Neuvy sur Loire à travers le passé.
Le coup d’état du 2 décembre 1851 est un événement en grande partie oublié. Encore plus méconnue et oubliée la résistance qu’opposèrent quelques dizaines de milliers de républicains à ce coup d’état.
Le 24 février 1848, les barricades parisiennes ont renversé la monarchie de Juillet, le régime de Louis-Philippe. Un gouvernement provisoire qui compte parmi ses membres Lamartine, Louis Blanc et François Arago, est acclamé à l’hôtel de Ville de Paris, haut lieu de toutes les révolutions parisiennes. La République est proclamée. Une ère nouvelle semble s’ouvrir : proclamation du suffrage universel, suppression de l’esclavage dans les colonies (Victor Schoelcher), suppression de la peine de mort en matière politique (on brûle la guillotine sur la place publique), proclamation du droit au travail et journée de 10 heures…
L’illusion lyrique est de courte durée : l’assemblée constituante qui est élue en avril comporte surtout des républicains modérés alors que les républicains avancés et les socialistes sont minoritaires ; lors des journées de Juin 1848 c’est l’écrasement de l’insurrection des ouvriers parisiens révoltés par la suppression des ateliers nationaux : 3 000 ouvriers gisent sur le pavé parisien et les pleins pouvoirs sont donnés au général Cavaignac – républicain mais homme d’ordre - qui vient de mater l’insurrection de Juin 1848. La république a réprimé l'insurrection ouvrière plus durement que les insurrections républicaines ne l'avaient été par Louis-Philippe : il y a là un fait essentiel pour comprendre pourquoi les résistances au coup d'état n'ont pas été plus fortes à Paris en 1851.
Les révolutions qui s’étaient produites partout en Europe (Italie, Allemagne, Pologne, Hongrie) sont progressivement écrasées. C’est la fin du « printemps des peuples ».
source : http://www.1851.fr/auteurs/latta_1.htm
Extrait de l’article du 24 septembre 1976, paru dans le régional de Cosne
Le soulèvement de 1851.
Neuvy sur Loire, où César pourrait bien avoir séjourné après en avoir fait le siège, se souleva, en décembre 1851, à l’initiative de Couy, dit Charles des Sainjoncs.
Le récit qui suit nous a été aimablement communiqué par Mme Yon, bibliothécaire.
« Le 7 décembre à l’instigation du docteur Couy, la « générale » était battue dans les rues du bourg. En même temps, de jeunes garçon parcouraient les hameaux et appelaient les citoyens aux armes.
Presque tous les habitants se rendirent à la Mairie, armée de faux, de pics et fusils.
Le Maire, M. Laborde ; l’adjoint le Dr Binot de Villiers et cinq conseillers municipaux, furent arrêtés par les insurgés ; puis la foule se rendit à la caserne de gendarmerie. Sommés de se rendre, les gendarmes répondirent : « contre la force, pas de résistance » (afin d’éviter une effusion de sang inutile, le maire avait conseillé aux gendarmes de ne pas résister.)
Parmi les insurgés se trouvait Blondet, beau-frère du gendarme Champenois, qui faisait fonction de brigadier. Blondet ne fut pas arrêté par la suite. Les armes et les munitions furent distribuées aux citoyens qui n’en avaient pas. Pendant ce temps, un groupe d’hommes armés se rendait chez l’abbé Vilain, curé de Neuvy. Le Presbytère fut envahi.
Prétextant un besoin à satisfaire, l’abbé Vilain fut conduit aux cabinets où il se barricada. Sommé d’ouvrir après quelques minutes, il refusa et s’arcbouta pour résister à la poussée du dehors. Dans l’entrebâillement de la porte le cabaretier Thème tira un coup de pistolet dont la balle atteignit le curé au côté. Ce dernier fut ensuite arrêté et conduit à la nouvelle prison où des soins lui furent donnés.
