Maurice Benoist

Ces notes sont extraites du carnet de guerre 1939-1940 de Maurice Benoist.

Appartenant à son fils Christian Benoist de Neuvy sur Loire.

Maurice Benoist

Né le 08 Juillet 1915 à Sens Yonne. Décédé 27 Mai 2007

Chevalier de l’Ordre National du Mérite à titre militaire

Croix de guerre 1939-1945 : 2 citations

Croix du Combattant

Chevalier de l’Ordre du Mérite Social

Médaille d’Honneur de la Police Nationale

Médaille des Anciens Combattants de la Préfecture de la Police de Paris

Sergent le 16 Novembre 1939.

Carnet de guerre 1939-1940 au jour le jour du 23 Août 1939 au 1er Août 1940

3 Septembre 1939 Déclaration de la guerre par la France et l’Angleterre contre l’Allemagne.

Dimanche 3 Septembre 1939. Nous sommes à Bissert depuis le 23 Août. Nous logeons dans une grange et attendons tranquillement ce qui va se passer. La nièce de notre logeuse Melle Thérèse est très gentille pour nous et nous relève le moral. Presque chaque jour elle nous apporte un peu de dessert. Soudain l’Allemagne attaque la Pologne. Mon dernier espoir s’envole……et c’est la mobilisation générale. Cela date du 2 Septembre.

Le 3. La section est de garde à la DCA de Bissert et il pleut.

Lundi 4 Septembre. Le matin nous allons reconnaître nos emplacements, les mêmes que ceux de l’année dernière.

Mardi 5 Septembre. Nous attendons toujours dans la fièvre. Les cafés ne sont plus ravitaillés. Je suis de jour. Le soir après la soupe, je reçois un ordre, de faire préparer la compagnie car nous partons dans la nuit. J’ai bien du mal à tout rassembler. Enfin à 10 h tout est près. Le sac est très lourd. Melle Thérèse vient nous embrasser avant le départ et nous souhaiter bonne chance. La voisine, une très brave personne donc le mari est à la DAT, à Wissenbourg, nous paye la mirabelle et elle pleure. Enfin nous partons, il est environ 22 h, sous la pluie. Marche des plus pénibles d’environ 30 kms. Les hommes réclament la pose.

Mercredi 6 Septembre. Nous arrivons à Westwiller, vers 5 h du matin. Nous couchons très mal dans une grange. Nous nous levons vers 10 h. Je suis toujours de jour. Pendant que je tiens mon service dans la grange du pays évacué, tue poulets et lapins et faisons bonne chère. Le soir nous tuons un porcelet. La nuit nous couchons dans un lit.

Jeudi 7 Septembre. Nous continuons à nous approvisionner en victuailles. L’après-midi, je pars en reconnaissance, dans le bois d’Ipluig, voir les emplacements. Nous rentrons pour la soupe du soir et préparatifs de départ pour demain, qui a lieu à 3 h. le lendemain.

Vendredi 8 Septembre. Réveil à 2 h. Nous gagnons les emplacements reconnus la veille dans le bois. Arrivons à 5 h. A peine arrivés nous entendons quelques coups de feu, c’est une patrouille allemande, faite en partie prisonnière par le 168 R.J. Nous passons toute la journée et toute la nuit dans le bois, creusons nos trous individuels. Le soir nous apprenons que le lendemain matin nous attaquons.

Je touche grenade OF-F1 et Vib. Je reçois des ordres et je les transmets. Sur tous les visages je lis une certaine appréhension que j’éprouve moi-même, car d’après les ordres reçus le coup sera dur. De quoi demain sera-t-il fait ? Je mets mes papiers en ordre et donne les conseils que j’ai reçu moi-même, à tous : « Du Courage- de l’Attention. Espoir ».

