1907 : Agenda de Ludovic Bedu

1907 : Agenda de Ludovic Bedu

31 Janvier : Dans ce mois nous avons eu des alternatives de froids intenses et des températures douces vers le milieu du mois.

1 Février : Clément et sa femme ont commandé un bâtiment 4 fois plus considérable qu’il ne fallait. Quand le propriétaire ne peut surveiller, ce qui est mon cas, on s’empresse de faire des frais inutiles.

2 Février : Mon gendre Félix Deschampt est venu me parler des travaux des Gâtines : Je lui ai dit que je voudrais vendre toute la propriété en faisant émanciper Louis qui n’a que 18 ans ; il se renseigne pour savoir si nous pourrions vendre à l’amiablement sans que la justice vienne fourrer son nez dans nos affaires et rogner sur notre avoir.

4 Février : J’ai payé les journaux « Petite République » qu’il m’a fournis pendant le mois de janvier.

5 Février : J’ai envoyé un mandat de 4 fr 50 à Lécrivain et Huguet de Boulogne sur Mer pour avoir 4 kg de poisson (raie, maquereau, merlan) rendu en gare de Neuvy : le tout revient à 1 fr 15 le kg.

8 Février : Le poisson que j’avais demandé mardi soir est arrivé ; il contenait la moitié d’une raie, un gros grondin de 3 livres et 4 jolis merlans.

12 Février : J’ai donné à Louis 7 fr pour son mardi-gras. Nous avons vu quelques costumes passables.

13 Février : Pluie continuelle ; la Loire croit un peu et la rivière de Vrille a grossi et roule des eaux jaunâtres.

14 Février : Roger mon zouave m’a répondu à ma lettre du 31 ; celle que j’ai reçu était partie le 3 d’Algérie. Il va mieux et a l’espoir de passer caporal avant le mois d’avril, époque à la quelle il doit avoir une permission d’au moins 30 jours.

19 Février : J’ai vu M. Berger le notaire, pour mon remboursement. Félicie Billiard ma sœur n’a pas voulu des conditions du petit juif Beaupin mais elle ne s’est pas occupée de trouver ailleurs. Je suis retourné après l’avoir consulté, prier M. Berger de lui trouver un préteur moins rapace.

23 Février : Félicie Billiard m’a payé pour solde de ce qui me restait dû sur la maison de ma mère, intérêts compris la somme de 1 540 fr dont j’ai donné quittance.

26 Février : Solde de la pension de Louis à La Charité, j’ai envoyé à M. Vincent 456 fr .

27 Février : Louis a commencé à travailler chez M. Regouby. Il a fabriqué une grille en fer en 4 jours et son patron a bien voulu lui donner 15 fr.

28 Février : La température de ce mois a été très variable : le baromètre marquait 77-78 et nous avions quand même brumes et brouillards.

3 Mars : J’ai donné à Charles Joigneaux 2 fr. Le maire Charles Semence m’a fait dire que sous peu, nous pourrions le faire hospitaliser. Ce pauvre vieux de 73 ans est atteint de rhumatismes et ne peut plus gagner sa vie ; les patrons menuisiers ne veulent plus l’embaucher.

7 Mars : Le télégramme que j’ai envoyé pour demander du poisson n’est pas arrivé à destination parce que le commerçant n’était plus porté sur le livre d’adresses télégraphiques conventionnelles.

9 Mars : Roger m’a écrit qu’il pense toujours venir en avril mais sans les galons de caporal.

10 Mars : J’ai payé à Pissancourt une journée de travail dans le jardin.

11 Mars : M. Pontaut est venu me voir et nous avons parlé politique Cosnoise. C’est peu intéressent et comme disait Mazarin à Louis XIV, les dessous de la politique sont souvent aussi malpropres que ceux de certaines courtisanes. Je lui ai demandé 100 cartes de visites et 100 enveloppes.

14 Mars : Cet horrible temps ne parait pas devoir cesser de si tôt. La Loire étant en plein chantier, les femmes du Berry ne sont pas venues et le marché s’en est ressenti ; le beurre valait 1 fr 50 la livre.

