Baptiste Canevet, Jardinier biologique - Référent technique à la Maison de l’île Saint Aubin, nous propose des pistes pour jardiner en respectant la nature. Pour ce faire, il s’appuie sur son expérience dans le jardin potager dont il est le responsable.
Ce jardin de 4100 m², implanté dans des prairies inondables est un jardin pédagogique dont le but est de transmettre et d’échanger avec les visiteurs.
C’est le seul jardin municipal labellisé « Jardin Biologique » en France. Ce label garantit l’absence totale de pesticide de synthèse afin de préserver la santé des consommateurs, jardiniers et visiteurs. Il reçoit de 3000 à 4000 visiteurs par an.
Les interventions du jardinier répondent à la question : « Mon action favorise-t-elle la vie ». Si la réponse est non, il ne fait aucune action.
Le sol
Ce jardin étant installé sur une gravière, le sol est composé de 50 % de cailloux et de sable. Aucune action n’a été menée pour le changer, pas même pour retirer les cailloux. Leur présence est nécessaires pour la structure du sol qui doit résister à un piétinement raisonnable. Ils permettent son réchauffement au printemps en accumulant les calories.
Un apport régulier de compost est bénéfique. Il ne faut pas l’enfouir par bêchage. Les bactéries et les champignons le transformeront en humus support de la vie. Un sol riche en humus est facile à travailler, les adventices s’arrachent facilement, les racines y pénètrent mieux.
Un paillage de feuilles, paille, roseaux, résidu de broyage, tonte de gazon, etc. permet de le nourrir, de le maintenir propre, de préserver l’humidité, d’éviter le lessivage par la pluie.
Pour participer à l’aération du sol, en fin de récolte, on peut couper les végétaux au ras du sol au lieu de les arracher. Les racines laissées en terre creusent pour les végétaux qui viendront après.
L’exemple donné est une planche de salades accompagnées de basilic (25 variétés). Après récolte de 10 kg de feuilles le tout est coupé au ras en octobre.
Faire de même après une récolte de haricots (légumineuse qui comme toute les plantes de cette famille fixent l’azote atmosphérique dans les nodules de leurs racines. L’azote sera rendu disponible dans le sol par dégradation des racines)
Exception pour les choux dont les racines sont trop coriaces.
Toutes ces actions ont pour but de de favoriser la bonne santé des plantes. Le rôle du jardinier n’est pas de nourrir les plantes mais de nourrir le sol qui, grâce à la vie qu’il renferme (les décomposeurs, les vers de terre, les bactéries…), va lui-même mettre à disposition les éléments minéraux nécessaires aux plantes, par dégradation de la matière organique et solubilisation de la roche mère et des cailloux.
Photo du site Maison de l'environnement ANGERS Jardin biologique
La rotation des cultures
Ancien principe agricole : ne pas planter deux années de suite, au même endroit, des plantes de la même famille.
Pour rendre cette technique plus compréhensible aux visiteurs, le potager est aménagé en plusieurs cercles. Chacun est divisé en 4 portions. Chaque année des cultures différentes se succèdent en les faisant passer d’un quadrant à l’autre. première année : des légumineuses qui enrichissent le sol en azote grâce aux nodules de leurs racines qui fixent l’azote atmosphérique (Haricots, pois, fèves…) deuxième année : les légumes-racines (qui puiseront leurs nutriments en profondeur : ail, betterave, échalote, carotte, endive, navet, oignon, radis…) troisième année : les légumes-feuilles gourmands ils nécessitent un sol riche (choux, concombre, poireau, pomme de terre, salade…) quatrième année : des engrais verts (trèfle, phacélie…) pour laisser la terre se reposer. Ils produisent de la matière organique et protègent le sol. Baptiste déconseille la moutarde de la même famille que les choux, radis, navets car elle favorise la présence d’altises, petits coléoptères poinçonneurs des crucifères.
Il recommande de mélanger plusieurs engrais verts sur une même parcelle.
Photo du site Maison de l'environnement ANGERS Jardin biologique
Le verger
Installé sur une gravière, situation difficile, le verger occupe 1000 m². Au pied des pommiers sont installés des Narcisse ‘Thalia’ de couleur blanche et des tulipes roses.
Pour éviter les carpocapses, papillon de nuit dont la chenille est le ver des pommes, il est conseillé d’installer dans le jardin des nichoirs à chauve-souris qui en se nourrissant d’insectes nocturnes limiteront leur population.
L’hôtel à insectes
Permet aux insectes de trouver un refuge pour l’hiver. La présence d’un maximum d’insectes est importante car ils se régulent les uns les autres. C’est une version esthétique, en bois non traité, car un simple tas de branches, de pierres est tout aussi efficace.
Les tomates
Lorsque la terre est bien réchauffée mettre les plants de tomates en place en enterrant bien la base des tiges, jusqu’à la première feuille.
Arrosage au pied, seulement le jour de la plantation. Ensuite il faut les laisser souffrir pour qu’elles fassent des racines et n’intervenir que lorsque le feuillage donne des signes de début de déshydratation.
Concernant leur taille, il n’est pas certain que ce soit une nécessité.
