Robert Langer

Sergent Langer Robert

Première Compagnie

Mémoires de guerre 16ème Bataillon de Chars de Combat

22 Août 1939

Depuis quelques jours je suis en permission et comme tout permissionnaire je suis heureux, d’autant plus heureux que ce sont mes derniers jours de permission, car le 15 Octobre suivant je dois réintégrer la vie civile. Mes copains et moi espérons beaucoup en ce jour tant désiré, où après tant de privations, nous pourrons reprendre contact avec tout ce que nous avions quitté deux ans auparavant. Si cet espoir est grand il n’est pas sans réserve car de jour en jour la situation extérieure devient de plus en plus tendue. Pour nous qui avons connu au cours des mois écoulés, les alertes de Mars 1938 de Mai de la même année, puis les tristes jours de Septembre 1938 durant lesquels il y eut une mobilisation partielle,sans oublier les grèves du 30 Novembre 1938 et les événements de Mars 1939 pendant lesquels nos anciens alors disponibles, furent rappelés en service actif le 22 Mars 1939, nous ne restons pas insensibles à la moindre variation de la situation extérieure, car chaque fois c’est une embûche sur la route de la liberté.

Dans les jours qui précédèrent ce 22 Août 1939 la situation s’était montrée de plus en plus grave. Le 22 Août au matin les permissions étaient toutes supprimées dans tous les corps de troupes. Le 22 dans l’après-midi j’apprenais que les gendarmes avaient ordonné à plusieurs permissionnaires de rejoindre le corps immédiatement. Puis dans la soirée ce fut l’arrivée des premiers télégrammes (trouble fêtes) ; vers 19h30 je reçu le mien ainsi libellé : Rejoindre corps immédiatement

Alors le soir avec quelques permissionnaires rappelés comme moi nous trinquons avant la séparation, en formulant tous les vœux de pouvoir se réunir bientôt autour de quelques bonnes bouteilles. Malgré tout nous n’ignorons pas que la situation est très grave car Hitler a donné l’ordre à ses troupes de franchir la frontière Polono-Allemande ; en conséquence la France et l’Angleterre en vertu du traité d’alliance qui les unit au pays envahi ne pourront pas rester insensibles à cette violation du droit des peuples.

23 Août 1940

Ayant fixé au soir à 16 h. mon départ, j’en fais les préparatifs. Je fais mes adieux à droite et à gauche. Tous m’encouragent et me disent que cela se terminera par un petit Munich comme l’année précédente. Malgré tout on sent que l’inquiétude se fait de plus en plus grande, d’heure en heure parmi la population civile.

A la gare je retrouve quelques copains, les rappelés comme moi, les autres ayant reçu une notification individuelle. Voici le train, c’est l’heure de la séparation, il faut une fois de plus quitter tout ce qui nous est cher. Le train s’ébranle cependant que les mouchoirs se secouent de part et d’autre en signe d’adieu. Naturellement nous ne sommes pas partis sans avoir fait ou plutôt reçu des provisions tant en nature qu’en argent. Tout le long de la route, en échangeant nos impressions sur la situation, nous buvons quelques quarts. Nous arrivons à Nevers vers 17 h ; comme nous avons une bonne heure d’arrêt nous allons faire un petit tour en ville où notre promenade s’arrête dans un café. Là nous trinquons avec les camarades qui sont rappelés dans cette ville, puis nous reprenons le chemin de la gare. Nous devons prendre la direction de Chagny, quand nous arrivons le train est presque complet, nous arrivons cependant à trouver un compartiment où nous nous installons. Avant le départ du train, un de mes meilleurs copains, Roger, vient me faire ses adieux. Étant en garnison à Nevers ils sont tout équipés et attendent l’heure du départ. Notre voyage se poursuit et à force de trinquer avec l’un et avec l’autre on en oublie la gravité de l’heure et on devient plus gai. En passant à la gare Millay dernière gare nivernaise, à la limite de la Nièvre et de la Saône et Loire, sur la ligne Nevers-Chagny, je fais mes adieux à une amie qui malgré qu’il soit tard est venu m’embrasser pour m’encourager.

24 Août 1939

Après avoir changé de train à Dijon, nous arrivons à Besançon à 3h du matin. Nous trouvons la ville plongée dans une obscurité totale. Quelques instants plus tard nous arrivons à la caserne.

Au poste de police, nous apprenons que depuis la veille à 10 h du matin, tous les copains et les chars ont quitté le quartier pour une direction inconnue. Dès cet instant mon espoir de voir la situation s’améliorer diminue sans perdre confiance cependant.

25 Août 1939.

Le rappel des réservistes continue, nous les voyons tous arriver au C.M. pourvu d’une valise, soit d’une musette.

26 Août 1939

Les affiches, rappelant sous les drapeaux les réservistes dont le fascicule de mobilisation porte le N° 6 sont posées. Les réservistes formeront avec une partie de l’active l’Echelon B complément de l’Echelon A. Les réservistes sont nombreux il y en a dans tous les coins. Devant la grille du quartier, les personnes civiles affluent tant à l’affût de quelques nouvelles, que pour dire au revoir une dernière fois, au fils, au mari, au fiancé, au père.