16 Mars : M. Papinot a vendu à M. Lafille son cheval et sa voiture moyennant 400 fr.

17 Mars : J’ai semé de la luzerne et un peu d’avoine dans le carré droit de mon jardin ; il n’est pas assez aéré et les légumes y viennent mal.

18 Mars : Roger m’a écrit pour me demander l’argent de son voyage d’Alger à Neuvy soit 60 fr. Il pense arriver début avril et apporter quelques fruits comme orange, dattes… pour nous les faire découvrir.

26 Mars : Gelée le matin et beau dans la journée. Nos pécheurs prennent quelques aloses qu’ils vendent 90 centimes la livre.

29 Mars : Rosalie ma domestique est allée à la gare et a rapporté le poisson que j’avais demandé le 25. Il était moins frais qu’aux envois précédents ; toute la glace qui l’entourait était fondue : il y a eu encombrement dans les gares à cause des jours maigres.

30 Mars : J’ai donné à la Veuve Imbault 5 fr sur son travail pour aller à Paris voir son fils.

31 Mars : J’ai payé à M. Robin le mois de mars pour « la Petite République » ; je ne le prendrai plus : ce journal contient trop de réclames et plusieurs articles ne sont pas signés ce qui n’est pas convenable.

1 Avril : Très beau et chaud. Notre petite foire, malgré le temps n’a pas été brillante : il faudra que le conseil se décide à donner des primes. J’ai vu à la foire beaucoup de gens qui étaient venus de Paris et d’ailleurs pour les congés de Pâques.

2 Avril : Mme Laure Boucher ma sœur à écrit à Roger son neveu que s’il n’allait pas à la messe le dimanche pendant son séjour à Neuvy, elle ne lui enverrait plus jamais d’argent ! Et ces bigotes là osent parler de liberté et traiter les autres de sectaires !

30 Avril : Quel triste mois ! Nous n’avons eu que 3 ou 4 jours de beau temps. Le vulgaire met cela sur le compte de la lune rousse mais quand on se rend compte des dépressions énormes qui se présentent depuis plus de 2 mois ; il n’y a pas lieu de s’étonner des brusques variations de températures que nous subissons et tout laisse à prévoir que nous ne sommes plus au bout de ces phénomènes météorologiques dont tout le monde se plaint.

3 Mai : J’ai porté mes bottines à réparer chez Auguste Chollet en lui recommandant de tenir le talon un peu plus élevé du coté droit et l’entrée plus large puisque cet idiot de médecin –carabin (même pas !!!) a trouvé moyen de m’estropier pour le restant de mes jours.

4 Mai : M. H. Vallée est mort d’une pneumonie ; il était âgé de 57 ans.

10 Mai : Auguste Reby a eu hier une attaque d’apoplexie : il a été saigné et couvert de sinapismes ; depuis il est dans le coma, sans espoir de retour à la vie ; il approche des 65 ans. Il est mort ce soir après 26 h de coma.

11 Mai : Un jeune homme, ami de Roger, nommé Narcy et habitant St Martin près Pouilly, est venu me rendre visite et me donner des nouvelles de mon zouave qui ne pourra probablement pas venir de sitôt en permission à cause des examens pour le grade de caporal.

12 Mai : Session de mai : Rien de nouveau, le budget s’est équilibré avec un excédent de plus de 5 000 francs.

16 Mai : J’ai vu ce soir Eugène Gaudron et son frère Louis : ils ont placé une douzaine de verveux et ont pris 6 livres de poisson.

17 Mai : J’ai ressoudé la pompe à air d’Emile Gaudron et la lui ai reportée ce matin.

18 Mai : Louis est parti pour Ratilly ce matin et pense rester deux ou trois jours près de son Grand-père Vivien.

19 Mai : Ma fille Marie est partie pour Royat avec sa tante Laure Boucher et son cousin Pierre ; nos voyageurs resteront environ trois semaines là-bas.

