte une part agréable voire enchanteresse pour qui sait profiter de la nature, il n’en reste pas moins que pour 10 à 20% d’entre nous, cet environnement enchanteur peut se révéler agressif, voire dangereux, pour la santé des personnes allergiques.

Allergie vient du grec et signifie « action autrement ». Tout le monde peut-il être ou devenir allergique ? L'allergie résulte d'une réaction inflammatoire inadaptée de l'organisme après un contact avec des substances rencontrées dans la vie quotidienne. Elle se développe s'il existe une prédisposition génétique. La réaction allergique peut être immédiate et prend différentes formes, selon l'allergène responsable. Cet allergène peut être aérien dans l'atmosphère (pollens- poils d’animaux- acariens -poussières -pesticides), alimentaire (farine- œuf- lait- arachide –fruits), de contact (métaux- produits d’entretien- produits de beauté et bien sûr certains végétaux dont il a été question). La réaction allergique peut être : respiratoire ( rhinite, asthme), oculaire (conjonctivite), cutanée ( eczéma , urticaire), œdémateuse ( gonflement du visage-lèvres, paupières, de la gorge -œdème de Quincke-), généralisée (choc comportant un risque vital majeur ). La réaction allergique peut être retardée, (donc de diagnostic causal plus difficile) et toucher la peau sur laquelle un eczéma apparaît au contact de l'allergène responsable (on parle alors d'eczéma de contact), ou les alvéoles pulmonaires lors d’inhalation de moisissures. En France 30% des adultes et 20% des enfants souffrent d’allergie aux pollens Mars avril Les principaux pollens d’arbres (bouleau, charme, aulne, noisetier, cyprès, thuya, platane), Mai juin juillet  Les principaux pollens de graminées (dactyle, phléole, ivraie, pâturin, fétuque, chiendent, blé, orge, mais, avoine, seigle...), Août septembre  Les principaux pollens d'herbacées (ambroisie, oseille, armoise) Quelles maladies respiratoires vont être déclenchées par cette inflammation ? Au niveau des fosses nasales, la rhinite (rhume des foins), au niveau des bronches l’asthme et la bronchite chronique, au niveau des alvéoles des poumons une pneumopathie dite d’hypersensibilité. En milieu agricole, sont en cause : pollens, squames d’animaux, produits phytosanitaires, poussières diverses, notamment végétales (poussières de coton, lin, chanvre…), traitements insecticides et fongicides (organophosphorés), travail en champignonnières …

Dans ces circonstances une protection par un masque diminuera les risques. La pneumopathie d'hypersensibilité, plus connue sous le nom de maladie du « poumon du fermier », est due à une exposition répétée et prolongée à des bactéries ou champignons microscopiques, le plus souvent lors de la manipulation de substances végétales moisies. Les travaux exposant à l'inhalation de poussières proviennent notamment de la manipulation de foin moisi ou de particules végétales. Les lieux professionnels les plus exposés: élevages confinés de porcs et de volailles, silos à grains, fourrage rentré humide. C’est la bronchite chronique agricole.

Mais c’est surtout le tabagisme qui est la cause la plus importante Atteintes cutanées allergiques et toxiques dues aux plantes : L’allergie de contact ne concerne que les personnes fabriquant spontanément des anticorps particuliers donnant lieu à cette réaction inflammatoire particulière qu’est l’allergie. Elle occasionne une atteinte cutanée (dermatite) sous deux formes : une forme aiguë, une forme chronique. La forme aiguë se manifeste par des lésions prurigineuses incitant au grattage, marquée par des placards rougeâtres parfois associés à des vésicules et des bulles (type piqûre d’ortie qui contient de l’histamine et autres). La forme chronique réalise un épaississement de la peau avec des crevasses et peut s’infecter. Cette atteinte allergique s’étend souvent au-delà des zones touchées et les lésions apparaissent 5 à 7 jours après le premier contact, puis ultérieurement dans les 24h qui suivent à chaque nouveau contact. Le chrysanthème, la tulipe, le lys et la primevère sont probablement les plantes domestiques les plus fréquemment en cause. L’ail et l’oignon causent également une dermatite chronique des doigts.

