Son origine
La stèle de neuvy sur Loire
Souscription patronnée par Maurice Genevoix.
Vous n’êtes pas sans savoir que si la Loire a toujours eu la Majesté que nous lui connaissons et que nous admirons, elle a été aussi, jusqu’à la fin du siècle dernier, un élément non négligeable de l’économie des populations riveraines. Elle était « LE CHEMIN QUI MARCHE » et dès l’époque la plus reculée, a servi au transport des marchandises qui assurait la vie, non seulement des régions qui l’avoisinaient, mais encore de celles qui cédaient à la loi de grands échanges commerciaux Nord-Sud de notre pays.
Son activité, insoupçonnée à l’heure actuelle, s’étendait tout le long de son cours. Rien qu’a SAINT-RAMBERT (Loire), en 1839, on fabriquait chaque année 3 000 embarcations de 28 à 30 mètre de long, appelées Salambardes. Divers chantiers construisaient, ailleurs, d’autres bateaux avec leurs caractéristiques propres. A Neuvy-sur-Loire, vers le milieu du cours, 33 usines de poteries de la Puisaye embarquaient leurs produits. Et, à cette époque, les ustensiles ménagers étaient façonnés surtout en terre.
A COMBLEUX (Loiret), il n’était pas rare de voir 300 bateaux attendant l’éclusée du canal d’Orléans.
A CUNAULT (Maine et Loire), on chargeait d’énormes blocs de pierres blanches à bâtir appelés « tuffaux».
Tout s’en allait au fils du courant sur des embarcations convoyées par une corporation typique, les Mariniers de la Loire, courageux intrépides, robustes, ayant leurs caractéristiques propres, leur langage, leurs traditions, jalousement gardées, leurs coutumes, leur fierté, leurs « lettres de Noblesse » serait-on tenté de dire : Seigneurs sur l’eau nous sommes » aimaient-ils à répéter.
Parallèlement à ce trafic de marchandises qui plus tard, et en certains endroits où la douceur du courant et la largeur du fleuve le permettaient s’effectua à la voile pour la remontée, se créa un service régulier de passagers, quotidien entre certaine villes. Et les bateaux à vapeur firent leur apparition. Plusieurs compagnies se partageaient la clientèle et Monsieur Maurice GENEVOIX cite le chiffre de 107 000 passagers en l’année 1843 pour une seule compagnie.
La Loire vivait alors, ses rives, les villes, les bourgades étaient animées. Toute activité était axée sur « la Rivière » qui grouillait d’une vie intense. Votre ville, votre département peut-être même en ont largement bénéficié. La Loire navigable, par son activité considérable, apporta des revenus appréciables aux Mariniers et aux villes riveraines.
Mais la fréquentation du fleuve n’allait pas toujours sans périls pour les Mariniers. Combien s’en sont allés, confiants, joyeux, et ne sont pas revenus apporter à leurs foyer les deniers rudement gagnés par leur métier. La navigation était dangereuse en elle-même : en amont de Roanne, à la Digue de Pinay, ou au Perron, le passage était tellement étroit, que les malheureux qui l’empruntaient risquaient d’avoir les doigts écrasés entre l’embarcation et les roches ou, s’ils s’y engageaient dans de mauvaises conditions et par un fort courant voyaient leurs bateaux se fracasser.
Les registres paroissiaux de Saint-Just-sur-Loire fourmillent de « Morts au PERRON », par naufrage. Un faux pas, un manque d’équilibre au cours des manœuvres de la conduite des bateaux, délicates en elles-mêmes, avaient parfois comme conséquence la noyade.
Les crues étaient redoutées, où la violence du courant rendait folle l’embarcation contre une pile de pont, accident hélas fréquent.
Pouvons-nous imaginer que ce marinier, disparu en quelques années, qui ne comptait que des amis, ait pût, miné irrémédiablement, tomber dans l’oubli, sans que personne, taisant sa peine, songeât à faire un portrait fidèle, calqué sur le visage hier encore si vivant du modèle. Le souvenir s’est effacé derrière le voile de l’oubli… avec un peu d’ingratitude, et de légèreté coupable, serions-nous tenté d’écrire.
Bien peu, hélas, sont habilités à dire, comme Madame et Monsieur FRAYSSE, du Maine et Loire :
« collecter les souvenirs transmis par la tradition orale, sauver de la destruction les outils, les objets façonnés ou apportés au pays par la gent marinière, a été pendant qu’il était temps encore, notre principal soucis ».
Les choses étant ainsi, nous avons pensé, et cru bon parce que nous avons été encouragés, qu’il pourrait être souhaitable de rappeler aux riverains, aux touristes, aux passant, le souvenir de ceux qui périrent en faisant leur simple métier dans la fréquentation de la Loire, du Canal, et qui les animaient autrefois d’une vie intense.
Une stèle, érigée par souscription publique, est projetée sur les rives même de la Loire, à Neuvy-sur-Loire (Nièvre), dont, autrefois, un cinquième de la population vivait du trafic de fleuve. Certain pays avaient la moitié de leur population, d’autres leurs habitants entiers, occupés à ‘activité de la Marine. Nous avons choisi ce pays, aux confins de la Nièvre et du Loiret, parce qu’il se trouve à environs demi parcours de la source à l’embouchure. Les vestiges de Marine, malgré des destructions en 1945, par la guerre, y sont encore nombreux. Ce choix est symbolique et honorera, par cette stèle du souvenir, tous les Mariniers disparus le long du fleuve, aussi bien ceux de Roanne, Nevers, La Charité, Gien, Orléans, Beaugency, Blois, que ceux de Tours, Gennes, St-Mathurin, Saumur, Nantes et St-Nazaire.
Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir participer à notre souscription et d’adresser, sous la rubrique : « Pour la Stèle », les fonds à Monsieur Jean Mellot, trésorier à St-mandé (Seine)
Ainsi notre Loire, fleuve royal et majestueux, d’un inutile beauté, (la Voile de la Beauté l’a-t-on appelée), servira, par cette stèle de l’oubli mélancolique pourrait-on dire, à perpétuer et honorer ceux qui, simplement mais tragiquement peut-être, ont disparu dans l’accomplissement de leur métier souvent très dur. On a la sensation, envers de tels hommes « les Mariniers de la Loire », que l’hommage que nous allons leur rendre reste encore inférieur à la reconnaissance qu’on leur doit et qu’ils méritent.
Puisse la chose pure, symbolique et modeste que nous voulons entreprendre et que nous avons à cœur de réaliser, mériter votre confiance et que nous vœux et nos efforts soient pour signifier dans un décor de mesure et d’harmonie, dans une atmosphère de sérénité et de paix, « les Mariniers Péris en Loire » faisant ainsi l’accord de l’Homme et de la Nature.
Maurice Genevoix
Le port de Neuvy est en effet, sur la Loire moyenne, l’un des lieux qui se prêtent le mieux à cette commémoration, l’ancienne marine de Loire y ayant maintenu son activité plus longtemps, me semble-t-il, que nulle part ailleurs, entre le bec d’Allier et le bec du Cher. En 1897 encore est parti, des quais de ce port, un bateau de poterie pour le « Pays-Bas ».
Texte de Monsieur Roger Dion, professeur au Collège de France.
A l’occasion de l’inauguration de la Stèle des Mariniers, le maître-faïencier de Nevers, Jean Montagnon, lance par souscription, la fabrication d’une assiette commémorative en faïence de Nevers de cet évènement.
L’inauguration de cette stèle se fit le samedi 11 septembre 1965 au Port de Neuvy.