20 Juin : Ma sœur Félicie Billiard est partie ce matin pour Rouen voir ses enfants ; elle y restera environ un mois.

22 Juin : Roger est arrivé ce soir au train de 3 h 7 ; il était parti de Marseille le soir à 8 h 20 par un train mixte qui a mis 18 h pour l’amener à Cosne et de là à Neuvy. Mon pauvre zouave a beaucoup maigri, mais il a pris du corps et ses muscles ont gagné en tonicité et résistance. Sa permission est de 30 jours, il devra entre rendu à Marseille le 22 juillet au matin pour prendre le bateau d’Alger. Si je ne peux arriver à lui faire prolonger la permission.

26 Juin : Petit Philippe gendre de Reby Auguste est mort aujourd’hui après de longues souffrances (phtisie héréditaire non soignée).

27 Juin : Mes fils Roger et Louis avec leur beau-frère Félix Deschampt sont allés jeter l’épervier dans l’étang de la Glas : ils n’ont pris que du petit poisson qui sent la vase.

29 Juin : M. Berger le notaire est venu me chercher et nous avons pris Ovide Petit et nous sommes allés voir les taudis que Charles Vivien s’est décidé à vendre moyennant 200 fr nets.

30 Juin : Mes fils sont allés pécher autour de l’ile Gagner ; ils n’ont rien pris puisqu’il n’y a plus de poisson en Loire.

1 Juillet : J’ai écrit à M. Charles Vivien pour lui envoyer la procuration dressée ^par Berger ; il n’aura qu’à signer et me la retourner : Ovide Petit s’est engagé à payer en plus tous les frais.

2 Juillet : Mme Serveau Alexandrine, fille de la mère Agathe qui a élevé Rosalie, est venue déjeuner avec nous : elle nous a apporté des petits pois, des guignes et de la friture.

3 Juillet : Roger et Louis sont partis pour Paris à 6 h 43. Ils iront voir leur tante Alice, leur cousin Maurice de Fos. Louis essaiera de passer un examen pour entrer comme dessinateur au P.L.M.

4 Juillet : M. Berger est venu me faire signer la vente des petits toits de la cour de la Madeleine pour la quelle M. Charles Vivien m’avait envoyé sa procuration. J’ai touché 200 fr prix net de la vente à Mme Veuve Mosset, l’acquéreur payant tous les autres frais d’après nos conventions.

5 Juillet : Louis ne pourra pas entrer à la Compagnie P.L.M. comme dessinateur : il n’est pas suffisamment capable pour remplir les conditions demandées.

8 Juillet : J’ai été au rendez-vous que le Sous-préfet m’a donné. M. Lavigne qui parait âgé de 65 ans, il a la barbe et les cheveux tout blancs. Je lui ai raconté en détail tous mes griefs et mes craintes (si l’administration municipale ne change pas sa manière d’agir) que les élections de mai 1908 ne nous amènent un conseil clérical et réactionnaire.

9 Juillet : Roger et Louis sont revenus de Paris à 4 h 30. Enchantés de leur voyage et de la très aimable réception de nos parents Cocquerillat et Maurice de Fos qui a trouvé pour Louis une place dans son administration des Wagons-lits.

10 Juillet : Les garçons sont partis chez leur Grand-père pour Ratilly par Cosne et St Amand ; ils reviennent demain.

11 Juillet : J’ai écrit à M. Georges Tellier major de 2 eme classe à Cosne pour qu’il veuille bien me donner rendez-vous pour examiner Roger et lui accorder une prolongation de congé si la chose est possible.

12 Juillet : Roger et Louis sont revenus par St Amand et Cosne au train de 4h30, enchantés de leur voyage et de la générosité de leur grand-père Vivien qui leur a donné 50 fr à chacun.

13 Juillet : Marie ma fille est revenue de Royat avec sa Tante Laure Boucher et Pierre par le train de 9 h du soir. Mes fils sont allés au devant des voyageurs. Marie est venue me voir avec Pierre, elle a meilleur mine ; les granulations de la gorge ont disparu ainsi que les palpitations mais la respiration est toujours un peu haletante. Elle a enfin grossi de 1 kg 400.