27 Août 1939

Le soir arrivée des premiers réservistes portant le fascicule N° 6. Après avoir passé au C.M., ils sont affectés aux diverses compagnies ou bien ils se présentent au bureau. Pour la première compagnie c’est moi qui suis chargé de les inscrire au fur et à mesure de leur arrivée.

28 Août 1939

Mise sur pied de l’échelon B.

29 Août 1939

Arrivée de tous les véhicules réquisitionnés qui emplissent la cour du quartier. Dernière sortie à Besançon avec quelques camarades bien que nous soyons consignés.

30 Août 1939

Affectation de tous les véhicules. Présentation de l’échelon B. Derniers préparatifs avant le départ.

31 Août 1939

3h du matin réveil. Formation de l’Echelon B. A 7h inspection par le lieutenant colonel qui assurera notre commandement. Puis départ de la caserne, je suis en motocyclette avec le motocycliste Guyot. Nous sommes affectés au groupe de jalonneurs. Le colonel commandant le 506 salue, l’air grave, tout véhicule durant l’écoulement de la colonne. Puis nous passons à Besançon où la population nous fait ses adieux. Repas de midi à Héricourt. Là, nous quittons la route nationale et nous obliquons sur la droite pour arriver quelques minutes plus tard à Dieffmatten. Là est installé tout l’échelon A. Nous retrouvons avec joie les copains, serrement de mains, échange d’impression. On nous installe dans les granges et greniers.

1er Septembre 1939

La Cie s’organise par sections.Je suis affecté à la section de commandement comme caporal conducteur. Comme travail j’ai la responsabilité de quelques véhicules. Dans l’après-midi quelques copains disent avoir entendu les informations nous apprenant notamment la mobilisation générale. Le soir vers 17h le tambour de ville annonce cette mobilisation générale pendant que l’affiche en est placardée. Cette mobilisation ne commencera que le lendemain. Les événements se compliquent, les visages révèlent l’anxiété de chacun.

2 Septembre 1939

Premier jour de mobilisation. Nous sommes en pays alsacien. Nous voyons passer les réfugiés qui viennent des bords du Rhin. Il est bien triste de voir passer tous ces pauvres gens sur des charrettes que tirent des bœufs nonchalants.

3 Septembre 1939

Aux informations de midi, nous apprenons que l’Allemagne n’ayant pas voulu retirer ses troupes de Pologne, l’Angleterre se déclarait en état de guerre avec elle. A 17h ce soir, la France faisait les mêmes déclarations. Dès lors toutes les manœuvres que nous avions faites jusque là étaient appelées à devenir une réalité. Chacun garda son sang froid et laissa faire son destin.

4 Septembre-12 Octobre 1939

Durant ces jours nous avons continué la préparation du matériel, en lui apportant quelques modifications. Le secteur restait assez calme, nous étions là en cas d’invasion par la Suisse de l’armée allemande. Nous menons une vie assez tranquille, se faisant griller de bons beefsteak, de temps à autre on réunissait toute la section autour d’un bon civet de lièvre due à l’ingénieux braconnage des copains Alizon et Richard. De temps en temps le canon se faisait entendre ou notre attention était attirée par le ronronnement caractéristique d’avion ennemi. Ce qui fût le plus dur durant cette première quinzaine de guerre c’est l’absence de lettres venant d’êtres chers. Petit à petit le service postal s’organisa et devint plus régulier. Trouvant cette vie un peu trop monotone il nous arrivait de faire quelque excursion nocturne, soit en direction de Soppe-le-Bas soit en direction de Burnhaupt-le-Haut. Une fois nous sommes allés en manœuvre Bourbach-le-Bas, là nous avons retrouvé quelques copains appartenant à une autre formation. A Dannemarie nous avons pris une bonne douche, puis plus tard à Hecken une ou deux fois nous avons mangé du porc et du poulet que le ravitaillement était allé chercher dans les pays évacués le long du Rhin. Dans les vergers du pays nous ramassions les fruits, poires et pommes, tombés pour que les cuisiniers nous fassent de la compote. Durant ce séjour dans notre premier cantonnement nous avons pu apprécier à sa juste valeur la valeureuse hospitalité alsacienne. Petit à petit nous avons su gagner l’Amitié des gens du pays nous étions arrivés à être traités comme les fils du pays.

12 Octobre 1939

Un soir en compagnie de quelques copains nous nous trouvions au café : Chez la Thérèse quand un type de la 3 ème Compagnie vint dire que nous étions : alertés. Immédiatement nous nous rendîmes au P.C. de notre compagnie et là nous avons appris qu’il n’était pas question de départ immédiat pou l’instant mais que nous devions faire nos sacs en prévision d’un prochain départ.

13 Octobre 1939

Nous passons la journée dans l’attente du départ, mais la journée se passe sans que nous eussions aucune nouvelle.

