1860 - Jaunet - Eglise St Laurent

Recherches historique sur L’Eglise Saint Laurent de Neuvy sur Loire par Mr Jaunet en 1860.

Les plus anciennes maisons de Neuvy paraissent dater de 1510, François Ier ou de Henri II. Mais sous des prétextes de restauration ou d’assimilation, elles ont été tellement mutilées ou défigurées qu’il n’y en a aucune de remarquable.

L’Eglise Paroissiale et Seigneuriale de Neuvy, a quelque intérêt quoique le marteau du vandalisme l’est endommagé ; on peut encore en donner une description.

L’église est placée sous l’invocation de St Laurent. C’est un monument fort simple accompagné de deux chapelles attenantes et irrégulièrement placées. Au sommet du pignon occidental, il existe une croix en pierre sous laquelle se trouvait le millésime de 1604, qui aujourd’hui est effacé par le temps.

A l’extérieur, cette église n’offre rien de remarquable ; que la double ceinture funèbre des familles seigneuriales qui y ont leur sépulture et dont les armes effacées par le temps et les révolutions, sont à peine visible, mais dont on voit l’emplacement. Cette église est aussi ornée de deux portails dont l’un latéral a été muré. Elle était autrefois surmontée d’une flèche carrée qui fut abattue à l’époque de la Révolution et dont la base seule est restée et sert aujourd’hui de clocher.

Quand on entre dans l’église par le portail occidental, on est d’abord frappé de la disproportion qui existe entre la longueur et la largeur de l’édifice. Cette disposition est réelle mais elle se comprend par l’allongement successif de l’église, d’abord bâtie de trois travées et qui aujourd’hui en comprend six. Les trois premières travées d’une architecture très simple datant selon les archéologues du XIIIème siècle. Suit une autre travée voûtée et avec cordon de pierre et à moulures sur les arrêtes. Les deux autres sont voûtées en imitation de la 4ème qui les précède ; elles étaient avant 1859 recouvertes par une voûte en berceau ; je crois qu’elles ont été bâties en 1604, date qui était sur le portail occidental de l’église. Cette église aurait donc été rallongée deux fois et comme sa largeur est resté la même, on s’explique sa disproportion.

La chapelle de la Ste Vierge placée à droite de l’église, n’a guère été bâtie que vers la fin du XVIème ou au commencement du XVII avant 1604. Elle fut bâtie aux moyens de dons des Seigneurs et des Notables de Neuvy ainsi que l’atteste plusieurs actes de décès et notamment la fin de l’acte de Julien CLEMENDRA du 18 novembre 1656.

« … décédé dans la communion de notre Ste Mère l’Eglise et inhumé dans la Chapelle du Rosaire ayant droit d’inhumation comme fondateur. »

La chapelle Seigneuriale dédiée à St Hubert, placée à gauche de l’église est de 1598, suivant une date qui se trouve prés du bénitier de l’ancienne porte aujourd’hui murée.

Le retable du Maître Autel de l’église est en pierre. Il occupe toute la surface inférieure du pignon. Il se compose au milieu d’un encadrement sculpté accompagné de chaque coté par deux colonnes accouplées. Chaque couple est suivies d’une porte de très bon goût joignant les murs du midi et ceux du nord ; les colonnes supportent une frise sculptée qui règne également entre elles et contrent de beaux détails au dessus de l’autel. Ce retable est couronné par la statue de St Laurent patron de l’église, prés duquel se trouvaient autrefois deux anges en pierre. De chaque côté sont des faisceaux de fruit formant de gracieux enroulements. Malheureusement, le tableau qui forme le centre du retable n’est plus le tableau primitif ; il a été recouvert ou remplacé par une œuvre d’une déplorable médiocrité. Il est fâcheux que ce retable, dont les proportions sont majestueuses et le tout parfaitement harmonisé, ait été couvert à une époque encore récente par une ignoble peinture qui le défigure complètement.

Sur les deux portes qui accompagnent le retable, se trouve le millésime. Sur celle de gauche est le chiffre 16 et sur celle de droite le chiffre 77 ; ce qui veut dire très probablement 1677. Ce retable est une œuvre de libéralité de Mr de GUISCARD, Comte de la BOURLIE, Sous-Gouverneur du Roi Louis XIV et Seigneur de Neuvy. Avant la Révolution ses armes se voyaient sur le frise, de chaque côté du retable ; il n’en reste que les branches de laurier.

On dit que Mgr DUFETRE (évêque de Nevers vers 1860) désire la destruction de ce retable souillé par un affreux enluminage. Sans doute qu’au point de vue archéologique ce retable est et sera toujours une véritable hérésie, mais tel qu’il est et tel qu’il est placé, c’est encore une œuvre remarquable dans une église comme Neuvy où rien ne se suit, rien n’est conforme à l’art. De tels scrupules seraient vraiment exagérés, ce serait un malheur déplorable que cette destruction, qui priverait l’église et le pays d’un de ses plus beaux souvenirs.

L’église de Neuvy est surtout intéressante par les tombeaux qu’elle abrite. Jusqu’en 1771 on y enterra toutes les personnes distinguées par leur mérite, leur nom ou leur fortune.

A la Révolution de 1793 le caveau de la Chapelle Seigneuriale a été violé. Ce caveau contenait trois tombeaux ; les trois cercueils de plomb furent fondus et les cadavres jetés sur le sol. Un monument sur-montant ce caveau a été mis en pièces ; il n’en reste rien.