14 Juillet : La fête a été peu brillante. Rosalie est partie à Cosne avec Louis pour lui acheter tout ce dont il aurait besoin pour aller prendre son poste à Lyon ; il partira jeudi soir à 10 h.

15 Juillet : Je suis allé à Cosne avec Roger conduits par M. Héliard. Nous avons vu à l’hôpital le Docteur Georges Tellier qui a été on ne peut plus aimable et a accordé à mon zouave une prolongation de 20 jours. Nous sommes revenus déjeuner à la maison où Rosalie nous attendait.

18 Juillet : Le gendarme nous a apporté la prolongation pour Roger que M. le Docteur Tellier à portée à 25 jours.

19 Juillet : Louis est parti ce soir, nous l’avons tous conduit à la gare où il a trouvé 3 camarades ; il a paru satisfait de s’en aller travailler et gagner un peu d’argent. S’il est raisonnable il pourra se tailler une petite position et arriver d’ici 2 ou 3 ans à un traitement avantageux.

20 Juillet : Louis a écrit un mot avec une machine à écrire : il a fait un bon voyage et a été reçu par le directeur qui l’a installé et lui a dit que sous peu, s’il était satisfait et le reconnaissait apte à faire le travail, son salaire mensuel serait augmenté d’autant qu’on savait la recommandation de M. de Fos.

21 Juillet : Roger et Mollette sont allés pécher des écrevisses dans la Vrille. Ils en ont apporté 110 dont quelques belles.

22 Juillet : Louis a écrit en nous donnant quelques détails : chambre et cabinet de travail très confortables avec électricité ; la nourriture est très bonne ; il n’a absolument à payer que son blanchissage.

23 Juillet : Nous avons mangé quelques écrevisses qui étaient bonnes ; j’en ai envoyé à Mollette et à Marie chez Tante Laure Boucher.

27 Juillet : Nos Conseillers Généraux couvrent nos murs d’affiches multicolores dans les quelles ils s’eng…. A qui mieux mieux.

29 Juillet : Election : Le vote du conseil général n’a pas amené de résultat :attendu: Moineau 1 793 - Coulon 1 145 - Pontaut 818. On revote la semaine prochaine.

2 Aout : Roger est parti à Pougues voir son ami Henri Gauthier et il reviendra demain soir après être allé rendre visite au père de son camarade Narcy.

4 Aout : Élections : Moineau gagne 52 voix sur le premier tour.

5 Aout : Moineau obtient à Cosne et dans le canton une majorité écrasante. Les électeurs ont voulu faire pièce au Député – Maire pour son vote de supplément de traitement et parait-il, pour son administration un peu trop autoritaire. Il n’en est pas moins vrai que toute la réaction a voté pour le Docteur Jules Moineau dont le républicanisme est fort douteux et que notre conseil général s’enrichit ( ?? ) d’un membre bourgeois et réacteur dont le canton se serait bien passé.

6 Aout : Mlle Robin s’est mariée aujourd’hui civilement avec le jeune adjoint au maitre d’école M. Baudin. Tous les invités des deux sexes étaient mis avec recherche.

7 Aout : Édouard Lecuyer, boulanger à Bonny, mon vieux camarade de 1870 a été inhumé aujourd’hui. Il y avait beaucoup d’assistants aux obsèques car Lecuyer était très estimé de ses compatriotes.

10 Aout : Fête de Neuvy dite de St Laurent : La fête n’a pas été très brillante, il y avait moins de monde que l’an dernier malgré le beau temps. Je suis sorti un peu le soir quelque jeunes gens seulement avaient invité Henri Gauthier pour lui rendre la politesse de la fêté de Ste Anne : Rosalie étant malade, les jeunes gens ont été déjeuner à l’hôtel Jacq-Lognon.