Les dermites non allergiques se présentent de façon identique sous forme de placards rougeâtres avec parfois des vésicules mais limités de manière précise aux régions qui ont été en contact direct avec l’irritant. Elles sont irritatives d’origines mécaniques toxiques ou photo-toxiques. Ces dermites dues à de nombreuses plantes par action directe sur la peau affectent chacun d’entre nous par l'intermédiaire de leurs épines ou de leurs poils urticants (épines de roses, cactus), leurs poils irritants (orties) et leurs glochides (cactus, figuier de Barbarie), ces excroissances pouvant non seulement déclencher des dermatites irritatives, mais aussi inoculer des microorganismes pathogènes. Les dermites non allergiques toxiques donnent des lésions également prurigineuses, phlycténulaires, parfois douloureuses et même brûlantes. Certains végétaux, tels que la renoncule, l’euphorbe et la marguerite agissent par un mécanisme chimique. La sève de ces plantes contient un certain nombre d’alcaloïdes, de glycosides, de saponines, d’anthraquinones, et fréquemment des cristaux irritants d’oxalate de calcium, autant de facteurs qui peuvent être en cause. Les dermites non allergiques photo-toxiques nécessitent la conjonction d’un contact avec la plante et l’exposition au soleil : les lésions siègent sur les zones de peau découvertes et exposées (avant-bras, décolleté, visage, dos des mains..) réalisant des phlyctènes (ampoules dues à une accumulation de liquide) douloureux qui pourront laisser longtemps des traces et même des cicatrices !!! Ce sont les ombellifères ou apiacées qui sont le plus fréquemment en cause du fait de leurs psoralènes : céleri, carotte sauvage, panais, berce mais aussi les rutacées comme la rue et certaines légumineuses comme le trèfle et la luzerne.

Cas particuliers : la chélidoine : dermite possible au contact de sa sève - mais « remède de grand-mère » pour traiter les verrues avec cette sève qui contient un antimitotique. la chenille processionnaire : les chenilles processionnaires sont recouvertes de poils urticants qui se détachent très facilement ; dès le premier contact, la substance urticante, la « thaumétopoéïne », se libère provoquant des démangeaisons très vives.

Problèmes de santé liés aux pesticides : les différents pesticides combattent les moisissures, les bactéries, les animaux et les insectes nuisibles à nos cultures mais après une période euphorique bien compréhensible, les problèmes d’environnement et de santé liés à ces pesticides se sont fait jour, parfois gravissimes pour l’homme et pourtant longtemps minimisés, voire niés, par les laboratoires, ce qui a entraîné souvent une méconnaissance des dangers ou une absence de précautions quant à leur emploi. Mais actuellement la causalité de ces pesticides quant à différentes maladies est reconnue par la communauté scientifique et quelques unes sont reconnues comme maladie professionnelle. Il est donc nécessaire de bien lire l’étiquetage qui éclaire sur les précautions à prendre pour la préparation et l’emploi des pesticides. Les sources d’exposition : en milieu professionnel, la voie cutanée représente la principale voie d’exposition (environ 80%). L’exposition par voie respiratoire existe lors de circonstances particulières d’application (fumigation, utilisation en milieu fermé). L’exposition peut se produire à différents moments : manutention, préparation, application, nettoyage…. Pour les professionnels, les routines de préparation, d’application ou de nettoyage constituent autant de moments de contamination même lorsque les mesures de sécurité recommandées sont respectées. Mais on entend souvent que les combinaisons, masques, gants et autres protections sont parfois des gênes très importantes dans le travail et qui conduisent à prendre des risques. Espérons que des progrès se feront dans ce sens. Même les petits traitements pesticides, qui concernent les jardiniers que nous sommes, en l’absence de précautions peuvent être cause de fatigues, maux de tête, vomissements, malaises, dermatoses.

La toxicité chronique des pesticides est plus insidieuse : cela fait bien longtemps que les chercheurs alertent sur les dangers potentiels multiples des pesticides (insecticides, herbicides, antifongiques) pour les agriculteurs mais aussi et parfois surtout pour le voisinage immédiat. En pratique, la preuve directe entre les pesticides et leurs effets suspectés sur la santé a longtemps été difficile à démontrer. Les grandes firmes productrices jouent sur cette difficulté à pouvoir incriminer tel ou tel produit et leur lobbying est de ce point de vue très actif (comme ce fut le cas pour le tabac et l’amiante notamment). Mais actuellement, il est formellement établi et démontré que certains pesticides sont des perturbateurs endocriniens responsables de la baisse depuis 20 ans de la fertilité masculine et de l’augmentation des malformations de l'appareil génital masculin, de l’insuffisance ovarienne précoce, de polykystose ovarienne, d’endométriose, d’infertilité. Enfin, la communauté scientifique internationale a démontré de façon formelle la responsabilité des pesticides pour la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate, de la vessie et du testicule, les tumeurs cérébrales, les mélanomes et certains cancers

