1910 : Agenda de Ludovic Bedu

1910 : Agenda de Ludovic Bedu

1 Janvier : M. A Deschampt est venu avec son fils m’offrir ses souhaits. Hélas bien que comme moi il ait horreur de ces sottes conventions, il s’y soumet quand même.

2 Janvier : J’ai encore reçu quelques lettres et cartes parmi les quelles celles de M. Berger notaire et Tartinville boucher ! C’est absolument ridicule.

9 Janvier : Confection de la liste électorale. Il y a dans la Loi une foule de lacunes, grâce aux quelles si les articles étaient suivis à la lettre, un grand nombre de citoyens ne voteraient jamais.

16 Janvier : Réunion du conseil municipal : approbation des dépenses pour l’école des filles.

18 Janvier : Le vent souffle toujours en tempête avec pluie fine depuis le début de l’année.

20 Janvier : La Vrille croit rapidement ; une partie des caves du bourg et de la route nationale sont inondées.

21 Janvier : La Loire croit : on annonce 3 m 70 à l’étiage de Cosne. A Neuvy nous aurons 30 centimètres de plus, les 2 échelles ne se rapportant pas.

23 Janvier : La Loire s’étale en Berry.

24 Janvier : J’ai vendu les meubles de mon salon : 4 fauteuils, 4 chaises, un canapé et un guéridon. Le tout pour 430 fr. Gratification à Mollette pour s’être occupé de cette affaire : 10 fr.

27 Janvier : La Seine a cru de manière à inonder une partie de la banlieue en amont et en aval : C’est un désastre !!! A Paris, les rues qui bordent la Seine sont couvertes d’eau. Il est à redouter que nombre de maisons s’écroulent. Les trains de Paris n’arrivent qu’avec d’importants retards. Le métro ne peut plus fonctionner, les ¾ des voies sont inondées. Nous ne recevons qu’à grand peine, les journaux et le courrier.

28 Janvier : La Loire baisse doucement. Il gèle assez fort et les eaux se retirent un peu partout.

1 Février : Les rivières qui avaient débordé sont en décroissance ; on commence à circuler à pied sec dans les rues de Paris : la situation s’améliore.

7 Février : La Loire croit à nouveau mais lentement. Les rivières de Haute Loire sont presque toutes en hausse. La Seine : on annonce une montée pour demain de 0,70cm.

10 Février : Boileau a fait noyer le petit chien que j’avais gardé : Cet animal était inintelligent, impossible à dresser.

13 Février : Session de février : Nous avons voté quelques sommes pour payer les mémoires arriérés (1908-1908) et parlé du pont des Cocus à la construction duquel la Commune de Thou participerait ; la Commune d’Annay se réservant après devis de voter une certaine somme dont elle n’indique pas le montant. C’est vague ! Quels Idiots !!!

20 Février : La Loire croit ; il y a beaucoup de pluies et tempête en Haute Loire.

22 Février : Les conscrits de Louis sont venus vers 3 h. André Gourdet est réformé (mal de Pott) ainsi que Laurent dit Baldi ; deux autres du village sont ajournés.

24 Février : Louis m’a écrit une longue lettre ; il gagne 250 fr par mois, table et logement. La saison d’hiver finissant vers le 15 avril, il pense rester 2 ou 3 mois de plus avec le même traitement et très peu de travail.

25 Février : La Loire, malgré la pluie, reste à peu près stationnaire.

26 Février : M. Bourra- Ricard a été inhumé aujourd’hui ; il était presque paralysé depuis 17 ans et le mal s’était aggravé depuis que le chirurgien Péan lui avait enlevé un morceau du crane.

13 Mars : Lettre de mon vieil ami François Poulin : Il a eu une forte atteinte de rhumatismes et ses jambes, me dit-il, sont comme paralysées. La campagne de 1870-71 ne l’a pas plus épargné que moi.

14 Mars : Cotisation pour le Comité Républicain : 1 fr. Cotisation pour les sapeurs-pompiers : 5 fr.

26 Mars : Le fils Louis Cornu ma apporté une belle lamproie d’environ 2 livres.

17 Avril : Vente chez M. Berger notaire d’environ 7 hectares de terre aux Gâtines et du pré du Pont 2 hectares 87. Le tout de l’adjudication s’est monté à 18 400 fr. Mes fils m’avaient envoyé leur procuration.

7 Mai : Élections : Les affiches succèdent aux affiches, toutes plus injurieuses les unes que les autres. C’est honteux de part et d’autre !