Samedi 9 Septembre. Le réveil à 2 h. à 2 h.30 nous partons. Nous traversons une petite rivière, puis nous longeons la ligne de chemin de fer. Nous stationnons environ 2 h, entendons quelques coups de canons et le pont de Sarreguemines qui saute. Nous repartons, traversons la ligne et stationnons avant d’entrer à Welferduig. Le génie n’ayant pas encore fini le pont, nous traversons la Sarre sur des « sacs à Ber ». Là nous sommes en Allemagne, attention aux mines. 2 soldats du Génie ont déjà sautés. Progressons sans incidents jusqu’à 15 h. environ. Un avion Taube tombe en flammes. Nous nous arrêtons dans un verger, aussitôt les balles sifflent à nos oreilles, je fais déporter vers la gauche, j’ai peine à faire marcher Aulnette qui n’en peut plus. Enfin nous repartons et prenons Kleinhidersdorf presque d’assaut, les balles sifflent venant des hauteurs. Je suis à l’arrière de la section, donne ordre d’entrer dans les maisons, les portes sont enfoncées. FM en batterie, je pars reconnaître où en est la section. Je fais se rejoindre le groupe, 2 hommes manquent à l’appel, où sont-ils, ils nous rejoindrons un peu plus tard. Je dois arracher Perdriolle qui est tombé à genoux sur la route et qui reste hébété……En fin nous pouvons respirer….. Tout s’est bien passé et nous sommes tous vivants. Après le service du guet organisé nous pouvons un peu dormir sur des matelas. La nuit se passe sans incidents.

Dimanche 10 Septembre. Au réveil le 5ième groupe est désigné pour aller faire une patrouille dans les bois au-dessus du village. S’assurer par qui le bois est occupé et reprendre les liaisons avec le 170 et le 11 ième BCP (Bataillon chasseurs à Pieds). L’adjudant-chef Detaille vient avec nous. En plein bois, d’une Chapelle 3 Fritz décampent armés d’une mitraillette. L’Adjudant-chef tire deux coups de pistolet, nous ne les retrouvons pas. Nous apprendrons ensuite qu’ils se sont rendus au 170 RJ. Nous remplissons notre mission. Notre patrouille a duré 3 h 30. Nous revenons vers la Chapelle. Nous mangeons ce qu’une corvée a apporté. L’artillerie française se met en action, tire sans arrêt pendant plus d’une heure. Le 170 RJ attaque, nous nous apprêtons à aller à son secours, mais l’artillerie a fait le travail ; nous redescendons à la lisière du village. Là nous assistons à la chute de nos 2 avions de reconnaissance mitraillés par les avions allemands. Ils tombent en flammes. Ensuite nous remontons dans un bois de sapins, là nous nous installons. Il fait nuit depuis près d’une heure, quand vient l’ordre de redescendre au village, pour nous reposer une nuit. Nous allons coucher dans la même maison.

Lundi 11 Septembre. Le matin nous changeons de maison, nous allons au Presbytère situé en face. Là, nous faisons un copieux repas bien arrosé, car vins et liqueurs ne manquent pas dans la cave. Le soir nous changeons de maison, nous allons un peu plus haut ayant mission de protéger un canon de 25. Nous nous installons dans une petite villa. Un phono nous occupe particulièrement.

Dulac dans la matinée s’était gravement blessé au cou, une vitre lui étant tombée dessus, je n’ai eu que le temps de le conduire à l’infirmerie du 16 ième

Mardi 12 Septembre. Nous nous apprêtons à faire cuire 3 poulets quand l’ordre vient de se porter en avant. Nous attendons longtemps dans un verger pendant qu’une partie de la compagnie se porte en avant. Elle se fait repérer par les Fritz qui bombardent. Nous restons dans une maison jusqu’au soir. Service de guet assuré. Après la soupe du soir nous montons à la tuilerie. Nous couchons à la belle étoile, sur des rochers, sous la pluie. « Dure nuit ».

