1915 : Agenda de Ludovic Bedu

1915 : Agenda de Ludovic Bedu

5 Janvier : Louis m’a écrit une lettre du 30 octobre. Le 29 il y a eu une attaque des Boches ; le Lieutenant a été tué d’une balle dans le tête, plusieurs hommes ont été blessés et une balle a traversé le sac de Louis. Il a encore échappé pour cette fois.

9 Janvier : M. Eugène Corneau m’a envoyé une carte de Dijon. Lorsque j’allais lui répondre, Gaudron m’a appris que le conseil de réforme le renvoyait dans ses foyers.

17 Janvier : Roger m’a écrit ce matin : La brigade a perdu 2300 hommes dans l’attaque du 25 décembre dernier à Tracy-le-Val. Les journaux ne parlent pas de ce détail ! C’est sans importance ! Tas de vaches !!! Ce sont nos enfants !

19 Janvier : Louis m’a envoyé un mot daté du 3 ; il est passé en réserve aux tranchées-abris. Le courrier arrive en désordre.

3 Février : Roger et Louis m’ont donné un mot chacun. Louis doit être à cette heure aux tranchées sur le secteur St Mihiel, Apremont, Boncourt, Vignot.

13 Février : Louis a une bronchite, mais le major n’a pas jugé à propos de l’exempter des tranchées de 1ere ligne. Âne bâté !!!

14 Février : Auguste Robert est venu me dire bonjour ce matin. Il est convoyeur militaire et venait de Clermont-Ferrand où il avait accompagné un train de troupes pour canons.

15 Février : Louis me dit qu’il a toujours sa bronchite et que son caoutchouc commence à s’user fortement.

17 Février : Roger me dit qu’il va toucher la haute paie ! 0,20 centimes par jour et il ajoute, philosophiquement : CA n’a pas d’importance, nous n’avons rien à acheter !

27 Février : Louis : Je lui ai écrit pour son anniversaire : 26 ans. Je lui ai donné l’adresse du notaire Simon (qui oublie de nous régler l’héritage Vivien), embusqué au Mans en qualité d’Officiers d’administration de Convalescents à l’hospice St Vincent ! Ce paysan mal dégrossi n’a pas idée du savoir-vivre et ne répond pas aux courriers qu’on lui envoie.

2 Mars : Roger se plaint du froid et de la pluie continue.

7 Mars : Louis se plaint du mauvais temps (neige et pluie). Il est toujours en 1er ligne, sans repos depuis 18 jours. Pauvres petits soldats de France ! Pourront ils porter jusqu’au bout l’accablant fardeau.

13 Mars : Roger pense être dirigé bientôt dans une autre région ? Louis espère être de repos après 21 jours de tranchées en 1ére ligne.

19 Mars : Roger pense toujours partir de Tracy-le-Val pour une destination inconnue mais surement moins dure.

20 Mars : Mon neveu Louis Boucher m’a remis 100 fr pour m’empêcher de mourir de misère. Cela par la faute de ce gredin de Simon, gratte papier à Treigny qui ne nous règle pas l’argent de la succession du Grand Père Vivien.

22 Mars : Louis a quitté Apremont avec sa section pour aller quelques temps à Verdun où souhaite t il ce sera plus calme.

30 Mars : Roger : Il y a accalmie de bombardement mais toujours guerre de tranchées avec grenades à main…

3 Avril : Roger est toujours à Tracy-le-Val.

13 Avril : Louis envoie un mot : Après les affaires d’ Eparges et du Bois-Le-Prêtre, le bataillon s’est avancé jusqu’à Fey-en-Haie entre Thiaucourt et Pont-a-Mousson. Les pauvres poilus sont éreintés et voudraient bien un peu de repos.

19 Avril : Louis est revenu à Apremont dans son ancien secteur ; il pense aller au Bois d’Ailly vers St-Mihiel.

24 Avril : Maurice de Fos mon cousin me dit que le pauvre petit Soldat Jean de Fos est porté disparu ! Peut être a-t-il été blessé et fait prisonnier à la rude affaire des Éparges. C’est une mince lueur d’espoir pour les parents.

26 Avril : Louis est au repos avec sa compagnie du coté de Commercy. Il attend, de jour en jour sa nouvelle nomination officielle. En attendant c’est bon à prendre.

1 Mai : Louis : A l’attaque du Bois d’ Ailly, commandait sa compagnie comme sous-lieutenant. Le 29éme a été fort éprouvé : Perte : 850 hommes dont 25 officiers.

5 Mai : Louis : Il doit être de repos à Commercy. Sa compagnie n’a pas été renforcée au complet : elle est réduite à 179 hommes.

6 Mai : Roger m’a envoyé un mot du 1er ; il espère toujours la relève pour pouvoir se nettoyer et se changer.

12 Mai : Louis après un petit repos retourne au Bois-d’Ailly.

13 Mai : Roger m’envoie son chandail pour réparation si possible et un petit paquet de tabac pour moi : Je lui ai répondu en le grondant pour le tabac qu’il doit garder.