14 Octobre 1939

Début de la matinée sans changement. Vers 9 h. le capitaine fait rassembler la Cie. Il nous apprend que notre départ est fixé pour le début de l’après-midi. Nous faisons nos derniers préparatifs de départ et après avoir mangé le repas de midi nous commençons la tournée des adieux. Le plus dur fut nos adieux chez les propriétaires ou était logée notre section. Les deux bons vieux, après nous avoir servi le traditionnel Schnaps nous embrassèrent après nous avoir souhaité bonne chance. Vers 13 heures, la colonne s’ébranla, cependant que sur le pas des portes les habitants du pays secouaient leurs mouchoirs en signe de dernier adieu. Durant le voyage nous échangions nos impressions et nous étions tous d’accord pour reconnaître que nous venions de quitter un bon cantonnement et qu’il serait difficile d’en retrouver un aussi bon .Nous passons par une série de villages. En passant par Bergholz-Zelle nous voyons quelques copains de la 2ième Compagnie qui cantonne ici depuis 3 semaines environ. A Soulnatz nous laissons d’abord la 3ième Compagnie puis le bataillon et enfin la Compagnie. Nous prenons une route à droite et nous lisons sur une plaque "Michelin Osenbach 3 Kms" La route que nous empruntons monte sans cesse et nous arrivons bientôt en vue de quelques maisons, c’est le pays ou nous allons cantonner. Nous arrivons ensuite sur la place centrale du pays. Là nous sommes placés dans les différents coins du pays. Le soir nous allons dans les deux cafés du pays et nous séjournons jusqu’à la fermeture du café : Au Cerf, ou nous sommes servis par deux jeunes filles Marthe et Reine. Bientôt cette dernière prend son accordéon et voici que nous dansons tous, il y a bien longtemps que cela nous est arrivé. c’est une vraie : "vourie", nom donné par l’un de nous à une soirée marquée par des bruits, des chants, des danses, des menaces, des bousculades et aussi beaucoup d’émanations d’alcool. Il faut l’intervention de l’Adjudant pour faire évacuer le café à l’heure prescrite et quelques camarades titubants, tombent dans les bras du Capitaine et des officiers en sortant du café. Nous passons notre première nuit dans les granges ; pour ma part je couche dans la cabine de la camionnette de notre section, n’ayant pas trouvé de place dans la paille. Certains camarades profitant de la parole facile que leur donne leur état d’ébriété, réussissent à trouver des lits.

15 Octobre 1939

Première journée de notre vie à Osenbach. Nous creusons des tranchées. Le soir nous recommençons nos orgies de la veille. Durant cette journée nous avons noué connaissance avec la population du pays. Notre première impression est bonne .Nous pensons passer ici une bonne partie de l’hiver et nous commençons l’aménagement de nos quartiers d’hiver.

16 Octobre 1939

Nous continuons nos travaux d’aménagement du cantonnement. La population se montre de plus en plus gentille à notre égard et nombre de camarades ont déjà retrouvé la douceur d’un bon lit. Le soir même, je devais connaître cette joie et je devais partager une chambre avec le sergent-chef : Vieille Grosjean. Je loge chez Mr Mme Vast, une dame évacuée de Srassbourg avec ses deux enfants : sa fille Hélène et son fils François ; le fils aîné Charles, militaire de carrière est au Front. Je suis heureux de pouvoir me déshabiller, il y a presque deux mois que ça ne m’est pas arrivé. Combien on peut apprécier à sa juste valeur, un bon lit. Comme notre vie devient calme, je ne marquerai que les journées marquées par un fait quelconque.

1er Novembre 1939

En compagnie de mon copain Raymond Lelong, nous allons en promenade, en suivant des sentiers à travers les bois, au cimetière Roumain, situé sur la route de Soultzmatt à Guebwiller. Là reposent plus de 600 Roumains, morts au champ d’honneur pendant la guerre 1914 1918. Beaucoup sont morts de privations et pour ainsi dire de faim.

8 Novembre 1939

Je suis envoyé comme chef de corvée sur les bords du Rhin pour ramener tous les légumes que nous pourrons trouver dans les pays évacués. Tout le long de la route, nous admirons tous les travaux qui ont déjà été faits : fossés anti-chars, réseaux de fil barbelé, fortins en ciment armé etc. Notre lieu de destination est situé à 1 km du Rhin, si bien qu’à travers la brume qui se lève nous pouvons distinguer la Forêt Noire et les forts allemands qui y sont placés. Durant la journée nous sommes survolés par l’aviation ennemie et amie. La D.C.A. tire et nous ne rigolons pas trop car les bombes éclatent juste au-dessus de nous. Nous rentrons avec une bonne provision de pommes de terre, salades, poireaux, etc.

Le soir alors que je venais de me coucher, vers 22 h, Charpentier vient m’appeler et me dire qu’il y avait une alerte de départ. Aussitôt nous nous préparons, chargeons les véhicules. A minuit nous apprenons que l’alerte est arrêtée et aussitôt tout rentre dans l’ordre.

Durant les journées des 9.10.11.et Novembre 1939 nous restons en alerte.

12 Novembre 1939

Au cours de ce Dimanche, la section se réunit autour d’une bonne table. Nous passons un bon Dimanche et prenons un bon repas.

19 Novembre 1939

Nous sommes emmenés par des camions en excursion à l’Hartmann Willerhasst. C’est là que se sont déroulés de durs combats durant toute la durée de la dernière guerre. Nous visitons le cimetière du Vieil Armand, la montagne ou se sont déroulés de durs combats.