Mgr le Prince d’ARCOURT (ou d’HARCOURT) fut inhumé dans ce caveau le 30 août 1636. Les épitaphes qui se trouvent aujourd’hui sur le caveau n’y ont été placée que dans ces derniers temps ; ce sont celles de Geneviève de LONGEVAL épouse de Mr le comte de la BOURLIE Seigneur de Neuvy et celle de celui-ci.

L’épitaphe de Mr de GUISCARD de la BOURLIE qui contint aussi celle de sa femme morte en 1681, était placé sous une arcade basse donnant sur le sanctuaire de l’église de Neuvy. Cette arcade était fermée par une grille fixe en fer. Depuis la Révolution cette grille a été remplacée par une grille ouvrante en bois. Au devant de l’ancienne grille, au milieu de l’arcade et au coté du chœur était une lampe ardente objet d’une fondation faite par Mme de GUISCARD et relatée sur en épitaphe placée aujourd’hui sur le caveau, qui en raison de sa forme ovale, a du être autrefois le centre d’un médaillon sculpté. Après la Révolution cette épitaphe est restée peut-être pendant quarante ans posée en forme de table dans le jardin du curé de Neuvy.

Dans la chapelle de la Ste Vierge on voit l’épitaphe de la Douairière de Neuvy, Mme Claude de ROCHECHOUART du CHESNAY qui repose en ce lieu et prés d’elle le cœur d’Aismée du CHESNAY dame de COURTENAY sa fille. Dans la nef ont une épitaphe en marbre noir de Pierre de CHAUFFOURS. D’autres épitaphes placées dans la nef ont disparus à l’époque de la Révolution.

Histoires des Cloches :

Il existe dans les archives de la mairie, une pièce curieuse de l’époque de la Révolution qui concerne le clocher :

« Citoyens, vous savez que d’après un décret de la Convention, tout édifice en forme de montagne doit disparaître. Que le jour où ces édifices tomberont, soit un jour d’allégresse pour votre cité. » ainsi tomba la flèche de St Laurent.

Ce clocher avant la Révolution, renfermait un carillon de 4 cloches. Deux ont été enlevées à cette époque et deux existent encore. D’après les documents, les habitants et même les autorités de l’époque, tenait fort à leur carillon. Il était sévèrement prescrit de ne conserver qu’une seul cloche. On fit passer la seconde cloche pour le timbre de l’horloge. C’est du reste la plus grosse cloche qui reste.

« Citoyen, c’est alors pour la septième fois que je vous écris d’envoyer vos cloche à Nevers et je vous préviens que c’est la dernière fois. »

Les plus anciennes cloches dataient de 1602, comme le prouve l’acte suivant : « Le mercredi 27 jour de mai mil six cent deux, ont été baptisées et bénites en l’Eglise Paroissiale de Neuvy par moi messire Etienne Huré, prêtre curé du dit lieu, l’une desquelles a été nommée MARCELLE, lequel nom lui a été donné et imposé par Haute et Puissante Dame Esmée DU CHESNAY, épouse du Haut et Puissant Seigneur Gaspard de Courtenay Chevalier de l’ Ordre du Roy, Seigneur de Bléneau….. et du dit Neuvy, et Noble Homme Claude BOUTERVILLAIN, escuyer, Seigneur de la Boulesvrerie et Demoiselle, ses parrains et marraine. »

Signé DU CHESNAY.

L’autre a été imposée et : « Nommée ADRIENNE par Dame Jehanne du CHESNAY, femme de Messire François DANGE, chevalier de l’Ordre du Roy, gentilhomme servant ordinaire de sa Majesté, escuyer et Seigneur de BUCAGUE TOUVILLE BEAUMONT en SAINTONGE les ROURES … à cause de la …. de la dite DU CHESNAY et Edmée de COURTENAY escuyer Seigneur de … et autres lui appartenant et Demoiselle Guilleberte DE GERGUILERAY, ses parrains et marraines ». Guilleberte de CERGUILLERAY en 1602 et Guilleberte de CORGUILLERAY en 1613 doit être la même personne.

L’une des cloches a été envoyée à Nevers, et l’autre est restée à Neuvy. Celle envoyée à Nevers était celle qui fut baptisée en 1613 et dont l’acte suit : « Le dimanche 22 jour du mois de septembre 1613 à l’issue des Vespres a été bénite solennellement la grosse cloche de ce lieu de Neuvy, après avoir été refondue, les parrains et marraines ont été : Honorable homme Pierre BOUCHET Seigneur de CHAUFFOURT, notaire dudit NEUVY et Demoiselle Guileberte de CORGELLERAY, épouse de Mr de la BOULESVRERIE et Jehane LESOINT de BIEZE…. De Belleville et par moi Curé soussigné assisté de mon vicaire. »

Signé CHABERT.

La grosse cloche actuelle date de 1666. On lit sur celle-ci : « J’ai été bénite par Edme ROBINEAU curé de Neuvy. J’ai été nommée Georges Geneviève par Haut et Puissant Seigneur Georges de GUISCARD Comte de la BOURLIE…. Mon parrain et Geneviève de LONGEVAL son épouse, sa marraine. »

Mr Jaunet, 1860