15 - Colette Jacq

En juillet 1944, je suis arrivée à Chante Reine chez mon oncle et ma tante Migeon avec mes parents Raoul et Renée après le premier bombardement, pensant être plus en sécurité à quelques kilomètres de Neuvy.

Le jour du 2 Août 1944, mes parents sont allés au village pour protéger leur commerce, car ils avaient peur d’éventuels pillages. J’avais 10 ans, je m’amusais dans la cour de la petite ferme qui s’appelle Chante Reine, sur la route d’Annay, après le Coudray. Ma tante Isabelle s’activait aux travaux ménagers, et mon oncle Gaston était parti vérifier que tout allait bien dans les prés où était parqué son troupeau de vaches. Nous étions jusque là, bien heureux.

Soudain un bruit sourd nous est parvenu : Le grondement lourd d’avions qui se rapprochaient ; dans un temps qui nous paru très court, le sifflement des bombes et le bruit assourdissant de celles-ci tombant sur Neuvy. Nous avions la peur au ventre et beaucoup d’incertitude sur le lieu des impacts.

Mon oncle Gaston, est accouru nous rejoindre pour nous prévenir qu’il descendait au village, en éprouvant beaucoup d’angoisse en pensant à mes parents. Ma tante Isabelle et moi, hébétées nous tournions en rond dans la cour en attendant des nouvelles de la famille…

En fin de journée passant sur la route d’Annay, en vélo pur rejoindre sa femme et son fils, Monsieur Lanoue nous aperçut ; Il se mit à crier : « Isabelle, Isabelle, chez Raoul il n’y a plus rien, que des décombres. Une bombe est tombée sur la graineterie… »

Je revois en pensée, le grand tablier de toile bleu foncé, parsemé de petites fleurs blanches que ma tante portait ce jour-là, et je me suis jetée contre elle, enfouissant ma tête dans ce grand cotillon, afin d’y trouver chaleur et réconfort.

Je ne me souviens plus de l’heure, mais il était très tard, quand mon père et mon oncle sont arrivés. J’ai de suite compris que quelque chose de grave s’était passée, car Maman était absente…

Toute ma vie, j’aurai la vision d’un homme vieilli, défiguré, accablé de douleur et de fatigue, qui avait perdu en quelques instants, sa femme, sa maison, son commerce… Il ne lui restait qu’une petite fille, qui, je pense, lui a donné le courage et la force de continuer pour reconstruire leur vie.

Madame Adrienne Desfougères la couturière, Mademoiselle Paulette Ducharne et Monsieur Pierre Tulard sont morts en ce même lieu.

Récit de Colette Jacq – café sur la RN7 - 10 ans en 1944.

Café Raoul Jacq avant le 2 Août 1944

Ci-dessous le Café Raoul Jacq Après le 2 Août 1944

Actuellement, ce lieu, est devenus la Place de la Mairie.