14 Mai : La mère Alexandre Serveau est venu déjeuner avec nous. La pauvre femme a perdu son fils ainé, Auguste le 22 octobre ; Elle n’a pu dire où se trouve son second fils Alexandre ; ne sachant ni lire ni écrire, elle et son mari sont bien embarrassés.

14 Mai : Arsène Lechien 65 ans est mort ce soir d’une apoplexie foudroyante que rien ne pouvait faire prévoir.

15 Mai : Roger se plaint d’avoir payé 1 fr 10 pour l’envoi de son chandail ; c’est un peu cher pour un soldat !

26 Mai : Roger m’a envoyé une photographie bien meilleure que le 1er. Il est au repos près de Compiègne. Le 2éme zouave et les tirailleurs sont là depuis quelques jours et attendent les ordres.

8 Juin : Louis est aux environs d’Apremont : Les troupes ont enfin reçu masques et tampons pour à leur tour arroser et asphyxier les boches !

10 Juin : Roger est agent de liaison attaché au commandement du 2éme zouave

12 Juin : Roger a été blessé le 6 à la tempe droite et au dos dans l’affaire de la ferme de Quennevières sur la D335 dans l’Oise. Il est provisoirement à l’hôpital de Villers-Cotterêts (Aisne).

13 Juin : Roger : ses blessures sont légères ; mon zouave voudrait bien être évacué en dehors de la zone militaire pour bénéficier des 7 jours de convalescence. Il me donne des détails sur les attaques du 6 et 7 Juin. Il me dit aussi de ne pas lui répondre.

16 Juin : Louis est depuis 16 jours en 1ére ligne (Apremont, St-Mihiel, Boncourt). Les obus allemands ne cessent pas et le bataillon compte, en plus des 16 jours, 32 morts et au moins 300 blessés.

19 Juin : Roger est maintenant à Meaux à l’hôpital auxiliaire militaire n° 21.

23 Juin : Payé au Percepteur mes impôts maison plus chien : 184 fr 31.

24 Juin : Desenne m’annonce la mort d’Henri Chavanne tué à l’ennemi vers le 15 près d’Arras.

25 Juin : Louis est enfin un peu au repos à Vignot près de Commercy.

26 Juin : Roger a beaucoup souffert de 2 anthrax au dos survenus après sa blessure et il a fallu ouvrir et cautériser profondément.

28 Juin : J’ai autorisé Muzard à acheter avec mes fonds des bons de la Défense Nationale.

30 Juin : Roger m’écrit de la gare de l’Est où il se trouve momentanément ; il va toujours bien mais aucune permission de convalescence ne peut lui entre accordée.

12 Juillet : Louis m’a écrit le 6 et j’ai reçu seulement aujourd’hui.

Sa compagnie a repris son poste dans le secteur de St-Mihiel, Apremont « Tête de Vache ».

14 Juillet : Louis : Le mardi 6, à la Vaux-Fry, nos poilus ont repris 700 m de tranchées en infligeant de fortes pertes à l’ennemi dont les contre-attaques ont été énergiquement repoussées. Le 29éme a été éprouvé dans cette lutte.

18 Juillet : J’ai fait demander par la mairie un certificat constatant que je suis en situation de recevoir Roger et lui donner les soins que pourrait nécessiter son état.

20 Juillet : Louis : Les boches dans son secteur bombardent jour et nuit à la suite d’une attaque qu’ils ont manquée. Il espère avoir une permission mais… pas avant les premiers jours de septembre.

21 Juillet : Roger mon grand est arrivé de l’hôpital de Meaux avec une permission de 8 jours.

24 Juillet : M. Paquignon a été inhumé ce soir à 3 h.

26 Juillet : Roger est parti à Paris pour voir un Docteur pour sa blessure qui le fait toujours souffrir.

27 Juillet : Mort de Léger Thouvenot à 72 ans.

28 Juillet : Roger doit passer une visite devant la commission de l’armée. Il est hospitalisé par la Croix Rouge, dans une maison près de la rue St-Maur ; il va rester là jusqu’à guérison et pense obtenir une convalescence plus longue que la 1ére qui n’était que de 8 jours.

29 Juillet : Louis écrit qu’il est toujours au Bois d’Ailly, à la « tête de vache » ; les boches avaient essayé leurs gaz asphyxiants mais les poilus étaient prêts et la fusillade nourrie les a arrêtés net, sans préjudice pour les nôtres. Il pense retourner en 1ére ligne le 1 aout.

2 Aout : Roger est maintenant à l’hôpital complémentaire de Villemain, faubourg du temple à Paris.

20 Aout : Roger est encore à l’hôpital à Paris ; il espère pouvoir venir en fin de mois en convalescence.

26 Aout : Louis doit être renvoyé ces jours-ci en 1ére ligne à « la tète de vache » de sorte qu’il ne sait pas quand il pourra obtenir sa permission. Il est découragé.