14 Aout : Départ de Roger : Nous avons conduit Roger à la gare pour se rendre à Cosne par le train de 9 h et prendre l’express de 11 h 29 qui le conduit directement à Marseille sans changement. Le pauvre zouave avait le cœur un peu gros.

15 Aout : Roger nous a envoyé une carte lettre de Marseille : il y a trouvé un camarade du 2 eme Régiment avec le quel il est allé faire viser sa permission au Fort St Jean.

16 Aout : Mon beau-père M. Charles Vivien qui avait été pris de congestion pulmonaire et vers le quel mon gendre Félix était allé à Ratilly, ne va pas plus mal mais il est toujours d’une grande faiblesse. Ma nièce Alice et ma fille Marie sont près du malade, leur père et grand-père.

17 Aout : Roger m’a écrit une postale de Marseille avant son départ par le paquebot de la Compagnie Freyssinet « La ville d’Oran » et il demande des nouvelles de son grand-père.

18 Aout : Session d’aout : On a parlé de la démolition du presbytère et il a fallu demander encore au Préfet l’autorisation d’adjuger sur 170 fr offerts par un entrepreneur : Pauvre Maire Semence et Pauvre Secrétaire !!!

23 Aout : Roger écrit de Fort National : Il a repris le courant ; son bataillon partira définitivement le 5 septembre pour faire des manœuvres et gagner Kolea où il restera quelques mois pour finir à Alger.

28 Aout : Louis Chavanne est venu travailler à la couverture avec un jeune ouvrier de Bonny : Martial Depaty. Les couvreurs ont enlevé la filière cassée de la cave et l’ont remplacée par 2 forts chevrons de sapin cloués ensemble ; ils ont enlevé la toiture avec un cric et ont glissé la nouvelle pièce de bois sans faire aucun dégâts. Le père Adolphe Chavanne a remplacé quelques tuiles sur le toit de la cave. Ce tantôt il pleut de temps en temps.

29 Aout : Louis Chavanne est venu seul pour finir son travail ; il a fait son mortier qu’il a employé au mur de la cave.

30 Aout : Ferblantier : Deux ouvriers à louis Beauchef sont venus faire quelques réparations à la noue qui me sépare de M. Perret. Ils ont très peu travaillé à cause du mauvais temps.

1 Septembre : Fête du Port : Très belle journée et très chaude. Les organisateurs de notre fête se sont surpassés. Le quai et la rue du Port jusqu’au chemin de fer ont été pavoisés, enguirlandés et illuminés superbement. Le feu d’artifice sur la Loire a été très réussi.

2 Septembre : Louis est arrivé de Lyon ce soir ; il n’était pas trop fatigué parce qu’il a pu se reposer pendant 5 h à Chagny. Les membres de la commission de la fête sont allés à 11 h 30 déjeuner chez Annette Frottier : Nous étions 8 convives et nous avons fait honneur au repas copieux et excellent qui nous a été servi.

3 Septembre : Je suis allé sur l’ile avec Ms Guerbois et Gaudron, les chiens ont levé 3 lapins et je suis revenu très fatigué à cause de ma jambe. Me voilà donc bien et dument estropié et privé de la chasse, mon unique plaisir, de par l’incapacité de deux imbéciles millitaires qui m’ont donné leurs soins !

4 Septembre : Louis est reparti pour Lyon reprendre son travail.

5 Septembre : M. Pontaut est venu me voir pour me demander le nom du Colonel Commandant le 1er régiment de Zouaves : c’est M. Gard.

8 Septembre : J’ai porté à Louis Beauchef la lettre du Directeur des Contributions indirectes qui sur la demande de mon ami Goujat, réduit son amende des 9 dixièmes. Et je vais écrire à M. Goujat pour le remercier et le prier de ne pas se presser pour l’affaire de Roger : Je voudrais voir terminée la guerre du Maroc pour essayer de faire revenir mon zouave.

