La Population dans les Siècles

La Population de Neuvy sur Loire

Autrefois, il y avait à Neuvy trois classes distinctes d’habitants :

    • 1 : Les cultivateurs (agriculteurs et vignerons) dans la proportion des 2/3

    • 2 : Les mariniers, 1/6

    • 3 : les marchands et gens d’état (ouvriers du bâtiment, maréchaux, charrons, etc, 1/6

Aujourd’hui, la marine a disparu et la culture a diminué de près de la moitié ; mais l’industrie a comblé une partie des vides.

Néanmoins depuis 1861, la population Neuvicoise (Neuvyate) a baissé d’environ 500 habitants, ainsi que le démontrent les recensements qui ont pu être retrouvés :

1702 : 1081 habitants

1793 : 1174 hab.

1796 : 1123

1798 : 1090

1806 : 1135

1810 : 1156

1821 : 1223

1831 : 1312

1836 : 1448

1856 : 1670

1861 : 1900 (au minimum, d’après le souvenir de plusieurs habitants)

1881 : 1630

1886 : 1610

1891 : 1529

1896 : 1436

1901 : 1389

1906 : 1448

1911 : 1469

Anciennes Mœurs et Coutumes

Autrefois à Neuvy, comme dans toute la région, les habitations étaient basses et ne se composaient généralement que d’une seule pièce, servant à tous les usages : cuisine, réfectoire, dortoir, buanderie, etc. Les chaumières (maisons couvertes en chaume) ont complètement disparu vers 1850.

Les soirs d’hivers, les femmes raccommodaient le linge, filaient ou tricotaient à la lueur incertaine d’une lampe en étain, garnie d’huile de colza et d’une mèche de coton qu’il fallait de temps en temps remonter au moyen d’un petit morceau de bois. On faisait aussi usage de chandelles de suif, dont la mèche avait besoin d’être rognée souvent au moyen de mouchettes : c’était l’éclairage du luxe. Quant aux hommes, ils taillaient le chanvre et raccommodaient les paniers, les ruches et autres objets nécessaires à l’agriculture, car tout le monde alors était plus ou moins cultivateur et avait son rucher, au moins dans les campagnes.

Les vêtements étaient des plus modestes. Ceux d’hiver étaient confectionnés en poulangis, sorte de tissus laine et chanvre, produits du pays, où ils étaient préparés par le cardage, le tissage, le foulonnage, la teinture, etc. En toutes saisons, les hommes portaient la blouse bleue, et les femmes le bonnet linge blanc, même dans les grandes cérémonies. Ils étaient les uns et les autres chaussés de sabots ; beaucoup même n’usaient qu’une seule paire de souliers durant leur vie.

Les Neuvicois (Neuvyats) étaient pauvres ; aussi, la plupart des enfants et des jeunes gens (filles et garçons) se louaient comme domestiques, moyennant un infime salaire, à la Saint-Jean et à la Toussaint. Habitués de longue date aux privations, ils étaient sobres, vivant de pain de ménage noir, fait d’une farine de seigle, d’orge et d’une petite quantité de froment et d’une maigre pitance. Deux repas principaux avec soupes, le matin et le soir ; le repas de midi, dit goûter, se composait de pain, de fromage, de fruit et quelquefois de trempée ou salade. Parents, enfants et serviteurs mangeaient dans le plat et buvaient au pichet ; les assiettes et les verres étaient des objets de luxe dont on ne faisait usage que dans les grandes occasions.

Ces mœurs ont encore persisté, plus ou moins, jusque dans la seconde moitié du 19ème siècle. Les événements de 1870-71 ont surtout amené des modifications profondes dans les habitudes des habitants du pays.

A Neuvy, il n’y a jamais eu de patois mais seulement des déformations de la langue plus ou moins accentué, telles que : j’ allains (nous allions) ; y venaint (ils venaient) ; barbis (brebis) ; chieuve (chèvre) ; chomière (chenevière) ; yeuse (lièvre) ; pieuche (pioche) ; qu’ éri (quérir) ; etc.

On y faisait aussi grand usage de vieux mots français ou même celtiques assez bien conservés. Mais ce qui caractérise surtout le langage de Neuvy, c’est la prononciation en oi, comme moi (moué), toi (toué) ; de la plupart des mots en o, comme côte (coute), gros (grou) etc. Toutefois, ce jargon va en s’atténuant par suite des relations de plus en plus fréquentes avec les habitants des villes.

L’instruction y était très peu répandue, néanmoins un certain nombre d’enfants, ayant vécu sous la Révolution et sous l’Empire, savaient lire et un peu écrire.

Il y avait un maître d’école en 1791 (M. Allée) et l’éducation puisée dans la « Civilité puérile et honneste » laissait beaucoup moins à désirer que de nos jours. On faisait largement usage de la locution « plaît-il », ignorée aujourd’hui.

Les Neuvicois étaient religieux mais surtout superstitieux ; ils croyaient aux mauvais présages annoncés par les bêtes et les choses ; aux sorciers, qui « empicassaient » gens et bêtes ; aux devins qui conjuraient les mauvais sorts ; aux bonnes fées, aux « patatas » et aux « loups-garoux » affiliés aux démons qui, la nuit, parcouraient les chemins creux, les sentes et avaient une prédilection parquée pour les « échelliers » (échelles doubles à demeure pour franchir les haies). Seules les balles trempées dans l’eau bénite pouvaient les atteindre.

En passant, n’oublions pas de rappeler que, sous l’ancien régime, le commerce du sel n’était pas libre, l’ État en avait le monopole. Ses agents, chargés de la placer, étaient appelés « saulniers » ; ils passaient chez les habitants, s’assuraient des quantités restantes et obligeaient les gens à s’approvisionner. Si la consommation avait été trop faible, ils les accusaient d’avoir fait des achats aux faux saulniers (contrebandiers de sel) et jetaient dans la boue ce qui restait avec menace de prison ; si au contraire la consommation dépassait la normale, ils les accusaient d’en donner au bétail, ce qui constituait un autre délit.

Source : « Mémoire de la Société Académique du Nivernais » publié en 1917, Mr J-M Frapat