Le monument du 152 ème R.I, la crypte du cimetière. Ainsi nous voyons une foule de choses incroyables qu’il faut vraiment voir pour croire. Ce n’est pas sans émotion que nous regardons ces tombes des fils de France tombés pour la Mère Patrie, pour que leurs fils vivent en Paix, et de nous voir vingt après, réunis pour la même cause, nous nous demandons ce que pourraient faire tous ces Héros si il était possible de les rappeler à la vie.

24 Décembre 1939

Depuis le début de Novembre, les permissions sont l’objet des conversations journalières. Les premiers sont partis autour du 20 Novembre 1939. Mon tour est enfin arrivé et j’en suis heureux, tellement heureux que je bois plus que de coutume, si bien qu’au moment du départ, je suis plus chargé de boisson que de paquets. La camionnette qui fait le service des permissionnaires dans le bataillon nous prend à Osenbach à 8 h du soir. Elle nous mène à Rouffach. Là nous prenons un train qui nous emmène à Aillevillers.

25 Décembre 1939

C’est Noêl. Vers 4 h du matin nous arrivons à Aillevillers. Là d’abord nous passons devant un guichet où est imprimé sur notre permission le train que nous devons prendre suivant la région où l’on se rend : pour moi c’est le train vert. Je ne peux évaluer le nombre de permissionnaires qui se trouvent dans le camp, mais c’est de l’ordre de quelques milliers. Il faut reconnaître que le camp n’est pas mal organisé et que tout est prévu. A 9h17 je prends le train vert. Nous passons par Langres, Chaumont, Troyes, etc. Nous arrivons à Massy-Palaiseau. De là je repars en direction de Nevers, en passant par Fontainebleau, Montargis, Gien, Briare.

26 Décembre 1939

Vers 0h30, je débarque à Cosne sur Loire. Ne voulant pas passer une nuit de plus dans les gares, afin d’attendre le train du lendemain, je m’embarque sur la route pour faire mes 14 Kms à pied. Cependant il me reste un espoir de changer de moyen de locomotion, c’est jour de cinéma à Cosne et j’espère trouver une place dans une auto qui en reviendrait. A deux voitures je faisais des gestes mais sans succès. A la troisième, j’accompagne le geste par la voix, la voiture stoppe quelques mètres plus loin. J’ai de la chance de tomber sur un copain qui m’offre une place dans sa voiture. Une bonne heure plus tard je fais à mes parents la surprise de mon arrivée à Neuvy sur Loire.

7 Janvier 1940

Après avoir passé une bonne permission, le jour de mon départ est malheureusement arrivé. Les adieux sont durs. J’ai un fort cafard. Enfin il le faut bien.

8 Janvier 1940

Mon copain Jean de Bonny sur Loire me mène prendre le train à Briare. Je garde de ce voyage un profond souvenir. Vers 3 h 30 je prends le train et avec bien des difficultés je trouve une place assise. Je reprends à sens inverse le même chemin que j’avais pris pour venir. Arrivée à Massy Palaiseau, de là, dirigé sur Port d’Atelier où j’arrive vers 17h. En me dirigeant vers le camp je trouve un ancien copain de régiment affecté à un autre bataillon. A Port d’Atelier nous passons par un guichet où nous apprenons quel train nous devons prendre pour rejoindre notre unité et à quelle gare nous devons descendre. Pour moi, d’après ces renseignements, je peux conclure que mon Unité stationne toujours au même endroit. Vers 20h je prends le train en direction de Rouffach.

9 Janvier 1940

Vers 5 h du matin nous débarquons à Rouffach. La neige recouvre le sol. Vers 6 h. la camionnette me dépose à Osenbach et de suite je suis saisi par un froid vif et piquant. Je trouve le café Maurice ouvert et là je prends un bon café au lait pour me réchauffer. Il faut dire qu’avec mon copain Raymond Lelong nous sommes bien soignés dans ce café car nous avons été choisis par Marthe et Reine comme filleuls de guerre. Nous sommes considérés comme les enfants de la maison et rien ne nous manque. Peu à peu le village s’éveille sous un blanc manteau de neige, je revois avec plaisir les camarades. Au bureau j’apprends que depuis quelques jours je suis nommé à l’emploi de sous-officier adjoint au chef comptable, pour s’exprimer en termes militaires : fourrier. Ayant déjà travaillé presque un an au bureau pendant mon service actif, j’apprends avec joie cette bonne nouvelle. De plus j’apprends que maintenant les Caporal-Chefs mangent à la popote des officiers.Tout en mangeant les mêmes choses qu’à l’ordinaire nous mangeons beaucoup mieux, car la préparation est plus soignée et quelques fois nous avons des plats supplémentaires qui nous ne reviennent que d’un prix minimum.

Janvier 1940

Durant tout ce mois, la neige reste épaisse et nous nous livrons aux divers jeux auxquels on peut se livrer lorsqu’il a de la neige. Nous nous battons à coup de boules de neige, nous faisons de longues descentes en luge, nous faisons de longues glissades etc. Pour un instant on se croirait presque aux sports d’hiver.

28 Janvier 1940

Départ du capitaine Devaux qui laisse la Cie par force, étant appelé vers d’autres fonctions. Ce départ est regretté de toute la compagnie, car c’était un homme droit et juste.

