07 - Thomas Raymond

Raymond Thomas avait 23 ans et était « planqué » à la boucherie Coutre de Neuvy, n'ayant pas obéi à la réquisition pour le STO (Travail Obligatoire en Allemagne). C'est le frère de madame Coutre.

Ce 17 juillet, vers 11 heures, entendant un « ronronnement » d'avions qui semblait important et proche, il sortit sur le trottoir de la boucherie avec un autre ouvrier boucher, planqué là aussi. Ils aperçurent les avions presque au-dessus de boulevard de la Mairie (cette partie de la route Nationale était ainsi nommée) et venant de l'est, Annay- Arquian. Les avions brillaient dans le soleil et soudain Raymond vit étinceler des « Objets » qui tombaient... Le camarade de Raymond comprit le premier et cria « ils lâchent des bombes ! ». Quand le bruit des avions s'estompa dans le lointain vers le nord, Raymond, son camarade et tous les autres habitants de ce quartier épargné, purent voir un énorme nuage de poussière et de fumée qui s'élevait au-dessus du boulevard de la Mairie. L'instant de surprise passée, Raymond, son camarade et bien d'autres personnes, se dirigèrent au plus vite vers le boulevard. Arrivés à la route d'Annay, en face de l'usine Fougerat, ils purent voir une image hallucinante, un tableau d'apocalypse... En quelques minutes ce lâcher de bombes avait pulvérisé, nivelé, effondré des dizaines de maisons, l'école, la mairie et le garage Piat. Le pont ferroviaire était endommagé et l'on pouvait voir que la rue du Port avait aussi beaucoup souffert. La RN 7 était couverte des débris des bâtiments soufflés, mais ne semblait pas avoir reçu directement des bombes.

Après quelques minutes d'affolement, les secours s'organisèrent. On sortit les premiers morts et les premiers blessés que l'on conduisit à la Halle ou Marché Couvert situé rue de l'Eglise. Les brancardiers d'occasion se servirent pour ce transport, de volets et de portes trouvés sur place dans les ruines.

La phase suivante était de mener ces blessés à l'hôpital de Cosne. C'était la guerre, il y avait peu d'autos, beaucoup avaient été réquisitionnées et il ne restait que des véhicules utilitaires. De plus, certains blessés ne pouvaient être transportés qu'allongés. De ce fait, la camionnette grise Renault 8 chevaux (elle carburait à l'alcool de bois de Prémery) du boucher Coutre, se trouva la plus pratique pour ce travail. C'était Raymond Thomas qui s'en servait régulièrement et après l'avoir nettoyée et dotée d'une bonne couche de paille, il partit avec deux blessés allongés à l'arrière et un assis à coté de lui, devant.

Pour gagner Cosne, il fallait emprunter la route de St Amand, traverser au Gué de Chariot et prendre la route en direction de la Celle par les bois, ceci à cause de la détérioration de la RN 7 à la hauteur de la gare, lors du mitraillage du train. Jusque tard dans la nuit, Raymond transporta des blessés à Cosne où les docteurs et chirurgiens étaient très occupés.

Parmi des faits marquants, voici celui de Monsieur Joué dont l'épouse tenait la mercerie. Parti à la pêche dans la Vrille à quelques dizaines de mètres de chez lui, aux premières explosions et voyant les avions venir vers le fleuve, il crut bon pour se protéger de prendre à bras le corps un gros peuplier. Or, fatalité, c'est un éclat qui vint lui sectionner un bras, presque complètement car il ne tenait plus que par un peu de peau et muscle ... A l'hôpital de Cosne, Monsieur Joué attendait patiemment dans un couloir, le bras pendant lamentablement. A son beau-frère qui voulait intervenir pour que l'on s'occupe de lui au plus vite, il répondit « Que l'on s'occupe d'abord de ces pauvres enfants blessés ».

Récit de Raymond Thomas boucher chez Coutre à Neuvy 23 ans en1944

Boulevard de la Mairie en direction du Pont