10 Septembre : J’ai reçu une dépêche de Ratilly m’annonçant le décès de mon beau-père M. Vivien mort ce matin à 6 h d’une pneumonie à l’âge de 82 ans. Je suis parti à 4 h conduit par M. Héliard avec mon gendre Félix et Rosalie. Mme Cocquerillat et son mari sont arrivés à 9 h 30 à Gien où une voiture les a amenés à Ratilly.

12 Septembre : Convoi de M. Vivien : A 10 h M. Marchand et mes trois neveux Cocquerillat (Paul, Marcel, Charles) sont arrivés par St Amand et St Sauveur. Laure Boucher et son fils Pierre sont arrivés en automobile à 11 h. L’inhumation à eu lieu à Treigny, il y avait foule.

15 Septembre : Concours de pèches : Nous avons été dans les canches de M. Pasquet : plutôt une partie de plaisir car ils n’ont rien pris.

21 Septembre : Conseil de Famille : Louis Boucher et son frère Pierre sont venus à Cosne en auto, Léonce, Félix, Bedu et moi avons pris le train ; à la gare de Cosne nous avons trouvé Ernest Desforges et avec lui nous sommes allés tous au tribunal dans le cabinet du Juge de Paix. Le Conseil est ainsi constitué : Ligne paternelle : E. Desforges, L. Billard, E. Bedu Ligne maternelle : L. Boucher, P. Boucher, F. Deschampt. Nous avons nommé Pierre Boucher subrogé-tuteur et il a accepté pour son pupille Louis Bedu la succession de son grand-père sous bénéfice d’inventaire ainsi que la loi l’exige dans l’intérêt du mineur. Léonce Billiard et Félix Deschampt sont revenus en auto avec Louis et Pierre Boucher. Je suis resté à Cosne avec Bedu, nous avons déjeuné à peu près passablement à la Bonne Foi et sommes revenus par le train de 3 h 7.

23 Septembre : Roger est arrivé à Bouïra après avoir fait des étapes dans la montagne. Les pauvres zouaves sont arrivés esquintés : On les fait camper sous la pluie battante pendant 3 jours et cantonner ; quand ils ont été trempés jusqu’aux os ! C’est beau le métier !!!

28 Septembre : Mariage de Mlle Marthe Boileau.

29 Septembre : Louis est satisfait de son directeur qui lui donne beaucoup de travail, mais lui a promis d’augmenter son salaire le mois prochain de 25 fr ce qui lui fera 75 fr mensuel nourri, logé, éclairé et chauffé. Si Louis est raisonnable il pourra se suffire amplement d’ici un an à 18 ans.

3 Octobre : Roger m’a écrit de Maison Carré ; il arrivera à Coléa dans quelques jours.

11 Octobre : La Loire croit toujours rapidement ; on annonce d’Orléans 5 m à l’étiage de Gien pour demain. De Nevers nous ne recevons rien de précis : il serait à désirer que le pauvre Maire Charles Semence de Neuvy demeure sur le bord du fleuve et soit inondé fortement : Peut être se déciderait-il à sortir de sa torpeur et à en faire sortir l’exquise administration de Nevers.

13 Octobre : Ce matin la Loire a débordé ; elle est au milieu du quai en face de la maison. Elle monte toujours un peu mais faiblement. Vers 3 h elle s’étale enfin.

16 Octobre : Rosalie est partie pour Bonny avec Mme Félicie Billiard, Joseph et sa sœur Laurence pour vendanger la vigne de Mme Billiard ; la matinée a été à peu près passable mais l’après midi atroce. Les vendangeurs sont revenus dans la voiture de M. Chevrier, trempés jusqu’aux os. Ils ont vendangé le raisin blanc : 2 petites tinées.

17 Octobre : Les mêmes vendangeurs sont repartis dans la petite voiture à âne pour vendanger le raisin rouge.

18 Octobre : Crue de la Loire : on annonce une nouvelle crue qui dépassera la dernière de 1 m 30. Elle est déjà au milieu du quai ; nous avons déménagé les chambres du bas et placé quelques meubles sur des tréteaux avec l’aide de Langer, Normand, Boileau et Métais.