6 Février 1940

Arrivée de notre nouveau Capitaine nommé Vernoy, ancien professeur de St-Maixent.

27 Février 1940

Le mois s’écoule petit à petit, le temps s’éclaircit, les raids des avions se font plus nombreux et chacun redoute l’approche du printemps, moment que l’on juge, depuis le début de la guerre comme décisif. Autour du 22 Février 1940 c’est le départ des premiers permissionnaires du 2ème tour. Le 26, le Chef comptable part en permission, c’est moi qui le remplace. J’ai peur, car la responsabilité est lourde. Enfin tout se passe pour le mieux et le Chef rentre sans qu’il m’arrive de pépins.

28 Mars 1940

Après avoir passé des fêtes de pâques assez joyeuses, voici arrivé mon 2ème tour de permission. Comme pour le premier je pars très gai, il ne serait en être autrement avec un bon arrosage. Cette fois, je ferai le voyage aller et retour avec mon copain Jean Perret, comme moi nivernais. En suivant le même itinéraire que la première fois, j’arrive le 29 Mars 1940 vers 22h à Briare où m’attend mon copain Jean. Un autre copain Romalo en permission depuis quelques jours, me fait l’heureuse surprise, d’être venu m’attendre.

Permission : décidément je joue de malchance, la première fois j’avais eu la neige, cette fois c’est la pluie. Malgré tout je passe une assez bonne permission. J’ai comme grand plaisir la joie de passer quelques jours avec mon copain Romolo.Nous sommes continuellement ensemble et pour se rappeler le bon vieux temps d’avant-guerre, il nous arrive de boire de bons canons. Une seule ombre au tableau pour que notre bonheur soit au complet, nous regrettons vivement l’absence de notre bon copain Roger. Durant cette permission, je travaille quelque peu pour me faire une petite cagnotte en vue de mon proche départ. Quelques jours avant ce départ, alors que j’étais parti voir des parents à Cosne, j’apprends à mon retour par une carte que m’ont envoyée quelques copains que je suis nommé au grade de sergent.

10 Avril 1940

Le jour du départ est arrivé. Après avoir fait mes adieux, je quitte le soir vers 11h la maison paternelle avec le cœur un peu moins gros que la dernière fois. Mon copain Jean qui est venu me prendre chez moi, me conduit, après un petit arrêt à Bonny, à Briare. Après avoir attendu là en sommeillant dans la salle d’attente, l’heure du train, je prends ce dernier le 11 Avril à 3h et je me retrouve avec mon copain Jean. Notre voyage de retour s’effectue dans de bonnes conditions, malgré tout il y a grande affluence et nous avons de la peine à trouver des places assises.

12 Avril 1940

Nous rejoignons avec joie notre cantonnement d’Osenbach et là nous reprenons notre train-train.

15 Avril 1940

A partir de ce jour nous sommes informés qu’à la fin du mois nous devrons quitter ce charmant petit pays. Tout notre bataillon doit faire échange de cantonnement avec le 17ème bataillon cantonné dans la haute Saône. Aussitôt se manifestent nos regrets de quitter une population aussi familiale. Pas un jour ne se passe sans qu’il soit question du départ et plus d’un cœur de jeune fille et de jeune femme sont déjà en émoi.

27 Avril 1940

C’est notre dernier jour à Osenbach. Premier événement de la journée, en arrivant au bureau, j’apprends que mon chef comptable, souffrant d’une blessure à la jambe se fait porter malade. Le toubib l’envoie dans un hôpital à Rouffach, ville située à quelques Km. Ainsi mon chef qui craignait de quitter un peu trop vite Osenbach et ses jolies filles, restera encore quelques temps dans les environs. Me voici donc investi des fonctions de Chef comptable, ça ne me réjouis pas, surtout en de pareilles circonstances. En l’occasion ces fonctions me donnent un léger avantage. Ne devant quitter le cantonnement que six heures après les derniers partants pour enregistrer le cas échéant les plaintes des habitants, je pouvais ainsi bénéficier de quelques bonnes heures supplémentaires dans cet inoubliable pays. Vers 7h du soir tout est prêt. C’est le commencement des adieux et tout le pays ne peut dissimuler son émotion, sentiment bien réciproque d’ailleurs. Chacun partira avec une musette bien pleine et un bidon bien rempli, sans oublier naturellement le traditionnel flacon de Shnapps. Toute la nuit il y a des départs successifs. Jusque sur la route les gens nous suivent pour nous faire une dernière fois leurs adieux.