hématopoïétiques (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples). Mais les risques de santé sont pour tous!!! Les pesticides sont présents partout dans l’environnement. On peut les trouver dans l’air (air extérieur et intérieur, poussières), l’eau (souterraines, de surface, littoral, …), le sol, et les denrées alimentaires (y compris certaines eaux de consommation). En population générale, la voie orale est souvent considérée comme la principale voie d’exposition à travers l’alimentation. Donc par rapport aux pesticides appelés « produit de protection des plantes! » par les fournisseurs  Penser protection de la santé Prudence et discernement dans le choix des produits et leurs applications  Respect du voisinage  Favoriser les techniques de culture les plus économes en pesticides

 Évoluer progressivement vers la culture biologique sans pesticides

Réactions après piqûres d’hyménoptères Réactions toxiques : les venins comportent des substances responsables d’une réaction locale au point de piqûre rapidement régressive. Mais cette réaction inflammatoire peut être préoccupante lorsque la piqûre concerne certaines localisations telles que le visage ou le pharynx. Lors de piqûres multiples, une réaction toxique généralisée peut survenir, se manifestant par une fièvre, une urticaire, des troubles digestifs, des convulsions. Elle peut conduire au décès lors d’envenimation massive (centaines de piqûres).

Réactions allergiques : la réaction locale allergique survient en général dans la demi-heure suivant la piqûre. Elle est supérieure à 10 cm, indurée, prurigineuse et persiste plus de 24 heures. Les réactions générales peuvent être classées selon leur gravité en 4 stades : * Á distance du point de piqûre : prurit, urticaire, œdème de Quincke * Oppression avec sifflements ou stridor * Douleurs abdominales, diarrhée * Malaise avec état de choc et détresse respiratoire (pouvant entraîner la mort en l’absence d’un traitement rapide par l’adrénaline) Appeler le 15 Le diagnostic est facile avec une simple prise de sang et la désensibilisation est efficace. Si on se sait allergique aux piqûres d’hyménoptères, il faut avoir sur soi un traitement d’urgence, notamment et surtout, une seringue pré remplie d’adrénaline.

Morsures de vipères : lors de l'ouverture de la « bouche », les crochets se positionnent automatiquement prêts pour injecter le venin. Cependant, la vipère contrôle la quantité de venin injecté : 50% des morsures de défense sont "blanches", c'est à dire sans injection de venin. Que faire en cas de morsure ? Il faut autant que possible rester calme : les éventuels symptômes généraux apparaissent en plusieurs heures, ce qui laisse toujours le temps de s'organiser pour se rendre à l'hôpital. 50% des morsures sont des morsures d'intimidation sans injection de venin. Pour autant, mieux vaut prendre ses précautions et se rendre au service hospitalier le plus proche, ne serait-ce que pour un suivi

A FAIRE :

• désinfecter la plaie (laver à l’eau, au savon de Marseille ou mieux avec un antiseptique) •ôter les bagues, les montres et tout ce qui peut serrer •couvrir le membre mordu d’une bande Velpeau pas trop serrée •immobiliser le membre atteint et mettre la victime au repos en position latérale de sécurité, au calme • organiser le transport vers un hôpital • un anti douleur type paracétamol peut être administré si nécessaire

A NE PAS FAIRE : • sucer la morsure, la brûler, l’inciser, mettre un garrot • capturer le serpent pour identification est parfaitement inutile • contrairement aux indications anciennes, ne pas injecter sur place de sérum anti-venin, ni de corticoïdes ou héparine sous cutané (jusque 10% de complications bien plus graves que la morsure) . L’utilisation d’un aspivenin (petite pompe d’aspiration) n’a jamais démontré son efficacité (mais pourrait avoir un effet psychologique favorable ?) Bien sur, appeler le 15 au moindre doute