Mercredi 13 Septembre. Au lever du jour nous allons nous réfugier dans le vestiaire de la tuilerie. Vers 10 h. je pars en reconnaissance, installation en lisière du bois. Nous avons des trous que nous achevons d’emménager. Recouverts par des wagonnets nous avons beaucoup de peine, mais enfin nous serons bien. La nuit est calme, à part le canon qui tonne sans arrêt.

Jeudi 14 Septembre. Nous continuons l’aménagement de la position et posons des barbelés. Je suis obligé de faire rentrer, car des obus fusants nous tombent dessus. La nuit est assez calme, sauf le bombardement qui s’est rapproché.

Vendredi 15 Septembre. Ce matin nous posons quelques barbelés. Le soir vers 5 h nous recevons l’ordre de nous porter en avant. Je pars reconnaître la position qui se trouve en rase campagne, position à peine organisée, boyaux étroits et peu profonds, quelques niches. Nous aurons du travail pour l’organiser. A 17 h le groupe est en place. L’eau se met à tomber sans arrêt. Triste et dure nuit. Je dors assis dans la tranchée, sur ma tête j’ai fait un toit composé de ma toile de tente est de quelques brassées de feuilles de pommes de terre. Vers 1 h du matin, je me réveille, je baigne dans environ 20 à 25 centimètres d’eau. Je me lève et attends tristement le jour

Samedi 16 Septembre. Dés l’apparition de l’aube il faut commencer les travaux. Une corvée part chercher les barbelés. Je dois refaire entièrement l’emplacement du FM, Gallard et Martignat travaillent dur dans la matinée, il est entièrement recouvert par une porte et une tôle ondulée. Enfin cette nuit nous dormirons à l’abri. La pluie tombe toujours.

Dimanche 17 Septembre. Nous continuons l’aménagement des trous et tranchées. Je fais recouvrir l’emplacement du FM de rondins. Gallard et Martignat ont rapporté de Kleinbidersdorf, couvre-pied, édredons, oreillers, couvertures. Nous serons à peu près bien.

Lundi 18 Septembre. Ce matin corvée pour aller chercher des barbelés. Piquetage du réseau, aménagement des tranchées

Mardi 19 Septembre.Tous les matins et soirs, duels d’artillerie allemande et française. Supériorité de l’artillerie française. Corvée en pleine nuit pour le 8 ième BCP qui est en avant-poste.

Mercredi 20 Septembre. Pose des barbelés. Gallard tue un faisan.Le soir le 8 ième est relevé par le 16 ième.

Jeudi 21 Septembre. Continuons les travaux. Secteur calme nous sommes habitués.

Vendredi 22 Septembre. L’artillerie française donne à plein. 1ère compagnie du 16 bataillon attaque. Le soir corvée de ravitaillement pour le 16 ième

Samedi 23 Septembre. Ordre de hâter les travaux car on craint une contre attaque. Toute la journée on creuse activement. Le soir les allemands allongent le tir, les obus ne tombent plus qu’à 150 où 200 mètres.

Dimanche 24 Septembre. Nous recevons l’ordre de nous préparer pour un mouvement. Le soir pour 8 h. nous démarrons pour Welferding, pour un repos de quelques jours. Nous arrivons vers 22 h. Le pays est naturellement évacué. Je partage la chambre principale avec Gallard.

Lundi 25 Septembre. Nous avons les travaux de propreté. Enfin je peux me laver convenablement. J’en avais bien besoin. Gallard et Fiau tuent un bouc, et ma foi c’est très bon

Mardi 26 Septembre. Continuation des travaux de propreté. Le Capitaine de Werguette inspecte le cantonnement. Nous avons un phonographe avec des disques français, cela nous fait passer le temps.

Mercredi 27 Septembre. A midi nous sommes de garde aux issues. La nuit se passe bien. Relève par Kempf.

Jeudi 28 Septembre. Travaux de propreté après la garde. Nous sommes tranquilles.