Dans la soirée des bruits alarmants ayant circulé, Alexandre Dugué fut délégué pour aller aux renseignements à Cosne. A son retour ; il annonça qu’à Paris, la révolution était vaincue, que Cosne était tranquille et que la troupe était demandée à Nevers pour marcher sur Neuvy. On décida néanmoins de continuer la résistance et aussitôt tout le monde se mit à élever des barricades à l’entré Sud-Est du bourg ; puis on plaça un avant-poste dans la carrière contiguë au bois de Reaux.
Vers 8 heures sur soir, trois partenaires (Ramaix, R. Valette et O. Lafille) furent envoyés au-devant de la troupe, mais à peu de distance, ils rencontrèrent un détachement de 35 soldats du 18ème de ligne, commandé par le lieutenant Sorel et placé sous la haute direction de M. Pinsard, secrétaire général de la préfecture de la Nièvre.
Les 3 parlementaires furent arrêtée et allaient être fusillés lorsque l’un d’entre eux, Ramaix qui avait servi sous les ordres du lieutenant Sorel se fit reconnaître de celui-ci. Au lieu de les fusiller, on les fit prisonniers (rendant compte de sa mission, Ponsard écrivait : « A un kilomètre du bourg, nous avons été accueilli par une fusillade… Trois individus qui avait fait feu sur nous ont été pris les armes et fusillés de suite ».)
Quant aux hommes du poste avancé ; ils refluèrent séparément vers le bourg, pour prévenir la population de ce qu’il venait de se passer. Aussitôt prévenu, Alexandre Dugué partit avec le jeune Chollet, au-devant de la troupe pour protester contre l’arrestation des parlementaires. A leur rencontre, à 300 mètres du bourg, Dugué prit la parole. Il lui fut répondu par une fusillade et des coups de baïonnettes. Il tomba mort, Chollet mortellement blessé, mourut une heure après (il avait 18 ans).
La troupe pénétra ensuite dans la ville. En passant devant la gendarmerie, un soldat aperçut un homme descendant la pente du « Champs des Cris ». Il lui cria : « Qui vive ». Sourd, l’homme n’entendit pas et continue sa route. Un coup de feu l’étendit mort. C’était le Père Louis Paris. Quelques autres détonations retentirent ensuite, mais aucune personne ne fut atteinte.
Les barricades avaient été abandonnées et la troupe resta maîtresse de la ville. La troupe procéda ensuite aux visites domiciliaires. Chavanne, tambours des pompiers, qui s’était caché dans son grenier rempli de foin, fut percé de plusieurs coups de baïonnettes.
Le lendemain matin, tous les Neuvyçois furent requis par Ponsard de se rendre à la Mairie pour y être interrogés. De très nombreuse arrestations furent opérées (Dans son rapport, M. Ponsard donne le chiffre de 500. Ce chiffre est exagéré, en réalité, il y a eu 130 arrestations. Chiffre confirmé par une lettre autographe qu’a bien voulu me communiquer, en 1931, la famille Dugué).
Le 9, Guillaume Thème, qui s’était caché à Bonny, se présenta volontairement à la Mairie où il fut aussitôt mis en état d’arrestation, puis fusillé dans l’après-midi, entre le bief et la Vrille, à quelques mètres de son habitation.
Dans la soirée du même jour, la troupe quitta la ville emmenant avec elle les prisonniers qui furent incarcérés à la prison de Cosne. A défaut de place, on dut constituer des prisons provisoires : à la Clouterie, puis à la maison Perrier. Un certain nombre furent même renvoyés dans leurs foyers.
Par la suite, trois insurgés furent déportés à Cayenne (Bidou Jean, Dyme Gustave, Billaud Jean, et 22 en Algérie).
Un monument commémorant ces évènements a été élevé en 1902 à l’intersection de la route 7 et du chemin 141.
Quatre rues de Cosne, portent les noms de Dugué, Paris, Thème et Chollet.
Le monument élevé à Cosne, près du Vieux-Château, à la mémoire des Neuvyçois victimes et héros du soulèvement de 1851.