1918 : Agenda de Ludovic Bedu

1918 : Agenda de Ludovic Bedu

1 Janvier : La Loire qui s’était prise la nuit dernière sous l’influence d’un froid de plusieurs jours. Moins 12°.

2 Janvier : Desfougères a apporté les briquettes de charbon. Rosalie les avait payés d’avance; il faut procéder ainsi pour être à peu près certain d’en avoir.

3 Janvier : Le fils de Rosalie Poisson est reparti ce matin à 8 h 30 pour Paris; il était ici depuis le 30 octobre au soir et avait apporté 3 perdrix, une boite de pâté de foie, quelques morceaux de savon et un paquet de tabac.

4 Janvier : ce matin moins 15 °. Louis écrit de Périgueux (bureau de la place) ou je dois lui adresse sa correspondance jusqu'à son installation avec sa femme, dans son petit logement qu’il a retenu. Il se plaint amèrement de la modicité de sa solde de 300 fr.

5 Janvier : Début à l’usine Fougerat de Rosalie Poisson pour travailler à façon.

8 Janvier : Ce matin moins 2° ; il neige une partie de la nuit. Ce matin il y a déjà 15 cm de neige et la neige continue de tomber.

9 Janvier : Sous l’influence de la crue, les glaces se séparent, brisent à moitié les poteaux de la passerelle et s’amoncèlent à divers endroit du quai. On craint une inondation.

10 Janvier : Louis : Il a plu au commandant qui est très bien disposé à son égard.

11 Janvier : Louis m’écrit qu’il attend toujours que le logement qu’il a retenu soit libre pour y faire venir sa femme.

13 Janvier : Le Wagon demandé par Beauchef est signalé et arrivera demain ou mardi.

14 Janvier : Mme Louis Brosson-Digeon a été inhumée aujourd’hui ; elle avait 79 ans.

16 Janvier : Louis me dit qu’il est en possession de l’appartement qu’il a loué et que sa femme est venue l’y rejoindre. Le Colonel de Lartigues est parfait avec lui.

19 Janvier : Roger m’a enfin envoyé un mot au quel j’ai répondu en lui disant que depuis le 28 octobre 1917 je n’avais rien reçu de lui.

24 Janvier : Allocations Militaires : Rosalie a touché à la poste, mon allocation (45 fr) et la sienne (45 fr) qu’elle a mis en caisse commune. Je lui ai laissé le montant de la sienne pour envoyer 20 fr à son fils.

25 Janvier : Le docteur Louis Boucher est venu me voir quelques instants ; on lui a donné enfin son 2éme galon de médecin –major. Il en a assez du régime militaire et espère en être bientôt débarrassé. Il ne peut rester que 48 heures à Neuvy.

28 Janvier : J’ai vu Auguste Rondeau, venu d’Italie en permission ; il est à Vérone conducteur d’autos-tracteurs : ils ne font rien. Les Italiens sont rebutés, mal nourris, peu payés. Et pas enchantés du tout que nous soyons venu les soutenir et les forcer à se battre ; ils auraient fait la paix avec l’Autriche à n’importe quel prix. Ca leur est bien égal ! Pauvre sœur latine : peuple fini !!!

29 Janvier : Roger m’a écrit qu’il a quitté Diefmatten (Hte Alsace) et il me fera savoir son nouveau poste d’ici quelques jours. Louis et sa femme vont bien et jouissent à Périgueux d’une température printanière. Ils souhaitent y passer l’hiver.

30 Janvier : Rosalie est allée en Berry d’où elle a rapporté quelques fagots de bois sec. Il n’y a plus ici aucune espèce de charbon : boulets ou briquettes. Et le marchand Beauchef ne sait pas quand il en recevra.

Froid et neigeux la première semaine puis grand froid. La Loire qui s’était embaclée dans la nuit du 21 décembre, se débâcle le 9 sous l’influence de l’adoucissement de la température.

1 Février : Rosalie est retournée en Berry et a rapportée encore des fagots de bois moyen et de gros bois. Quarante morceaux environ en vert qui avec le peu qu’il nous reste de sec, nous permettrons d’attendre le charbon de Beauchef. J’ai payé à Pierre Rondeau les 2 passages de Rosalie et de ses fagots de bois : 3 fr.

3 Février : Louis m’a écrit une bonne lettre ; il reprend des forces et pense que sa santé reviendra aussi bonne que par le passé.

4 Février : J’ai répondu à Louis et l’engage à écrire le volume qu’il prépare sur les faits de guerre qu’il a vus et dont il a été acteur pour une part.