Vendredi 29 Septembre. Nous sommes toujours à peu près tranquilles. L’après- midi piquetage d’un nouveau modèle de tranchées. Au retour, Gallard et Rocciua nous ramènent de Sarreguemines un tonneau de bière, et le soir Guignard avec Gallard rapportent un joli poste de TSF qui nous fera passer de bons moments et oublier la triste vie que nous menons. Enfin nous pourrons avoir quelques nouvelles.

Samedi 30 Septembre. Reconnaissance. Creusons les emplacements d’alerte. Le groupe Kempf nous donne un rôti de porc que Gallard nous fait cuire d’une façon exquise A midi nous dégustons pas mal de bière avec l’Adjudant-chef. Ordre de monter en 1 ère ligne le lendemain soir.

Dimanche 1er Octobre 1939. Le matin je vais à la messe avec Guignard, au retour nous apprenons la nouvelle : « nous restons à Welferding ». Le soir nous invitons l’Adjudant-chef à venir dîner avec nous.

Lundi 2 Octobre. Nous continuons notre petite vie tranquille. Nous avons récupéré quelques bouteilles de vin, dont une de Champagne. Mais le soir nous recevons l’ordre de nous poster à nos emplacements d’alerte. Mon groupe est établi moitié sur le bord de la Sarre, moitié sur une crête. Il pleut toute la nuit, et il fait froid. J’assure le service de guet. Mauvaise et dure nuit. Je vois le jour poindre avec grand plaisir.

Mardi 3 Octobre. Nous restons toute la journée sur nos emplacements. Il fait toujours froid. Nous devons partir le soir à 19 h. Mais à 19h nous sommes toujours là, et le soir à 22 h nous partons, mais malheureusement pas pour le grand repos. Nous allons à Raufhing à 4 kms de là. Nous sommes mal logés.

Mercredi 4 Octobre. Le matin nous creusons des tranchées-abris. Vers midi nous apprenons que nous allons relever une compagnie de tirailleurs aux AP. Nous partons vers 3 h du matin. Nous avons environ 12 kms à faire. La marche est très dure car nous sommes très chargés. La relève se fait très difficilement car il fait très noir et dans le bois on se perd. La position est abandonnée, les tirailleurs n’ayant pas tenu. J’ai beaucoup de peine à installer le groupe, enfin après avoir donné des missions aussi précises que possible, avec Guignard je prends le service de guet. Nous tirons quelques cartouches. Je partage un bel abri avec Guignard.

Jeudi 5 Octobre. Au petit jour je commence à m’orienter, nous recevons des missions plus précises et nous pouvons nous organiser un peu. Nous devons aménager les tranchées qui ne le sont pas suffisamment. Ensuite nous nous reposons un peu. Toute la nuit nous tirons, des allemands viennent jusque dans les barbelés, des grenades éclatent autour de moi, me recouvrant de terre. La nuit malgré tout se passe bien.

Vendredi 5 Octobre.Ne pouvant dormir de nuit, le jour nous nous reposons autant que nous pouvons. La section Waffard qui se trouve à notre droite passe en réserve. Nous devons changer notre dispositif et occuper la place de 2 groupes. Je dois couper mon groupe en 2 avec le nouveau dispositif. Chaque homme doit rester à son poste toute la nuit. Moi-même, je passe la nuit entière en faisant des rondes. Nous apercevons une patrouille dans nos barbelés, ils ont vraiment du culot. Nous tirons une bonne partie de la nuit.

Samedi 7 Octobre. Au matin vers 5 h. je fais se reposer une partie du groupe. Guignard souffrant, est très fatigué, je le laisse dormir toute la journée. Maintenant je me suis aménagé un petit abri pour moi seul près de FM. Vers 6 h.30 les Fritz montrent une certaine activité, la nuit est très orageuse, puis il pleut. La section Rogez tire toute la nuit sans arrêt. Je passe encore une partie de la nuit debout, seulement vers 3 h. je me couche un peu.