28 Avril 1940

Osenbach se réveille très triste ce matin, on n’y voit pas le mouvement qui, au bout de six mois faisait partie de la vie du pays. Après avoir enregistré quelques réclamations de dégradations qu’ont formulées les habitants, notamment où était notre popote, je commence mes adieux. Avec le cœur bien gros je quitte mes propriétaires qui, pendant mon séjour parmi eux, ont toujours été très gentil avec moi. Puis j’en arrive au café Maurice, là toute la maison est en pleurs car je faisais partie de la maison. A 11h30 je mets la moto en route et après un dernier signe d’adieu, je quitte avec un vif regret ce petit pays où je ne manquerai pas de revenir à la première occasion. Après avoir déjeuner à Foulmatz en compagnie des autres chefs comptables, à 13h nous formons la colonne et c’est le grand départ. Nous passons à Belfort etc. pour arriver à Noray le bourg P.C.du bataillon. Quelques instants plus tard je pars pour rejoindre le cantonnement de ma Cie. En suivant l’itinéraire que l’on m’avait tracé, j’arrive à la Brosse, qui se révèle à mes yeux comme un joli trou. Je retrouve les copains qui en quelques mots me renseignent sur la mentalité du pays : les portes se sont fermées à leur arrivée et c’est tout juste si les officiers peuvent obtenir un lit. Pour ma part je coucherai dans la paille avec ma section qui est une des moins mal logées. Pour clôturer cette première journée j’arrose ma fête avec quelques copains. Ainsi se termine notre première journée à la Breuse et nous couchons assez gais, le vin nous ayant fait oublier notre chagrin.

29 Avril 1940. 9 Mai 1940

Séjour à la Breuse. Nous sommes soi-disant au repos, malgré que les trois quarts du temps nous sommes pris par les manœuvres. Nous allons aussi aux escargots et nous les mangeons le 5 Mai.. Une fois nous allons au cinéma à Lureau voir jouer César. Deux, trois jours plus tard je fais une fugue avec Petit Perrin et Briou jusqu’à Vesoul. Les autres jours nous allons fréquemment à Pomoy, commune située à quelques Km et un peu plus conséquente que la Breuse. Pendant mon séjour je reçois 2 colis de ma Marraine de Guerre et aussi de nombreuses lettres.

10 Mai 1940

De très bonne heure nous sommes réveillés par les ronronnements d’avions ennemis puis par des bruits de bombardement. Quelques camarades ont vu des escadrilles ennemies volant à très basse altitude. A 7h nous embarquons en camions pour nous rendre aux douches à Luxueil. Nous trouvons ce pays sous un aspect mélancolique, les gens ont formé des petits groupes et discutent, les pompiers en uniforme circulent. Alors nous apprenons que Luxueil, terrain d’aviation a été bombardé et que plusieurs avions ont été détruits au sol. Comme par hasard, pas d’aviateurs sur le terrain, ces derniers ayant fêté leur marraine de guerre la nuit précédente. Plus tard dans la journée nous apprenons que plusieurs autres terrains d’aviation ont été endommagés, D’autre part l’Allemagne a envahi le Luxembourg la hollande et la Belgique. Le soir nous devons nous tenir prêts à partir.

11 Mai 1940

Préparatifs de départ, départ fixé à la fin du jour, mais dés 16h nous évacuons Breuse pour stationner dans un petit bois. Grande activité d’aviation, tirs abondants de la D.C.A. Vers 8 h du soir, nous démarrons. Je fais le voyage en moto. Nous roulons toute la nuit du 11 au 12, sans lumière, nuit très noire, voyage très fatiguant, arrivée vers 5 h. du matin, le 12 dans Balschwiller, en Alsace. Dans la journée installation du cantonnement.

13 Mai 1940

Continuation d'installation.

14 Mai 1940

Alerte de très bonne heure le matin sans suite.

15 Mai 1940

Dans la matinée nous apprenons que nous partirons vers 16h. Préparatifs de départ. Départ. Soupe mangée dans un bois en cours de route. Arrivée vers 11h du soir à Bourtavon, frontière Suisse, où nous passons la nuit.

16 Mai 1940

Vers 17h nous partons pour Saaloff, à quelques mètres de la frontière Suisse, où nous arrivons vers 19h. Nous sommes répartis dans ce pays évacué, comprenant 5 fermes. Tout est désordre et nos prédécesseurs ont laissé un cantonnement très sale.

Du 16 Mai au 25 Mai 1940

Séjour à Saaloff.

Le 18, le Chef comptable rentre de l’hôpital. Le soir même je prends la garde au poste frontière. De Klosterlé.

Le 19 je vois ma marraine de guerre. Entre temps la vie est calme, nous fumons du tabac Suisse.

Le 25 Mai nous quittons Saaloff pour Kiffis, situé à 3 où 4 Kms.

Du 25 mai au 8 Juin 1940

Séjour à Kiffis. Un avion Allemand est abattu par un chasseur Suisse. Une nuit sur deux je vais au ravitaillement à Petterbrosse, voyage qui s’effectue entre 11h du soir et 3h du matin. Assez dangereux car il descend beaucoup de parachutistes dans la région. Autour du pays nous creusons des fossés anti-chars. Les événements se précipitent dans le Nord. Les Allemands avancent avec une facilité déconcertante. Le Roi des Belges capitule, cependant la confiance règne toujours et l’espoir subsiste.

8 Juin 1940

Départ de Kiffis pour Bouxwiller (près de Ferrette), arrivée vers 9h du soir.

9 Juin 1940

Réveil à 3h30, creusé les tranchées, enterré les chars, etc. Le soir vers 18 h. nous apprenons que de nouveau nous déménageons. Départ à 20h et vers 22h30 nous arrivons à Basnach près d’ Altkirch.