19 Octobre : La Loire croit lentement ; il parait qu’une dépêche annonce du rabais à Roanne. Peut être n’aurons nous que quelques centimètres dans la maison… Ce soir le fils Cornu annonce du rabais en Allier.

20 Octobre : A 3 h du matin, l’eau passe sous les portes cochères ; le jardin et la cave sont envahis. A 7 h il y a un peu de rabais ; le fleuve s’en va lentement comme il est venu. Cette fois encore nous n’aurons pas d’eau dans nos pièces du bas. Ouf !

21 Octobre : Le fleuve s’en va lentement. A partir de la passerelle jusqu’au tournant des magasins Corneau, le quai est profondément raviné. Dans les grandes crues de 1856 et 1866, pareil dégâts ne s’est pas produit. Si le perré n’avait pas tenu bon, il est probable que le mur des Corneau se serait écroulé.

22 Octobre : L’eau s’est retirée de la cour et du jardin ainsi que de la cave laissant une vase mal odorante.

23 Octobre : Il a plu la majeure partie de la journée et la Loire a cru de 12 cm. J’ai fait un bon feu dans la salle pour combattre l’humidité.

25 Octobre : M. Pissancourt m’a envoyé 35 fr pour l’impôt de son chien dont j’ai l’embarras.

28 Octobre : Louis Cornu est venu me faire signer et autoriser une loterie pour faire tirer une carpe de 5 kg. J’ai pris 4 billets.

29 Octobre : Nous avons fait tirer la loterie chez Pierre Rondeau ; la carpe est échue au n° 17 qui appartenait à Eugène.

31 Octobre : Ce mois nous a donné des pluies continuelles qui ont porté un peu partout et amené deux fortes crues de la Loire en moins de 15 jours. Les emblavures se sont faites dans de mauvaises conditions et les vendanges sont plutôt médiocres.

2 Novembre : Mollette m’a donné un joli lapin de garenne qu’il a pris hier dans le talus du chemin de fer avec son fils Auguste.

4 Novembre : Adèle Gaudron est morte à 11 h ; elle souffrait depuis de longues années et ne digérait plus rien d’autre que du lait.

7 Novembre : Louis m’a écrit une longue lettre : il a eu beaucoup de travail et il se plaint que dans son administration, les chefs ne tiennent pas les promesses qui lui ont été faites. Hélas ! C’est toujours ainsi !

14 Novembre : Ce matin il y avait 22 berrichonnes au marché avec peu de légumes

25 Novembre : Foire dite de Ste Catherine : Pluie et vent. Je suis allé quelques minutes au bourg ; il y avait peu de monde et encore moins de marchandises.

26 Novembre : Pluie et vent ; la température est douce mais quel temps horrible. L’humidité pénètre partout et l’eau coule sur les murs intérieurs ; le feu ne nous préserve pas.

30 Novembre : Roger souhaite ne pas être appelé au Maroc.

Ce mois, si bien dénommé « brumaire » par les géants de la révolution, nous a donné quelques rares journées de temps passable : Le reste a été humide et froid !

7 décembre : Roger m’a envoyé une postale, sa compagnie est mobilisée et attend l’ordre de partir pour la frontière Marocaine.

8 décembre : La Loire reste stationnaire.

14 Décembre : Jules Gourdet est venu ce matin planter au coin du bucher et de l’atelier un abricotier (royal) que je lui avais demandé le mois dernier.

17 Décembre : J’ai reçu de Roger un couffin d’oranges, mandarines, grenade et bananes. Le tout très bon.

26 Décembre : Je suis allé déjeuner chez Louis Beauchef qui m’avait gracieusement invité il y a quelques jours. Nous étions 14 à table : Mesdames Beauchef et Regouby et Messieurs Guerbois, Regouby, Honoré (du château d’Annay), Jules Lafille et ses 2 fils, les 2 enfants de Beauchef et ses 2 ouvriers. Nous sommes sortis de table vers 3 h. Repas excellent.