08 - Joseph Pérot

17 juillet, 2 août, 7 août : tristes journées.

17 juillet, vers 11 heures du matin, heure allemande, une vague de « forteresses volantes » s'est amenée au-dessus de Neuvy. Les avions ont lâché des bombes. Je préparais dans ma cour, la moissonneuse pour commencer la moisson le soir. Mes enfants étaient chez Madame Miton au Port. J'ai pris mon vélo, ça tombait encore et je suis parti à la recherche de mes gosses naturellement. Et ma femme m'a suivi tout de suite derrière. Je suis arrivé comme j'ai pu. Il y avait des bombes sur le boulevard de la Mairie. La rue était coupée complètement. Alors je suis passé sur les côtés comme j'ai pu. Arrivé au pont de chemin de fer, il y en avait une en plein au pied du pont. Alors il a fallu que je monte sur la 'ligne' pour traverser. Quand je suis arrivé chez Madame Miton j'ai appelé naturellement ! Elle a répondu : « N'ayez pas peur, il n'y a pas de mal ». Mais il y en avait ailleurs ! Raymond Gourdet m'a dit : « Tu restes nous aider... J'ai répondu: « Avant je ramène les enfants jusqu'à leur mère. »

On s'y est mis tout de suite. Tiens, il y a une blessée ici : c'est Denise Petit. On l'a emportée. On l'a mise sous la Halle sur la place du marché, là où on mettait les blessés et les morts. Comme brancard on avait une échelle et à la Halle, on avait trouvé un petit matelas qu'on a mis dessus. Après nous sommes retournés sur le Port. On y a trouvé Girard Edmond, le père, qui était blessé. Quand on est arrivé pour le ramasser en lui disant « Allez on t'emporte ! - Non! Laissez moi crever là ! » On l'a emporté en lui disant « Fous-nous la paix, on t'emmène ! ».

La première autorité que nous avons vue était l'abbé Châtillon, curé de Neuvy. C'est lui qui nous dirigeait. Il nous disait comment mettre les blessés, les morts ; il nous demandait de les ramasser et de les conduire dans la salle paroissiale ... Il nous faisait mettre du grésil pour éloigner les mouches... Puis le lendemain il a fallu s'occuper du déblaiement, ainsi que les jours suivants.

Le 2 août est arrivé. J'étais en train de faucher l'avoine dans le champ. Tout à coup j'entends encore des avions ! Nous sommes partis avec mon voisin pour aider à ramasser les blessés. Mais hélas des blessés, on n'en a pas ramassé beaucoup, on a surtout ramassé des morts : La petite belle-sœur à Jean Robert, la femme Berger née Andrée Rolland ... On a cherché une fille Chapat, Gisèle, une belle-sœur à Bertrand... A la croix de Pâques, c'était épouvantable, il n'y avait qu'un trou... On jetait les gravats dans les trous de bombes pour déblayer... On a fait comme ça pendant plusieurs jours...

Il y avait eu l'enterrement du premier bombardement. Le curé avait fait une cérémonie sur-le-champ de foire, car il y avait trop de morts : 42 cercueils là, le long du mur tous en ligne... Et puis le deuxième coup, l'abbé n'a plus voulu refaire la cérémonie à l'Eglise. On conduisait les morts... C'était Fougerat avec une espèce de camion bas de l'usine, sur lequel on transportait les cercueils jusqu'au cimetière. Et le curé faisait la cérémonie au fur et à mesure qu'on lui amenait les corps. Il a passé sa journée là-bas…

Après il fallait tout organiser, préparer, demander pour ceux qui n'avaient plus rien, répartir les aides que les communes environnantes nous avaient envoyées, et s'occuper des sinistrés... Cela a duré très longtemps, des années même. »

Récit de Joseph Pérot de la ferme du Coudray pour la cassette vidéo. Âgé de 40 ans en 1944.

Maison Miton rue du Port