10 Juin 1940

Nous nous réveillons au petit jour et nous nous trouvons dans une grande propriété : une école. Dès la pointe du jour, grande activité de l’aviation, tirs de DCA. Dans la nuit précédente violents tirs de grosse artillerie. Vers le soir, départ pour un voyage qui doit durer toute la nuit. Voyage très fatiguant au cours de la nuit du 10 au 11 Juin 1940. Un camion porte-char transportant un char de la Cie monte sur le talus et se trouve en déséquilibre. Le char verse entraînant le mécanicien placé à côté. Ce dernier nommé Vignon est écrasé sous le char, c’est la première victime de la Cie. Au cours de la même nuit, Montalescot se tue en moto, dans le même accident Srauss est grièvement blessé. Dans un autre accident le sergent Legat se fêle le poignet. Violents tirs d’artillerie.

11 Juin 1940

A la pointe du jour, nous arrivons dans un bois près d’Andolsheim. Toujours très grande activité de l’aviation et plusieurs fois nous avons recours aux éléments de tranchée que nous avons creusés en vitesse. Là je reçois un paquet de ma marraine de guerre. Dedans je trouve un beau briquet dont elle m’a fait cadeau pour mon anniversaire. Le soir à la tombée de la nuit départ. Le trajet est court, nous effectuons plutôt une marche d’approche car le Rhin est proche. Nous passons prés des pièces d’artillerie, bien camouflées. Vers 23 h. 30 nous arrivons à destination, cependant que les tirs d’artillerie ont repris avec une violence accrue. Nous sommes très près du Rhin au Nord de Neuf Brisach. Dans la forêt de la Whart. Immédiatement les chars sont mis en position. Le PC de la Cie. est établi dans le moulin d’Elsenheim. Le Lt de Mesmay est blessé pendant le parcours.

12 Juin 1940

Aviation toujours très active. Nous évitons de sortir du P.C. car un observatoire ennemi à sans cesse les yeux portés sur la façade du moulin. A la fin de l’après midi, notre Capitaine revient de reconnaissance. Il réunit aussitôt les chefs de section et leur dit : qu’il faut s’attendre à un bombardement plus intense vers 2h du matin. D’après les renseignements venus de la D.J. il ressort des reconnaissances que l’ennemi a fait de grands préparatifs dans les jours précédents et qu’il faut s’attendre à une traversés du Rhin. Chacun rejoint son poste, confiant. Lt. de Mesmay transporté à l’hôpital.

13 Juin 1940

Vers une heure du matin je suis tiré du sommeil par le Capitaine lui-même. Il faut déménager. Cette alerte nous plonge tous dans la confusion. Alors que nous nous étions préparés à une contre-attaque, il nous faut déménager, les faits nous dépassent. Immédiatement nous effectuons les préparatifs cependant que le phare de l’observatoire ennemi balaie de son puissant projecteur la façade du moulin. Un char aveuglé par ses rayons éblouissants s’égare et échoue dans un profond fossé et devra attendre le jour pour être dépanné. A la pointe du jour ce char est survolé par des avions ennemis. Vers 7h du matin, nous arrivons à notre point de stationnement, situé dans un petit bois près de Mulhouse.

Visite de ma marraine de guerre. Le soir vers 20h nous partons de nouveau.

14 Juin 1940

Vers 5h30 du matin nous arrivons à Planchez Bas (Hte Saône). Nous prenons quelques heures de sommeil. Vers le soir notre Chef de Bataillon nous affirme que nous pourrons enfin prendre une nuit complète de repos et faire la grasse matinée, afin d’être frais et dispos pour embarquer par chemin de fer le lendemain à destination de la région parisienne.

15 juin 1940

Vers 1h du matin, je suis réveillé par notre planton de Bataillon. Il y a contre ordre, nous devons partir immédiatement au-devant de l’ennemi qui vient de Langres. Aussitôt j’alerte toute la Cie et au petit jour nous démarrons laissant dans le pays l’échelon sur roues. Le Lt. Théry et quelques motocyclistes nous précédent, nous servant d’avant-garde. Toutes les précautions ont été prises pour pouvoir entrer en action le cas échéant. Une division Polonaise équipée à neuf nous double sur la route. Nous traversons Lure, population consternée. La roulante nous amène la soupe dans un petit bois près de Frottey les Vesoul. Quelques heures de pause et nous repartons. Nombreuses alertes aux avions le long de la route. Traversée de Vesoul. Nous croisons des colonnes de réfugiés et aussi beaucoup de troupes en désordre, étonnement de tous de rencontrer des officiers et leurs femmes se sauvant en voiture. Les copains interloqués nous disent « Les officiers se sont sauvés en voiture, nous nous sauvons aussi.. »

Avec les Polonais nous sommes les seuls à monter.

Convois formés de troupes, d’évacués, et des jeunes gens de 17 à 20 ans, appelés au service de la Patrie.

La 5ème colonne jette l’alarme.

A la tombée de la nuit, nous arrivons sur les bords de la Saône où nous prenons position, là nous a devancé la Division Polonaise, vue le matin.

P.C. de la Cie. près de Bendrecourt dont les gens nous ravitaillent car nous sommes sans ravitaillement. Les gens du pays préfèrent évacuer leurs maisons et passer la nuit dans les bois. Nous prenons un peu de repos.

16 Juin 1940

Dés le lever du jour, nous sommes debout, sachant ce qui nous attend. Nous sommes prêts à répondre à toute éventualité. Le pont reliant Jussey à Cendrecourt, saute.

