2000 : Le chemin qui marche Chronique sur la Loire

Préface de Le chemin qui marche Chronique sur la Loire

Écrire sur la Loire, après tant d’autres : économiste, géographes, historiens, romanciers, peut paraître audacieux. Chanter en vers la Loire après Charles d’Orléans, La fontaine, Max Jacob, peut sembler intrépide… Il faut être Yves Fougerat pour l’oser. Pour s’embarquer dans une telle aventure et ne pas y sombrer !

Yves Fougerat n’est pas une « spécialiste » de la Loire, il en est un connaisseur. Il n’est pas un professionnel de la Loire, il en est un familier. C’est une identité qu’il proclame (d’un ton très calme, d’ailleurs !) dès le titre de ce livre lorsqu’il annonce au lecteur qu’il s’agit d’une « chronique », ni plus ni moins. Ce livre est le monument qu’un amoureux fidèle élève à une belle souvent infidèle, mais jamais indifférente : « la rivière de Loire » (comme on disait jadis) suivie de son cortège « d’autre fleuve descendant en icelle ».

Nonchalante mais indomptable, mesurée mais imprévisible, « fleuve de sable » quand elle n’est pas déluge d’eaux dévastatrice, « fleuve sauvage » de nos jours, mais pendant des siècle « chemin qui marche », aménagé, balisé, endigué par les hommes, inlassables constructeur de gués, de « pêcherie », de turcie, de levées, de quai, de cales et de perrés…

L’auteur a toujours vécu avec la Loire. Il est enfant de Neuvy-sur-Loire : un petit bourg rural qui se souvient d’un temps où il était un grand port d’embarquement pour les bois, les céramiques et poteries de la Puisaye. Il est le fils de Paul Fougerat, un érudit de grande valeur qui collecta une information considérable sur l’histoire du fleuve, de ses inondations, de son trafic et de ses « gens de rivière ». Yves Fougerat a hérité de ce père une vaste documentation qu’il a encore augmentée, au gré de ses propres curiosités. Il en a hérité aussi un regard à la fois indulgent et vigilant sur le fleuve royal. Sa vie professionnelle l’en a éloigné, mais pour lui faire prendre du recul, indispensable pour embrasser toute l’ampleur du panorama ligérien.

Ce livre est donc le fruit de nombreuses lectures. Il est cousu de citation et de pièces justificatives. Il est rempli de chiffres et de statistiques. Il est émaillé de superbes illustrations. Il couvre toute la Loire, de la source à l’estuaire, du mont Gerbier-des-Joncs à Saint-Nazaire. Il présente tous ses grands affluents de rive gauche et de rive droite et toutes les villes qu’elle arrose de son cours. Il présente aussi les ponts qui l’enjambent, et les canaux qui la doublent, la prolongent et la relient à d’autres systèmes navigables. Il trace son histoire depuis les temps celtiques jusqu’à la fin du XIXème siècle, quand meurt la marine de Loire. Il élargit souvent son propos en replaçant le bassin ligérien dans des ensembles plus vaste, dans l’espace global de la Gaule ou de la France.

Yves Fougerat ressuscite la vie de la Loire et des hommes qui l’on fait vivre et qui ont vécu par elle : pécheurs, passeurs, mariniers, voyageurs, voiturier par eau, marchands fréquentant la rivière, ingénieurs des ponts et chaussées, responsables territoriaux… il redonne voix à leurs discours passionnés et passionnants. Il ne les discute pas. Il n’est pas là pour polémiquer ou argumenter sur le rôle des péages ou les cause de l’ensablement. Ce serait trahir son propos d’écrire une chronique poétique. On lui en sera gré, un peu comme à Homère, d’avoir chanté la colère d’Achille, et de ne pas en avoir fait de la psychanalyse.

« A plaisir et à gré, » l’auteur. « A plaisir et à gré, » le lecteur.

François BILLACOIS,

Association Homme et Cours d’eau,

Association des amis du Musée de Loire de Cosne.