09 - Andrée Chollet

En 1942, Andrée 20 ans, cherchait du travail. René Fougerat lui propose de venir chez lui, afin d'aider sa femme, pour s'occuper de leurs cinq enfants. Le grand, Michel avait 9 ans, Anne Marie dite Aillie 7 ans, Bernard 5 ans, Marie Noëlle 3 ans et Dominique quelques mois. Le travail ne manquait pas et Andrée était très appréciée de toute la famille qui s'agrandit d'une petite soeur Solange née en 1943.

Dédée, comme l'appelait les enfants, avait fait la connaissance d'un jeune cultivateur de la Couarde de Neuvy... Comme beaucoup de jeunes, Jean Chollet, c'est son nom, était parti au « S.T.O » en Autriche ... Cependant ils décidèrent de se marier en septembre 1943. Les papiers nécessaires étaient arrivés, tout était en ordre pour la cérémonie du mariage. Mais quelques jours avant la date tant attendue, une mauvaise nouvelle arrive : Permission supprimée ! Donc le mariage est remis à une date ultérieure à cause de l'absence du futur marié. Dédée pleure, pleure beaucoup.

Dans les derniers jours d'octobre, madame Fougerat demande à Dédée d'aller chercher des champignons pour le repas du soir. Lorsqu'elle rentre avec sa cueillette, la famille au complet l'attendait pour voir sa réaction à l'annonce de la nouvelle qui venait d'arriver : Jean sera là le 2 novembre avec une permission de huit jours pour se marier. Larmes de joie et course pour monter à la Couarde afin de l'annoncer aux parents de Jean. Il fallut refaire toutes les démarches pour le mariage, à la Kommandantur de Nevers. Le mariage eut lieu le 4 novembre 1943 à Saint Verain. Toute la famille Fougerat était de la noce. La maman avait un drôle de chapeau et les enfants en ont gardé un bon souvenir. Dédée est donc partie pour la Couarde avec Jean en confiant la garde des enfants à Marie Louise Girard. Jean « oublia » de repartir en Autriche.

Régulièrement elle venait voir « ses petits ». Le dimanche 16 juillet elle était venue embrasser comme souvent, elle le faisait quand elle le pouvait.

Le 17 juillet, Dédée est au jardin avec ses deux nièces entrain de cueillir des groseilles. Jean et son père, Louis, étaient en préparation de la moisson du champ des Aulnaies. Ils aiguisaient leurs faux lorsqu'ils entendirent à nouveau le bruit caractéristique d'avions. Ce jour-là, ils n'avaient pas le même bruit, c'était plus fort, plus près, plus terrifiant. Les hommes ont vu du haut de leur champ, les « forteresses volantes » lâcher les cargaisons de malheur sur le village. Tout de suite ils comprirent que le bombardement allait faire énormément de dégâts. Louis, le père, partit pour aider, mais Jean qui n'était pas en situation régulière ne put descendre au village, ayant « oublié » de repartir au STO. Dédée qui était enceinte et prête à accoucher ( le 12 août ) n'a pas pu aller aux nouvelles du Boulevard ... Mais très vite la famille Chollet apprit que c'était la RN 7 et la rue du Port qui avaient pris...

Le soir, René et Madeleine Fougerat sont venus à la Couarde pour se reposer et se coucher. Ils étaient là, elle avait des larmes qui inondaient son visage livide et René courageux, ne pleurait pas mais ne pouvait dire un mot. Perdre 4 enfants, plus Marie Louise et le cousin, c'était beaucoup. Dominique avait été retrouvé ainsi que Solange qui était morte au cours de son opération du crâne. Bernard Boudet et Marie Louise retrouvés aussi, mais il en manquait encore deux ! De très bonne heure, René Fougerat est parti pour continuer les recherches chez lui et chez les autres... Dans la fin de la matinée, il est revenu chercher sa femme et lui dire qu'il avait entendu des gémissements sous les décombres de leur maison. Ils se précipitèrent sur le Boulevard, plus exactement sur les restes, en se frayant un chemin comme ils pouvaient parmi la rue labourée et pleine de gravats.

Ils ont sorti Bernard, tué par une marche qui lui avait brisé la nuque. Puis quelque temps après, Marie Noëlle, qui eut un malaise en retrouvant la lumière et l'air «pur», puis on la transporta à l'hôpital de Cosne.

Dédée est descendue au château seulement le mercredi pour voir «ses trois petits ». Ils étaient couchés, enveloppés dans des draps, sur les canapés rouge dans le salon de leur grand'mère. Elle ne vit que leur visage mais ne se rappelle pas s'ils étaient défigurés. Quant à Dominique, elle ne le vit pas car le pauvre enfant était en trop mauvais état...

Dédée, comme tout le village, alla à l'enterrement derrière l'Eglise, sur le champ de foire, et se souvient avec émotion de tous ces cercueils alignés là... Mon Dieu que ça fait mal!

Récit de Andrée Bailly - Chollet de la Couarde - 24 ans en 1944.

Maison de René Fougerat Boulevard de la Marie

Haut du jardin de René Fougerat Boulevard de la Marie