8 Mai : J’ai été voté avec Desenne qui est reparti au train de 3 h 7 pour Paris.

9 Mai : Élections : M. Jousselin passe avec 11 143 voix contre M. Goujat 6 548. Il est regrettable qu’au 1er tour, Goujat ne se soit pas désiste en faveur du camarade Laurent. Il aurait satisfait tous les électeurs républicains et aurait évité à l’arrondissement l’élection d’un Monsieur que personne ne connait et dont les opinions sont fortement hypothétiques. Qui vivra verra !!!

15 Mai : Session de mai : Nous avons préparé le budget avec quelques économies. Le maire Léon Draps a proposé sur le vœu du comité Républicain d’appliquer la taxe vicinale en remplacement des 3 journées de chemins. Nous n’avons rien décidé et M. le Percepteur n’ayant pu nous dire quel serait le taux pour cent de cette taxe dans la commune.

18 Mai : Ma sœur Félicie Billiard est parti avec son fils Léonce pour Paris et de là elle part seule chez son autre fils André Docteur à Rouen. Elle restera surement jusqu’aux vacances.

26 Mai : Louis m’a écrit que son administration ne veut pas tenir les promesses qu’elle lui avait faites et il revient vers le 15 juin à Neuvy.

27 Mai : Printemps encore très pluvieux ; la Loire croit toujours mais nous n’avons pas de nouvelles qui fassent craindre un débordement.

1 Juin : Louis m’a envoyé une dizaine de cartes ; je ne lui réponds pas parce que d’après sa dernière lettre il doit quitter Le Caire aujourd’hui pour renter ici.

6 Juin : Cette nuit, le tonnerre gronde au loin ; à 6 h du matin 2 orages se forment au nord et au sud, les éclairs se succèdent avec violents éclairs de tonnerre. La foudre frappe à divers endroits : Sur le clocher dont elle découvre une facette ; sur la maison de Mme Veuve Martinèche (route d’Annay) et quelques poteaux de téléphone.

18 Juin : J’ai payé à Joseph Lefèvre dit Béjot, 4 fr pour le nettoyage de la cour.

19 Juin : Louis est allé diner chez ses cousins Pierre et Marguerite Boucher.

20 Juin : Roger m’a envoyé une dépêche : il vient pour un congé de 16 jours avec un certificat élogieux des directeurs pour sa conduite au moment de la catastrophe de Chemin de Fer à Villepreux le 18 juin.

21 Juin : Roger est en bonne santé et il nous donne des détails sur la catastrophe du chemin de fer : l’express 477 de la ligne Paris Granville et l’omnibus arrêté en gare fait 16 morts. Quelques wagons détruits avec les flammes.

22 Juin : Acheté à Cornu une brème et un meunier moyen : 2 fr 20.

24 Juin : Le temps ne se remet pas au beau, tout souffre et on ne pourra sécher et rentrer les foins. La vigne est couverte d’un champignon spécial qui attaque le pédoncule du raisin.

28 Juin : Mes fils Roger et Louis sont allés pécher dans la Forté : ils sont revenus le soir avec une jolie friture de perches et gardons.

30 Juin : Sauf la 1ère décade et 2 jours (19 et 20) dans la seconde, ce mois a été pluvieux et froid. Les foins sont à peu près perdus et les raisins détruits par l’oïdium et le milliou. Dans ma vie déjà longue, je ne me souviens pas d’avoir vu un mois de juin aussi pluvieux et aussi froid.

5 Juillet : Roger est parti ce matin pour Paris et reprendre son travail.

6 Juillet : J’ai acheté chez Mme Héliard une boite de sardines à l’huile : 0 fr 75.

10 Juillet : Liste pour la composition du jury : Je suis allé ce matin à la mairie avec M. Guerbois et nous avons fait une liste de 12 noms que j’ai envoyé au Juge de Paix de Cosne en le prévenant qui ni le maire ni moi ne pouvions nous rendre à son appel du 13 juillet.

14 Juillet : Je suis allé à la mairie à 3 h et à 4 h 30 nous avons défilé ; en arrivant au monument des victimes de 1851 j’ai dit quelques mots pour flétrir Napoléon et honorer la mémoire des victimes du coup d’Etat de décembre ; puis j’ai quitté le cortège….

16 Juillet : Cotisation pour la fête du Port : 6 fr.

18 Juillet : Répartition : Réunion à la mairie avec comme présents : Ms. Bedu, Corneau, Guillot, Pinon, le Maire Léon Draps comme président. Le contrôleur a fait le recensement de toutes les propriétés bâties et de la foncière ainsi que des patentes. Ce travail, qui se fait tous les dix ans et demanderait au moins 15 jours, a été bâclé en 2 jours à la diable !!!