Une collection de tomates est cultivée sans rotation dans la parcelle portant le joli nom de « chant des parapluies ». Des essais de non-taille y sont réalisés. Les tomates sont réparties en lignes, une ligne sans taille et une ligne avec taille. La technique choisie est la culture en cage de treillis soudé. Un cylindre de 50 cm de diamètre fourni à la tomate (qui est une liane) un support solide. Les plantes étant bien soutenues il y a une bonne aération du feuillage, ce qui permet d’éviter les risques de maladies.
Résultat, cette année il y a eu 25 % de récolte en plus sur les variétés non taillées, pour des fruits de calibres satisfaisants. Une explication peut être avancée : si on enlève les gourmands il y a moins de feuilles et par conséquent moins de photosynthèse d’où moins de production.
La variété qui s’est avéré la plus productive a été Zapotec pleated qui ressemble à une tomate Cœur de Bœuf.
Il peut être intéressant de mettre à leur pied des plantes aromatiques, des œillets d’inde (Tagetes tenuifolia), basilic, échalotes, leur odeur participera à repousser certains ravageurs ou des salades ce qui représente un gain de place.
Conclusion : il faut mener ses propres expériences, voir si cela est vraiment utile et faire comme on le souhaite.
Le principe de gestion différenciée est appliqué au jardin.
Le potager est soigneusement désherbé, la prairie est laissée plus sauvage.
Pour la biodiversité il est nécessaire de maintenir des espaces non tondus, ne serait-ce que 10 m² au fond du jardin.
Les taupes
Elles ont un rôle d’aérateur du sol. Dans ce jardin elles sont laissées jusqu’au seuil d’acceptation.
Les vers de terre
Ce sont les amis du jardinier. Ils jouent le rôle d’ascenseur des oligo-éléments. Ils permettent de structurer et d’aérer le sol.
Pour les préserver proscrire l’utilisation de motoculteur, ne pas travailler le sol mais le recouvrir d’un paillage.
Les outils à proscrire
La bêche qui retourne la terre et enfouit les bactéries aérobies, ce qui les empêche de jouer leur rôle qui consiste à transformer la matière organique en humus. On peut la remplacer par la grelinette là où c’est nécessaire (sol trop compact…). Il s’agit d’une sorte de fourche le plus souvent à 5 dents et deux manches qu’on bascule d’avant en arrière pour aérer la terre sans la retourner.
Le râteau avec lequel on affine trop la terre. Il est préférable de faire les semis sur sol graveleux. Le râteau ne servira que pour tasser légèrement le sillon après qu’il ait été refermé. Un croc convient mieux pour travailler le sol.
Photo du site Maison de l'environnement ANGERS Jardin biologique
Quelques plantes utiles qui peuvent être utilisées en purins ou décoctions pour soigner les plantes ou pour éloigner les ravageurs.
Des fleurs seront introduites au potager pour les couleurs et pour attirer les auxiliaires polinisateurs. Photo du site Maison de l'environnement ANGERS Jardin biologique
Quelques indésirables
Le liseron : difficile à éradiquer car le moindre morceau de racine laissé en terre produit une nouvelle plante. Il ne faut pas se laisser envahir et l’arracher avec une gouge enfoncée le plus profondément possible dès son apparition. On peut le mettre sur le compost après l’avoir laissé sécher quelques jours.
Les chardons : les arracher s’ils sont sans les massifs, de préférence lorsqu’ils sont en fleurs. Les tondre régulièrement s’ils sont dans la pelouse. On peut les laisser fleurir car ils seront visités par de nombreux insectes mais il ne faut pas les laisser monter à graines pour ne pas être envahis. Lorsqu’on coupe leur tige en période de pluie, l’eau s’accumulant dans leur tige creuse les fait pourrir.
Ces plantes ont cependant une utilité puisque grâce à leur racine pivotante elles aident le jardinier en ameublissant le sol en profondeur. En automne, on peut lutter contre ces deux indésirables en semant des engrais verts qui vont les concurrencer. On peut utiliser, en particulier, un mélange seigle et vesce.
Conclusion : il est nécessaire de garder au jardin toute forme de vie et de plantes dans la mesure où on ne se laisse pas envahir.
Les coups de cœur du conférencier.
Des variétés anciennes et récentes sont cultivées dans ce jardin, notamment carottes et tomates.
Chaque année 1/3 des variétés sont arrêtées et remplacées par de nouvelles pour y être testées.
Elles sont présentées par thèmes : plantes textiles, plantes comestibles, plantes médicinales : Arnica, Digitale, Valériane, Cardère appelée aussi Cardère à foulons ou Cabaret des oiseaux,
Absinthe qui attire les pucerons ce qui protège une grande partie des plantes qui l’entourent, Tagètes qui tuent les nématodes.
Voici deux variétés de carottes particulièrement appréciées : ‘Gniff’ violette à l’extérieur et blanche à l’intérieur ‘Oxhella’ amélioration de la variété ‘Chantenay’ Vous avez envie d’en savoir plus sur ce qui se passe, en coulisse, dans votre potager ? Baptiste nous recommande « Guerre et Paix au potager » que vous pouvez voir en utilisant ce lien vers Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=Vxs0GWAtihs