Le tétanos est une maladie infectieuse due à un bacille appelé Clostridium tetani. Ce bacille se trouve sous forme de spores « inoffensives » dans le sol et le tube digestif des mammifères (chevaux, vaches, chèvres...) crottins et bouses participant donc à sa dissémination. Ces spores peuvent persister plusieurs années dans les sols, insensibles aux températures extrêmes, à la sécheresse, aux pesticides. Nos terres enrichies en fumier (même stérilisé) en sont donc très riches. Mortel dans 30% des cas, la vaccination l’a fait chuter de façon spectaculaire : 41 cas en France entre 2005 et 2007 alors que cette maladie à déclaration obligatoire atteignait le nombre de 200 à 300 cas par an dans les années 60. Le bacille tétanique pénètre dans l’organisme à travers les plaies, mêmes minimes : piqûre de rosier, écharde... mais aussi le classique clou rouillé (en fait souillé par la terre) dans la plante du pied ou la souillure d’ulcères de jambes. Les traitements antibiotiques sont efficaces pour tuer les bacilles et les injections d’immunoglobulines spécifiques luttent contre l’endotoxine qui ne s’épuise spontanément qu’en 3 semaines. Malgré tout le taux de mortalité est de 30%. Heureusement la vaccination antitétanique est efficace, elle comporte deux doses, injectées à l'âge de 2 mois et de 4 mois, suivies d'un rappel à 11 mois. D'autres rappels sont recommandés à 6 ans, entre 11 et 13 ans, à 25 ans, puis tous les dix ans.

Que faire en cas de blessure ? La blessure doit être nettoyée, désinfectée à l’eau oxygénée ou aux dérivés iodés. En cas d’oubli du rappel depuis plus de 10 ans, il faudra consulter. Il existe un « kit », permettant de déterminer en 20 minutes le taux d’anticorps antitétaniques. Un nouveau rappel sera probablement nécessaire.

La maladie de Lyme : la maladie de Lyme est une maladie chronique parfois grave pouvant toucher tous les organes mais préférentiellement les articulations et le système nerveux : nerfs, moelle et cerveau. Cette affection, transmise par les tiques, s'attrape en forêt. Elle est due à une bactérie, la borrelia, qui est transmise lors de la « morsure » d’une tique. Les tiques ne sont pas toutes porteuses de cette bactérie et dans leur système digestif où elle réside, elle n’est pas mobile. Lorsque la tique s’accroche à la peau, elle enfonce son rostre

dans le derme et injecte une salive particulière qui contient un anesthésique local – c’est pourquoi on ne sent rien – et un enzyme qui va digérer ce derme qu’elle peut ensuite aspirer pour se nourrir. Ce n’est qu’après 24 à 48 heures de ce « forage » que le rostre accède aux petits vaisseaux sanguins. C’est pourquoi, si la tique est détachée de la peau dans les 36 premières heures, les risques de contamination bactérienne sont très faibles, un délai de 2 à 3 jours étant nécessaire pour que la borrelia se retrouve dans la salive de la tique. S’il y a eu contamination, une tache rouge va apparaître à l’endroit de la morsure puis apparaîtront d’autres tâches rouges cutanées qui vont se déplacer en regard du « voyage » de la borrelia dans le tissu sous-cutané, ce qu’on appelle un érythème migrant. Puis dans les semaines ou les mois suivants va apparaître un syndrome grippal avec fièvre, maux de tête et courbatures. Puis plus tardivement cette borrelia va toucher des articulations, des muscles, le cœur, des nerfs, la moelle épinière, le cerveau, donnant lieu à des maladies chroniques souvent difficiles de rattacher à une piqûre de tique qui a pu passer inaperçue ou dont on ne se souvient plus. Si la tique est retirée moins de 48h après la morsure, il n’y a en principe aucun risque. Il faudra simplement surveiller l’état de la peau et si une rougeur qui se déplace apparaît, un traitement antibiotique efficace sera proposé par le médecin. Enfin, il existe un vaccin recommandé en cas de séjour printanier ou estival dans une zone forestière et chez les sujets à risque: agriculteurs, bûcherons, forestiers… Précautions simples à appliquer du printemps à l’automne en forêt : porter des vêtements couvrant l'intégralité du corps, de préférence serrés aux chevilles, poignets et col, mettre des chaussures fermées et hautes, le bas du pantalon dans les chaussettes, pulvériser les vêtements avec des répulsifs adaptés, examiner son corps, plus particulièrement les zones de pression (aisselles, plis des genoux), le pubis, le nombril, le cuir chevelu et derrière les oreilles. Enlever rapidement les tiques avec un tire-tique, l’important étant de ne pas laisser la tête en place. Penser à examiner aussi les animaux qui ont accompagné.

Conclusion : cet éclairage particulier sur les risques de santé dans nos parcs et jardins ne doit évidemment pas altérer notre plaisir d’y travailler et s’y reposer. Connaissant mieux les risques, on s’en protège d’autant mieux donc : Attention à ce que l’on respire, Attention à ce que l’on touche, Respectons les mesures de sécurité, N’oublions pas le rappel du vaccin antitétanique tous les 10 ans

Compte-rendu conférence : Brigitte Le Monnier sur texte d’Alain Roullier