Dimanche 8 Octobre Ce matin, je monte réparer avec 2 hommes les brèches faites dans la nuit par les ennemis. Je veille encore une partie de la nuit. De part et d’autre nous tirons et lançons des grenades, j’en reçois encore plusieurs autour de moi. Trois mitraillettes tirent sur mon emplacement de FM à balles traçantes ce qui leur permet de rectifier le tir. Dans la nuit les 75 se mettent à tirer, mais trop court, si bien que les coups tombent auprès de nous, les « minen » (Obus allemand) donnent également à plein. C’est la première fois que cela tire tant. Nous craignons une contre-attaque pour le matin. Dure nuit. Je dois tirer presque sans arrêt des fusées pour voir un peu tant il fait nuit, et il pleut sans arrêt. Enfin le jour vient tout de même.

Lundi 9 Octobre. Le matin nous voyons le lieutenant Barbier de la 2ième Cie (cela sent la relève). La nuit est encore assez dure, lancement intense de minen. Il pleut toute la nuit. Je me couche vers environ 2 h. du matin. Les tranchées sont pleines d’eau. Il pleut même un peu dans mon abri

Mardi 10 Octobre. Je me lève vers 6 h. et à 8 h. nous voyons la section relevante arriver. Après le passage des consignes, nous prenons le chemin du repli. A Spichern nous mettons nos sacs dans la camionnette. Nous passons à Metzig, là nous tuons un petit cochon que nous chargeons sur une petite voiturette à 4 roues. Puis nous continuons, c’est Korbach et Kadenbraun, où nous logeons dans une grange. Après une installation sommaire mon premier soin est de faire un peu de toilette. J’en ai bien besoin. En cherchant je trouve une maison inoccupée. Nous nous y installons et pouvons dormir sur des matelas. La nuit est excellente.

Mercredi 11 Octobre. Nous nettoyons. Gallard fait cuire notre porc, nous mangeons de bons jambonneaux

Jeudi 12 Octobre. Je vais reconnaître avec l’Adjudant-chef, nos emplacements de combat. Toute l’après-midi, travaux.

Vendredi 13 Octobre.Toute la journée nous partons faire des travaux, fossés anti-chars.Le soir je suis de garde à nos emplacements d’alerte. Il pleut toute la nuit, heureusement j’ai trouvé un bon abri, tout le monde peut y tenir.

Samedi 14 Octobre. Toujours le même travail. Gallard nous tue un gros lièvre. L’Adj-chef vient le manger avec nous.

Dimanche 15 Octobre. Triste dimanche. Nous travaillons toute la journée aux fossés anti-chars. Il pleut toute la journée.

Lundi 16 Octobre. A 1 h. du matin il y a alerte Nous partons immédiatement à nos postes de combats qui se trouvent à 3 kms de là…Nous y travaillons tout le reste de la nuit et toute la journée. Vers 18 h. nous apprenons que nous sommes relevés par le 18ième Chasseur à cheval. A 20 h.30 nous sommes relevés, après le passage des consignes nous retournons à Cadenbraun, puis nous repartons vers 1 h.

Mercredi 18 Octobre. Nous avons réveil à 2 h. du matin, nous partons à 3 h. Nous passons à Ballering, à Holnig, à Sternbach et Uberkrieger, où nous stationnons. Là nous logeons dans des écuries à porc. Le soir nous repartons à 15 h. Nous passons à Koppelkrieger, Massenburg où nous voyons les premiers civils depuis 45 jours, Wittersburg, Maastricht, où nous logeons dans une belle grange, nous y sommes très bien acceuillis par le propriétaire Mr. Staub.Il ne parle pas français, mais heureusement nous avons un interprète en la personne de son enfant Jojo, un gentil petit garçon de 12 ans, belle et brave famille de 5 enfants. Kauskirsch est un petit village qui ne possède qu’un petit café, 1 épicerie et une beurrerie, mais il n’y a presque rien. Le réapprovisionnement se fait très mal. A coté de nous, des soldats du génie sont très chics avec nous. Je trouve parmi eux, plusieurs de la banlieue, un de Villemomble, Mr. Sost, ils ont la radio. Nous allons écouter les informations de temps en temps.

