12 - Gaston Gâteau

J'étais devant l'hôtel de la Paix, hôtel de mes parents ce 17 juillet 1944. L'hôtel était fermé comme tous les lundis « fermeture imposée » mais il y avait quand même le cuisinier et la serveuse qui vaquaient à leurs occupations. Et quelques clients habituels qui passaient par derrière, puisque nous étions sur la RN 7.

Un client nous voyant dehors nous cria: «Sauvez-vous, c'est des bombes, Sauvez-vous ! » On aperçut des avions mais ça tombait déjà avant de faire quoi que se soit... Mon père, Pierre Gâteau nous criait de descendre à la cave, mais ça tombait où ça voulait... Il n'y avait pas moyen de se protéger, ça tombait ... Je suis arrivé à l’hôtel, à la porte la plus proche sur le côté de la salle du café pour me mettre à l'abri dans la maison. Seulement, du fait que c'était jour de fermeture, cette porte était verrouillée. Je me suis blotti dans le renfoncement par une espèce d'instinct contre le panneau de la porte, lorsque la bombe qui tombait sur la ferme des Buisson explosa. Sous le choc du souffle brutal, la porte céda et fut projetée à l'intérieur, et moi aussi, comme un vulgaire sac de chiffons! Pierre, mon père criait : « A la cave ! A la cave, vite ! » Quand je suis descendu à la cave, le bombardement était terminé.

Lorsque la famille Gâteau sortit, elle se trouva dans un nuage de poussière, étouffant et angoissant, recouvrant tout d'une épaisse couche grise.

Quand je suis sorti le spectacle était épouvantable. Quelle horreur ! Ma voisine la plus proche, Madame Buisson (60 ans) plus connue sous le nom de «Bibitiau» était tuée. Son mari avait été projeté par le souffle, sous le hangar où il y avait de la paille. Il fut très choqué mais ne semblait pas trop touché par des éclats. Cependant il avait des blessures internes et mourut trois jours après sa femme... Partout des dégâts On se frayait un passage comme on pouvait. Le boulevard était labouré du pont à chez nous.

Je me souviens d’avoir vue la petite Jocelyne Beaunier (5 ans) qui saignait beaucoup. Elles est partie une des premières pour l’hôpital de Cosne où elle a été opérée. Elle a toujours de graves séquelles aujourd’hui.

J’ai couru jusqu’à Gardefort pour avoir des nouvelles des grands-parents et pendant ce temps-là, des avions sont venus pour mitrailler les trains en gare. Lorsque je suis rentré à l’hôtel, il a fallu aider mon père et ma mère à nettoyer et secourir ceux qui avaient besoin comme beaucoup de la famille.

Je me souviens d'avoir vu l'armée allemande défiler la veille, le dimanche 16 juillet au matin. Elle marchait au pas, bien droite et fière, puissante encore. Elle venait de la gare et traversait le village... Le lendemain, elle est partie la nuit, avec ses blessés en tirant la patte... Ce devait être dur pour ces jeunes soldats, même s'ils étaient nos ennemis, cela devait les marquer quand même...

Gaston Gâteau-Hôtel de la Paix, face au Château - 13 ans en 1944

Ferme Buisson à côté de l’Hôtel de la Paix

Face à l’Entrée du parc