29 Aout : J’ai confié à mon neveu Boucher un écu de Louis XIV (1651) que je désire vendre.

30 Aout : Louis retourne pour 9 jours (??) à « la tête de vache ».

3 Septembre : Le gendarme Fillias qui est venu en permission m’a donné des nouvelles de Louis près duquel il était aux environs de Commercy. Sa permission finit le 9 septembre.

8 Septembre : Louis me dit que le 7 il se trouvera à Paris et il essayera de voir son frère.

11 Septembre : Toujours rien de mes fils.

12 Septembre : Mon neveu Léonce Billiard est venu de l’hôpital de la Chapelle (Loiret) où il travaille, pour 5 jours de congé.

14 Septembre : Louis me dit qu’il n’a pu avoir de permission et qu’il retournera au front avant de pouvoir venir.

17 Septembre : Louis en date du 14. Ils partent pour à nouveau « la tête de vache ».

18 Septembre : Émile Gaudron est arrivé pour une permission de 5 jours. Quel bonheur pour sa famille.

21 Septembre : Rosalie est allée avec Auguste Léger à la pèche aux écrevisses. Ils en ont pris 90 vers le gué de charriot.

23 Septembre : Rosalie est partie avec le jeune René Rondeau ; ils ont pris environ 170 écrevisses.

25 Septembre : Roger a passé un conseil de réforme devant 6 médecins-major. Ces messieurs ont pensé que le choc (peu violent du reste) de l’éclat d’obus derrière le lobe de l’oreille droite, avait déterminé une commotion et ils ont réformé mon zouave, provisoirement 2éme catégorie. Il pense venir sous 15 jours.

30 Septembre : Louis en date du 24. Les permissions ont été supprimées dont le 8 éme Corps à partir du 19. Quand seront-elles rétablies ?

1 Octobre : Mon neveu Louis Boucher a eu un accident d’auto. Je lui confirme que les landiers qu’il désirait seront à sa disposition.

11 Octobre : Louis désespère complètements de pouvoir venir en permission à Neuvy.

19 Octobre : Louis espère cette fois venir en permission les premiers jours du mois prochain. S’il ne survient aucun empêchement d’ici-là ! C’est le 4éme fois que le pauvre espoir est déçu.

21 Octobre : Desenne m’a écrit que son fils Hubert a été blessé à l’avant bras gauche par un éclat d’obus.

28 Octobre : Louis m’a écrit le 25. Il devrait partir le 26 en permission et pour la 4éme fois depuis 3 mois il arrive un empêchent absolu. On le change de régiment : il passe à la 51éme Division et va aux environs de Verdun entre Argonne et Meuse. Il est écrit que nous ne pourrons nous voir.

31 Octobre : Louis est versé au 310éme régiment d’Infanterie : 21éme Compagnie secteur postal n° 136. Malgré la bonne réception des nouveaux camarades, presque tous réservistes comme lui, il regrette son vieux régiment et ses anciens copains du pays.

3 Novembre : Ma fille Emilie, son mari Félix Deschampt et leur fillette Ginette sont partis pour Lyon où ils passeront l’hiver.

4 Novembre : Louis parait heureux de l’affabilité des camarades de son nouveau régiment.

6 Novembre : Desenne m’a envoyé une postale ; il est allé voir son fils Hubert à l’hôpital temporaire de convalescents n° 72, 3éme Division, Le Touquet Paris-Plage, Pas de Calais.

8 Novembre : Louis m’a envoyé une photo où il est à cheval ; il aime se promener au moment du repos et faire une petite excursion aux alentours. Il est toujours satisfait de son changement de régiment.

11 Novembre : Mes fils sont arrivés de Paris à 7 h ce soir. L’express de Paris les a menés jusqu’à Cosne d’où ils sont partis à 6 h 30 pour Neuvy. Quel bonheur enfin !

14 Novembre : Roger et Louis sont partis pour Paris ; ils vont à Cosne prendre l’express de 2 h 05 avec l’auto de M. Choizeau conduite par son fils. Rosalie accompagne mes fils à Cosne.

20 Novembre : Louis envoi un mot : Son capitaine a été changé et le nouveau parait froid et revêche. Il fait froid et il tombe du grésil aux environs de Bar le Duc.

5 Décembre : Louis pense revenir sous peu à son ancien secteur environ de Commercy.

17 Décembre : Il y a aujourd’hui 67 ans que je suis né pour mon grand malheur, hélas !

20 Décembre : Louis : Son régiment est aux Eparges dans la boue jusqu'à mi-jambe

24 Décembre : Roger a passé un examen devant la commission médicale qui l’a jugé guéri de ses blessures ; il rejoindra son corps 2éme zouave sous quelques jours à Sathonay.