Jeudi 19 Octobre.Toute la journée, nous avons des travaux de propreté. Le soir j’essaye d’aller au café avec Guignard, mais il faut attendre 1 h. avant d’être servi.

Vendredi 20 Octobre. Il pleut toujours, et nous restons dans la grange. Nous installons la lumière. Guignard trouve un litre d’eau de vie à acheter, il est le bienvenu.

Samedi 21 Octobre. Nous commençons à creuser des abris et emplacements circulaires pour la DCA

Dimanche 22 Octobre.Le matin, je vais à la messe de 7 h. mais ne peut communier. Le soir avec Guignard, Gallard, Racieva, nous allons à Bussert distant d’environ 4 km. Gallard achète un litre de Byrrh. Nous sommes très bien reçus par la vielle femme voisine de Thérèse. Elle nous fait une omelette. Le soir nous rentrons vers 7 h.

Lundi 23 Octobre. Nous allons aux travaux toute la journée.

Mardi 24 Octobre. Nous prenons la garde au P.C le matin à 8 h. Il pleut toute la journée.

Mercredi 25 Octobre. Nous sommes relevés de garde à 8 h. par le Génie. On nous lit au rapport les premières éphémérides du bataillon de cette guerre : « Nous avons gagné la bataille de St. Arnual ». Le soir nous avons repos.

Jeudi 26 Octobre. Nous continuons les travaux, il fait toujours mauvais temps. Le soir douche à Witersbourg. Je reste pour assurer la DCA. Vers 3 h.30 on vient me chercher pour aller à Witersbourg avec Gallard.

Vendredi 27 Octobre. Gallard, l’adjudant-chef et moi-même pour la section allons à St. Jean de Rorbach pour être présentés au Duc de Windsor qui visite le secteur, nous sommes présentés dans ces termes : « ils ont vaillamment combattu dés les premiers jours ». Nous rentrons pour midi, puis nous continuons les travaux.

Samedi 28 Octobre. Le matin il tombe de la neige. Continuons les travaux Le soir avec Guignard, nous allons jouer aux cartes avec ceux du Génie. J’apprends à jouer au 31 et au Barbu.

Dimanche 29 Octobre. Le matin je vais à la Messe de 7 h. et communie. J’en suis bien content. Après je vais tranquillement écrire chez notre logeuse. Tout le groupe est parti en ballade. Le soir je vais jouer et écouter les informations à la radio.

Lundi 30 Octobre. Nous allons aux travaux toute la journée. Le soir avec Guignard nous allons jouer aux cartes

Mardi 31 Octobre. Travaux toute la journée. Le soir je vais jouer aux cartes.

Mercredi 1er Novembre 1939.Aujourd’hui Fête de la Toussaint. Le matin je vais à la messe de 7 h. et je communie. L’après-midi j’écris. Le midi notre logeur nous donne 2 assiettes de crème, il nous a déjà donné 2 tartes. Le soir je vais avec Guignard vers ceux du génie, ils font des crêpes et nous en mangeons.

Jeudi 2 Novembre .Fête des Morts. Je vais à la messe de 9 h. L’après-midi manœuvre de la Compagnie. Je suis de garde à la D.C.A. Il pleut toute la journée, je suis trempé.

De Novembre 1939 à fin Avril 1940, les jours sont tous semblables

Vendredi 3 Mai. Je vais faire signer ma Permission à Noisy le Sec.

