17 - Guy Pasquette

Guy avait 14 ans en juillet 1944. Il a dans sa mémoire des souvenirs, des images bien marquées. Et aussi, bien entendu, du flou, dans les dates, les heures, les trois bombardements que lui et sa famille ont vécus dans leur ferme de Marvy, sur la hauteur dominant le bourg, à environ un kilomètre de ce dernier.

En cette matinée, Guy était occupé à biner des pommes de terre dans un champ proche de la ferme. Il faisait très beau et Henri son frère, Bernadette et Madeleine ses sœurs, plus jeunes, jouaient un peu sous sa garde. Vers 11 heures, venant de loin, le bourdonnement, ronronnement caractéristique des bombardiers, fit lever la tête de Guy et des enfants. Ces beaux oiseaux étaient relativement bas et c’est toujours intéressant à regarder. En escadrilles bien ordonnées, ils survolaient la vallée de la Vrille et arrivaient au-dessus de Neuvy, quand Guy vit l’un d’eux (le leader) lâcher une fusée. (Il ne sait la couleur, certains l’ont vue blanche et d’autres rouge.) Puis, dans les secondes suivantes, avant de voir ces objets brillants sortir des avions, le garçon entendit des sifflements impressionnants et inquiétants. A ce moment, Guy réalisa que c’était un bombardement, comme il en entendait parler par les grandes personnes. C’était incroyable sur Neuvy. Il m’explique : « Quand j’ai compris, je me suis jeté dans les rayons de pommes de terre et je n’ai pas eu besoin d’appeler Henri et les filles, car d’instinct, épouvantés, ils sont venus se blottir autour de moi. Nous ne regardions pas tellement c’était effrayant. Je ne sais combien cela a duré… Le calme est revenu, les avions partis, nous avons relevé la tête et nous avons vu que c’était inimaginable, je dirai presque grandiose, s’il n’y avait pas eu tant d’êtres humains massacrés dessous cet immense nuage gris-noir. Il s’élevait lentement, puis stagna avant de se dissiper poussé par un léger vent. Je suis incapable de dire combien cela dura. Pourtant, c’est vrai que nous avions une place privilégiée pour regarder ce spectacle… Des ouvriers travaillaient dans un champ voisin, nous les avons rejoints. A ce moment-là, j’ai vu un fait qui est marqué dans mon esprit : Un cheval harnaché est arrivé et passé pas loin de nous ; il venait du bourg, il était fou, galopait d’une façon insensée à travers champs. Je n’ai pas su s’il avait eu une carriole ou autre matériel attelé… Puis notre père est revenu en vélo, venant de Faverelles par la route d’Annay. Il était revenu à toute allure… Il nous a fait rentrer à la maison, puis est reparti à vélo, voir au bourg et aider… »

A partir de là, c’est un peu flou. Guy pense que les chasseurs sont arrivés peu de temps après. Il revoit quelques uns qui venaient tourner au ras des toits de la ferme, déchirant l’air avant de repartir pour un passage de mitraillage sur le train en gare. Les longues rafales s’entendaient bien, la gare se trouvant juste sous le bois de Réaux, à presque un kilomètre. Guy pense que leur mère les a entraînés à la cave. D’après lui, cette opération sur la gare a duré une vingtaine de minutes.

Sitôt après, en mettant le nez dehors, la famille Pasquette a vu arriver les Allemands qui voyant surgir les chasseurs, s’étaient jetés dans le bois pour fuir les rafales de mitrailleuse. Ce qui est net dans sa mémoire, c’est que les Allemands leur ont interdit de sortir de la maison. Il ne sait pas pourquoi. Puis, l’inquiétude de leur mère et d’eux-mêmes pour le père qui se trouvait dans Neuvy. Ils ne savaient pas l’étendue du désastre et ne savaient pas que les chasseurs anglais ne s’étaient attaqués qu’au train en gare.

Guy ne se souvient pas bien quand son père rentra, mais toujours est-il que les survivants n’ayant plus aucuns biens, vinrent chercher refuge à la ferme où heureusement il y avait beaucoup de bâtiments. Comme c’était l’été, ce fut assez facile. Il se rappelle qu’il y eu jusqu’à soixante personnes à un certain moment. Il y eut, également à la ferme, un dépôt de vivres, vêtements et différents biens nécessaires d’urgence. Guy croit que c’était le Secours Populaire qui avait fourni tout ça.

Son père et les ouvriers allèrent au déblaiement et secours. Il a en mémoire, son père parlant le lendemain, de la petite Fougerat qui avait été sortie vivante des décombres de leur maison. Il était sur les lieux avec bien d’autres personnes, espérant un miracle pour cette famille très touchée par la mort de trois enfants, du cousin et de Marie Louise Girard.

Le 2 Août 16 heures 45, Guy était dans la maison avec sa mère, ses sœurs et Henri. Ils n’ont rien vu venir, ont surtout entendu les premières explosions sur la Couarde et Gardefort. A nouveau, tous sont partis dans la cave, une bonne cave voûtée qui inspirait confiance. Des bombes sont tombées proches de Marvy. Tout a tremblé. Plus tard il faudra faire cercler certains bâtiments de la ferme. Après ce bombardement ce fut à nouveau, à Marvy, un refuge pour les sinistrés et un centre de Secours Populaire.

Le 7 Août, vers 14 heures, la famille Pasquette finissait le repas lorsque les avions sont encore revenus sur les ruines…Neuvy était évacué, mais pas Marvy. Encore à la cave, vite fait. L’angoisse et les questions… Mais pourquoi cet acharnement ?

Récit de Guy Pasquette 14 ans en 1944 Ferme de Marvy

Les arbres derrières la maison Jacques Boulevard de la Mairie

Béatrix Jacques dans un trou de bombe.