19 Juillet : Nous avons continué jusqu’à 3 h 30 le travail commencé hier.

20 Juillet : Payé à M. Louis Cornu pécheur, une carpe de 2 kg 500 : 7 fr 50.

23 Juillet : A 6 h 37 Louis et moi sommes partis pour Paris où nous sommes arrivés à 11 h. Desenne et Roger nous attendaient à la gare de Lyon ; nous avons déjeuné et diné ensemble. Desenne m’avait retenu une chambre contigüe à la sienne : 13 rue Villehardouin. Les 2 jeunes gens logeaient 1 passage Tivoli.

25 Juillet : Nous avons passé mes 2 fils et moi toute la journée chez M. de Fos très aimable comme toujours.

28 Juillet : Ms de Fos, de Larmandie, mes deux fils et moi avons diné chez Laperouse 51 quai des Grands Augustins : tout était excellent.

29 Juillet : M ; de Larmandie m’a invité à diner ; nous avons parlé de la place qui m’est offerte et je recevrai d’ici peu des détails précis. Je lui ai remis 150 fr qui m’ont été prêtés par Louis, pour faire éditer chez Chamuel, ma plaquette de vers (700 pièces environ). J’aurai l’épreuve d’ici 15 jours.

30 Juillet : Nous quittons Paris accompagnés de Léonce Billiard mon neveu par l’express de midi 30. Nous nous arrêtons à Gien pour attendre le train omnibus et arriver à Neuvy à 4 h 27. Déjeuner au buffet de la gare de Lyon 20 fr. Chambres d’hôtel 7 jours : 10 fr 50.

7 Aout : Réunion du conseil et distribution des prix aux enfants des écoles. Le maire a lu un discours long, filandreux et sans intérêt. Le conseil a nommé une commission pour étudier le projet d’éclairage électrique présenté par la Société : « L’Electricité pratique ». L’affaire est décidée en principe et son adoption définitive aura lieu sous peu de jours. Lettre à Ms Rignault et Tabord-Feuillette pour l’électricité.

10 Aout : Lucien Durand a refait 4 matelas (laine et crin) plus 2 de varech : 17 fr.

21 Aout : Banquet offert par M. Gobillot à ses camarades de 1870-1871. Nous partons à la mairie à 10 h 45 avec tambours et fanfare et nous partons au cimetière porter une couronne au monument des soldats morts en 1870. Nous revenons déjeuner à midi chez Chavanne avec le chef Bernollin qui a fait un service parfait.

22 Aout : Entorse : Ce soir à 4 h en passant de la salle à manger dans le corridor, mon pied à porté à faux sur le bord du tapis de sortie et je me suis tordu violemment l’articulation. Le Docteur Morlat m’a fait un certificat que j’ai immédiatement envoyé à l’agent d’assurances Legrand de Cosne. Voilà la 3eme entorse en 6 ans.

24 Aout : Mme Biry-Léger est inhumée aujourd’hui ; elle est morte lundi 22 d’une paralysie hémiplégie. Ms. Guerbois et Chavanne sont venus me demander de rédiger ce soir un entrefilet pour envoyer aux journaux en y ajoutant le discours de M. Gobillot au cimetière. J’ai terminé ce soir et demain Louis m’aidera à copier le tout pour les journaux de Nevers et Cosne "la Tribune et le Cosnois".

25 Aout : Morlet Etienne 66 ans est mort ce matin d’une apoplexie foudroyante.

26 Aout : Torcol est venu me voir pour que je m’occupe de sa fille Rosalie femme Buchet qui doit passer prochainement l’examen des PTT. Ces pauvres gens m’attribuent une influence que je n’ai malheureusement pas.

17 Aout : J’ai reçu les épreuves de mon petit volume que j’ai renvoyé à M. Larmandie.

3 Septembre : Mme Cimetière a été inhumée ce soir.

6 Septembre : Louis et son cousin Léonce Billiard sont allé pécher à l’Etang de Marvy ; ils ont pris une douzaine de carpes dont une de près de 600 gr.

12 Septembre : Louis doit aller au 29eme régiment de ligne au Creusot : détachement 1er Bataillon.

13 Septembre : M. le Docteur Morlat est venu ce soir : il a massé l’articulation malade puis a fait de la compression avec de la ouate puis il m’a remis un certificat me relançant à 15 jours pour guérison complète. J’ai envoyé de suite le certificat d’assurances à M. Legrand.

14 Septembre : Epreuves de ma plaquette. Le secrétaire de Larmandie n’a corrigé que les fautes grossières d’impression ; il a laissé passer un sixain auquel manquait un vers et 2 grosses fautes de poétique. Il faudrait être là et tout faire soi-même.

15 Septembre : Payé à Sadier Henri les 2 cordes de bois arraché qui m’ont été livrées le 18 mars dernier. Je pensais ne payer que 30 fr la corde et aujourd’hui Sadier me réclame 32 fr. Tous ces bougres-là sont d’une honnêteté problématique.