Tirs des FM polonais. L’ennemi est de l’autre côté de la Saône

La 2ième section entre en batterie. Dans un endroit bien dissimulé je peux distinguer quelques autos mitrailleuses ennemies.

En train de casser la croûte avec Laurent quand le 1er obus ennemi de 37 me passe à 50m à droite, puis un à gauche et un autre au-dessus de nous. Nous l’avons échappé belle. Nous prenons nos positions de combat. Les avions Italiens nous mitraillent au sol. Plusieurs Polonais sont tués où blessés, pas de service sanitaire. Dans la matinée le pont du chemin de fer saute alors qu’un train marchant à reculons y était engagé. Plusieurs wagons sont projetés dans la Saône. Tirs et bombardements sont nombreux. A 13h ordre de repli, les Polonais se replient avec des moyens de fortune, bicyclettes, voitures et chevaux réquisitionnés dans les fermes etc. Bombardements aériens .Durant la nuit à 400m. de l’ennemi, sans essence, les chars en panne sèche sont pris en remorque.

17 Juin 1940

Au matin nous retrouvons l’échelon sur roues près de Lure. Direction Luxeuil. Vols d’avions. Prenons position dans l’après midi dans un petit bois près de Saint Sauveur. Le soir envoyé en mission auprès du Général Cot les chars. Nous ne savons rien sur la situation, je marche au hasard, revolver au poing, prêt à répondre à toute surprise. A minuit, je rentre ma mission accomplie. Nous sommes sans nouvelles de Spouy, Faye, Guyot, envoyés en mission.

18 Juin 1940

A 1h du matin je suis réveillé. Les sentinelles entendent des bruits de moteur au loin. Je fais le guet jusqu’au lever du jour. Lamy a déserté, je prends sa place de Chef de Char. Bombardement terrible de 6h à 11h. Les 3ème, 4ème 2ème sections tirent sans arrêt. Avec la 1ère section nous avons pris en surveillance le bois situé en face de nous où des éléments d’infanterie ennemie se sont infiltrés. Au début de l’après-midi nous devons nous rendre à St Sauveur. Là plusieurs maisons sont en feu. Nous nous heurtons aux Allemands qui occupent le pays en différents points. Nous nous replions sur un tracteur laissant aux chars couvrirent notre retraite. Ils font un travail formidable. Haas est légèrement blessé. Vers 17h la Cie est regroupée à l’entrée de Faucogney. Les chars après avoir fait beaucoup de casse se sont tous repliés. Le temps de faire le ravitaillement et l’ennemi qui nous a suivit est déjà là. Aussitôt nous prenons position. Toute la nuit nous sommes pris sous un terrible bombardement.

19 Juin 1940

Le bombardement a cessé et la situation est devenue calme. Nous en sommes étonnés. Quelques tirs lointains. Vers midi je suis chargé d’évacuer un certain nombre de copains qui ne nous sont pas utiles pour l’instant. Pendant ce temps les équipages doivent répondre à une vigoureuse attaque. L’ennemi trouvant une forte résistance a essayé de nous contourner, mais nous avons déjoué l’astuce et y faisons face. La bataille fait rage, la 3ième section est fortement mise à l’épreuve. Cette fois nous avons affaire aux gros chars allemands avec leurs 77.

Plusieurs de nos chars sont percés et prennent feu. Nous sommes obligés de les abandonner.

Mes camarades Alexandre, Tiphine, Lachaud, Cholley, Chevallot, trouvent la mort dans ce combat. L’Aspirant Labbaye et Bôte sont blessés. Le soir, seuls trois chars restent en état de combattre. Encerclés de toutes parts, nous comprenons que nous n’avons plus rien à espérer et sous l’ordre de notre Général, nous brisons le matériel et abandonnant le cœur bien gros, tout un matériel que nous avons entretenu de notre mieux durant 9 mois. Nous nous réfugions dans les bois, les bombardements continuent.

20 Juin 1940

Seuls les 3 chars ont repris position, cependant que nous avons marché une partie de la nuit. Vers 9 h. nous arrivons dans un petit pays nommé Saussure sur Exelotte. Les Allemands n’y sont pas encore. Après nous y être renseignés et pris un peu de ravitaillement, nous remontons dans les bois. La D.C.A. tire toujours.

21 Juin 1940

Nous vivons toute la journée et la nuit dans les bois avec 1 biscuit de guerre et 1 sardine comme tout repas.

22 Juin 1940

Un copain nous ayant appris qu’il y avait une trêve de feux et que l’armistice était sur le point d’être signé, nous redescendons dans le pays, nous sommes ravitaillés par la population qui est d’une extrême gentillesse. Dans l’après midi nous nous débrouillons par nous-mêmes. Nous récupérons 3 fourneaux sur un train abandonné et le soir nous avons comme repas viande, riz et pain.

Malheureusement le soir même les Allemands sont venus dans le pays et nous ont fait prisonniers et nous ont emmenés à Remiremont

ROBERT LANGER

Robert fut libéré en 1945. Il arriva à Paris par la gare de l’Est.

C’est Raymond Gourdet qui est parti à la gare de Neuvy pour le reconduire chez ses parents au Port.