Lundi 20 Mai .Nous embarquons à 1h 30. Départ du train à 2 h30. Voyage des plus pénibles. 40 hommes par wagon à bestiaux.

Mardi 21 Mai nous ne faisons que 12 kms dans la journée, cela provient des voies, coupées et convois bombardés, plus de 50 trains se suivent.

Mercredi 22 Mai, nous nous arrêtons quelques minutes à Bobigny vers minuit. J’ai le cœur bien gros, être si près de ma petite Denise et ne pouvoir aller la voir. Arrêt ensuite à minuit ½ à 4 h au Bourget. Là encore j’ai bien du mal à résister au désir d’aller voir ma chérie, mais malheureusement je suis de garde de police et ne puis quitter mon poste, le Devoir est bien dur quelques fois à accomplir.

Jeudi 23 Mai. Aussi je ne me lève qu’à 9 h. Nous allons tous prendre à 11h l’apéritif au café qui a réouvert. 11 h.30 Soupe et à 12 h 30 départ. Marche des plus pénibles pendant la chaleur. Traversons une grande partie de la forêt de Compiègne. Arrêt à 6 h près du carrefour de l’armistice pour manger la soupe. A 7 h. nous repartons pour arriver à Rethondes, toujours dans l’Oise à minuit 30.

Vendredi 24 Mai. Après une installation des plus sommaires dans un grenier, sans paille même pour coucher. Tout le groupe prend la garde au pont sur l’Aisne jusqu’à 4 h. (Vic sur Aisne)

Après 3 jours de chemin de fer nous débarquons à Verberie dans l’Oise, gentil petit village, presque entièrement évacué, seuls quelques habitants sont restés, village, hélas, affreusement bombardé. C’est la première fois que je vois un tel spectacle. Dans un pré, une vache est éventrée, plus loin un cheval sur la route, horreurs de la guerre. A 11h.1/2, installation dans les maisons du village. Première chose que je fais, me laver, car j’en ai bien besoin, ensuite nous chercher à manger, trouvons des pommes de terre, 2 jambonneaux que Dulac nous fait cuire, heureusement, car le ravitaillement n’arrive qu’a 15 h.

Le soir au moment de la soupe, le propriétaire de la maison arrive avec quelques autres habitants, il y avait aussi une vieille Grand-mère de 92 ans, mais encore gaie et alerte, elle trinque avec nous et va coucher chez ses voisins pour nous laisser son lit. Quelle bonne nuit alors je passe, après 3 nuits sans sommeil.

Samedi 25 Mai. Aussi le lendemain je dors jusqu’à 9 h. A 10 h. nous nous installons dans une maison voisine, mais malheureusement le soir à 7 h alors que je pensais passer une bonne nuit, il faut remettre sac au dos, toute la section, allons cantonner dans la forêt. Nous arrivons à 8 h.30 et avons juste le temps de monter la tente pour échapper à un orage épouvantable, pluie, vent, tonnerre, malgré cela je dors bien tant la fatigue est grande.

Dimanche 26 Mai. À 8 h réveil, il faut repartir pour retourner à Rethondes, mais là nous nous installons dans une ferme à l’entrée du village, près du pont et en bordure de l’Aisne. Mission de garder le pont et la rivière. Nous sommes le dimanche 26 Mai 1940, bien triste Dimanche, occupés par le travail, coupés de nombreuses alertes aux avions.

27 Mai Nous logeons dans la cave de la ferme, les pièces de la maison étant occupées par le Génie. Toute la journée et la nuit garde du Pont. Après-midi nous faisons une barrière antichar.

28 Mai. De 4 h. à7 h. du matin, garde. A 7 h. transport du matériel à la ferme, barbelés, piquets, réseaux, et nous commençons la pose du réseau autour de la ferme. Touchant nos aliments crus, nous allons chercher un poêle et Dulac nous fait un bon petit repas. Le soir étant de garde j’apprends que le roi de Belgique a abdiqué.