28 Septembre : Louis Boucher mon neveu doit venir pour chasser samedi. J’espère qu’il consentira à ce que je lui demande puisque cette canaille de notaire (Berger) ne veut pas ce déranger pour me rendre service. Quand les Shylocks (nom d’un usurier juif dans la comédie de Shakespeare) sentent qu’il n’y a plus rien à sucer, ils en prennent à leur aise avec les malheureux qui ont été obligés de se fourrer dans leurs griffes.

30 Septembre : Louis est parti ce soir à 10 h pour le Creusot dans le bataillon détaché du 29 eme de ligne. Le jeune homme n’est pas enthousiasme ! Ce qui le chagrine surtout c’est la perte complète de sa liberté pendant 2ans. Mais c’est la LOI pour tous et souvent la vie en commun produit bon effet sur certains caractères.

2 Octobre : Louis m’a écrit un petit mot : Il a été versé à la 8 eme Compagnie du 29 eme Régiment. Il s’ennuie et pense que la ville du Creusot est fort bruyante avec ses usines métallurgiques.

7 Octobre : Reçu une lettre de Louis qui pense aller à Autun, le mois prochain suivre les cours pour être officier de réserve après ses 2 ans de régiment.

9 Octobre : L’autre jour Rosalie a oublié son parapluie dans le train ; j’écris à M. l’Ingénieure chef du P.L.M.

10 Octobre : Lettre à M. Legrand pour mon assurance à « La Continentale » ; mon bail de 10 ans est expiré et en raison de mon âge, la compagnie n’assure plus… Il m’a payé 300 fr pour solde de frais pour mon accident d’entorse

16 Octobre : La Loire a cru rapidement cette nuit ; les pluies des jours derniers ont porté dans la montagne,l'Ardèche déborde avec les petits affluents du Rhône...

17 Octobre : Huile d’olives de Grasse. Reçu ce matin contre remboursement le bidon de 5 litres que j’avais demandé il y a 8 jours : 18 fr 25.

19 Octobre : Roger m’a écrit qu’il avait repris son service et qu’en général la GRÉVE (grève de la thune) tendait à s’apaiser sur toutes les lignes.

30 Octobre : Louis vient demain au train de 9 h du soir. Nos pauvres troupiers, a cause des grèves n’ont pu avoir que 24 h de permission.

1 Novembre : Louis est reparti au train de 4 h 30 ; il a rencontré 2 camarades de sa compagnie avec les quels il voyagera jusqu’au Creusot. Je lui ai remis pour sa bourse de soldat 40 fr.

2 Novembre : Chez Lagrange j’ai acheté une boite de maquereaux : 0,80 ; 1 livre de figues et 125 gr de gruyère : 0, 75.

7 Novembre : Le vent souffle en tempête avec pluie par rafales. D’après les journaux ce temps abominable règne partout et les rivières débordent ; il est possible que nous ayons , sous peu, une forte crue de Loire.

16 Novembre : J’ai envoyé à Roger son avis de convocation aux 23 jours pour l’an prochain.

27 Novembre : J’ai acheté pour Louis un couteau avec poinçon et serpette : 1 fr 75.

1 Décembre : St Eloi : les jeunes gens m’ont apporté la galette : 2 fr.

9 Décembre : La Loire croit en continu ; l’eau arrive à peu prés au milieu du quai.

11 Décembre : Réunion des vétérans de 1870-71. Nous étions 60 et une vingtaine se sont fait excuser. Nous avons versé chacun un franc pour constituer une caisse et acheter une couronne à ceux qui mourront peu à peu.

16 Décembre : On annonce une nouvelle crue de Loire.

17 Décembre : Anniversaire Hélas ! J’ai 62 ans aujourd’hui.

23 Décembre : Électricité : Un monsieur fondé de pouvoir de « L’Omnium » est venu nous donner des explications sur l’Eclairage Electrique que nous voudrions avoir à Neuvy. Il nous faut d’abord emprunter 35 mille francs amortissable en 30 ans. (4 fr 40%.). Ces fonds seront mis à la disposition de la Société qui en fournira autant pour construire l’Usine et y mettre les appareils nécessaires au bon fonctionnement. La Société paiera les arrérages de l’emprunt, nous fournira 30 lampes de 25 bougies et 1 200 heures de lumière moyennant 1 200 fr par an.

25 Décembre : Ma fille Emilie n’a écrit une lettre en donnant des nouvelles de petite Geneviève qui est fraiche et rose ; l’air de Lyon lui est favorable.

30 Décembre : Louis est arrivé ce matin à 7 h d’Autun et reste ici quelques jours.