29 Mai. Continuons les travaux en alternant avec la garde.

30 Mai. Même vie, mais fatigante, manquons de sommeil. Du 30 au 7 juin, même vie, garde, travaux consistant en tranchées, pose de barbelés.

7 au 10 juin tenons les positions à Rethondes, le 8 le pont saute, nuit et jour nous veillons l’ennemi progressant rapidement en notre direction. Ils attaquent le 10.

8 nous touchons des vivres de réserve pour plusieurs jours car la position peut être encerclée et il faut résister coûte que coûte

10 juin. A 4 h. ordre de repli la situation étant devenue critique. Les divisions de droite et gauche n’ayant pas tenu, nous sommes presque encerclés. L’ennemi a traversé l’Aisne en plusieurs endroits. A 8 h. le soir nous commençons à nous replier. Repli de plus de 55 kms. Nous marchons toute la nuit sans arrêt, n’ayant plus qu’une ouverture de 4 kms pour passer, il faut faire vite. Bombardés en cours de route nous arrivons dans un bois à 10 h. du matin.

11 Juin. A 11 h. nous repartons pour arriver dans l’après-midi et prendre immédiatement position à Ormoy-Villers (prés de Crépy en Valois) Il y a à peine quelques heures que nous sommes là, que les allemands attaquent violemment. Nuit des plus dures. Cantonnement bombardé.

12 juin au matin, attaque repoussée, à 11 h. bombardement, Garrigue est blessé à mes côtés. Après-midi le bombardement continue, successivement Volette, Collin, François, Issiez sont blessés. A 7 h. l’ordre de repli arrive, il commence à 10 h.

13 Juin. Après une marche des plus pénibles, environ 50 kms. Nous arrivons prés d’Esbly que nous traversons pour nous reposer quelques heures dans une ferme. Nous sommes le 13. A 1 h. du matin nous prenons position au bord de la Marne pour en partir à 5 h. Nous marchons encore toute la journée. Repos dans un bois, de quelques heures. Etape en camion qui nous emmène à La Chapelle la Reine prés de Fontainebleau ou nous embarquons en chemin de fer. Nous voyageons environ une journée et demie.

17 Juin. Après une étape à pied nous cantonnons dans un bois prés de Tigy, Loiret, village affreusement bombardé, beaucoup de civils tués. Vivien prend le commandement de Margis (Maréchal de Logis) alors que je passe Sous Off-Adjoint. Le matin des camionnettes nos emmènent à Sully sur Loire, Loiret. Prenons position le long de la Loire qui a environ 300 m. de large. Nous nous installons dans une position sommaire. Trous individuels, nuit relativement calme

18 Juin. Vers 2 h. le bombardement commence. Les allemands progressent rapidement. Bombardements des plus intenses. A 8 h. du soir, l’ordre de repli arrive. Repli des plus épouvantables sous un bombardement intense. La maison s’écroule sur nous. Raccusa tombe au côté de l’Adjudant-chef et à mes côtés, tué net. Vivien est blessé au PC du bataillon. Nous marchons encore toute la nuit et la matinée.

19 Juin. Arrivons vers midi dans un bois prés de Nouant le Fuzelier, Loir et Cher. Nous en partons le soir pour arriver à St. Loup, Cher. Embarquer en camion pour Buzançais

20 Juin. Repos d’une nuit. Etape de 20 kms. Embarquement pour Adries Vienne.

21 Juin. Départ. Etape de 20 kms. Cantonnement dans une ferme.

24 Juin. Embarqués dans un camion, arrivée le 25 à 1 h. du matin à Reims prés Alyac, Dordogne.

25 Juin. Apprenons à Adries que l’Armistice est signé.

C’est en venant à Reims que nous apprenons que tout est fini avec l’Allemagne. L’Armistice étant signé avec l’Italie.

Campagne de France du 10 Mai au 25 Juin 1940.