5 Février : J’ai reçu de Beauchef les 200 kg de charbon que Rosalie a payé hier à raison de 7 fr 50 les 100 kg. Je l’ai essayé ce soir ; il brule bien, ne fume pas et ne laisse pas trop de déchets. Bref très supérieur aux briquettes.

6 Février : M. de Larmandie m’a écrit qu’il n’était pas satisfait que son vin ait été réquisitionné à un prix dérisoire (dit-il) ; c’est la loi commune et tous les propriétaires récoltants en sont là.

7 Février : Roger m’écrit que son régiment est dans les Vosges à Darney (1800 habitants) à six lieues de Mirecourt : C’est un assez bon patelin dit-il.

11 février : Louis me dit ce que j’avais prévu ; son commandant devient encombrant ; et bien qu’il est pris Louis en considération, il ne le quitte pas d’une semelle.

12 Février : Rosalie est allé pour la dernière fois au jardin du val où elle avait laissé quelques légumes, mais elle n’a plus rien trouvé et s’est contenté de rapporter une salade de doucette.

15 Février : Roger est en permission à Paris; il rejoindra son bataillon le 21. Il ne viendra qu’en juin avec son frère ; il me dit être porté pour la croix de guerre avec citation.

16 Février : Il parait que Beauchef aura sous quelques jours du pétrole à 1 fr 25 le litre. Il faut s’inscrire.

26 Février : Louis m’écrit qu’il a passé une visite médicale ; la plaie des cotes avec brisement de deux cotes, a laissé des adhérences de la plèvre et production de souffle rauque jusque vers le sommet du poumon. Son commandant n’a pas le cerveau bien équilibré et veut faire supporter à son adjoint les nombreux impairs dont il est coutumier. Ce rôle ne va pas à Louis qui ne veut pas supporter les caprices de ce vieux ramolli, auquel depuis longtemps, on aurait du fendre l’oreille. A part cela, le reste va bien.

28 Février : Le 1er mars on doit aller chercher nos cartes de pain : les hommes ont droit à 500 gr et les femmes 300 gr par jour.

2 Mars : Rosalie,est partie après son travail, malgré le mauvais temps (neige depuis 4 jours) est allée à Gardefort pour rapporter 4 fromages et du lait. Jeudi au marché on ne trouvait rien et le beurre (mauvais) coutait 4 fr la livre. J’ai payé à Milet, ½ litre d’huile simili noix 2 fr 70 et 5 petits paquets de Vanilline à 0fr 15 l’un.

3 Mars : Payé à Pierre Rondeau le passage de Rosalie et de des fagots qu’elle trouve en Berry.

4 Mars : Louis et sa femme Marie Louise m’ont envoyé 2 litres de Tip et margarine, un camembert, un morceau de brie et une petite terrine de foie gras de leur région.

5 Mars : Roger me dit qu’il va quitter les Vosges mais il ne sait pas encore pour aller où.

9 Mars ; Roger est toujours en route et il me fera savoir quand il sera arrivé à destination.

10 Mars : Rosalie est allée à Bonny par le train du matin, dans l’espoir d’y trouver du charbon et du pain. Elle avait emmené la brouette. N’ayant pas trouvé de charbon, elle a pu avoir à grande peine, du pain, des pates, des légumes, le tout payé sur son salaire de l’usine et montant à 15 fr 40.

12 Mars : M. Bedy est venu me rendre visite : il pense que nombre d’Américains resteront en France après la guerre pour exploiter les travaux immenses qu’ils y ont déjà exécutés et profiter des richesses inutilisées de ce pays de fonctionnaires.

11 Mars : En revenant du travail, Rosalie a rapporté du lait, de la crème, un fromage et des pommes.

14 Mars : Roger m’écrit un mot, il me donne à entendre que son régiment est dans la Marne mais non définitivement à son poste de combat. Il est cité à l’ordre du régiment avec croix de guerre. Il m’enverra sous peu le libellé de cette citation.

15 Mars : Louis est toujours ennuyé de l’organisation de son commandant qui le retient au bureau même le dimanche où il n’a rien à faire. Il sent une lourde hostilité contre l’obtention de la légion d’honneur, malgré ses deux citations à l’Organisation de la division et ses graves blessures. Quand on en voit tant d’autres décorés à l’arrière et qui n’ont jamais vu le feu. C’est ainsi !

17 Mars : Rosalie a touché 18 fr à l’usine pour son salaire d’une semaine et en a dépensé une grande partie pour acheter les denrées nécessaires au ménage.

18 Mars : Roger est à Suippes entre Chalons et Reins pour peu de temps.

19 Mars : Rosalie a semé chez Félicie Billiard : persil, carottes et chicorée amère. Elle en a ramené une brouettée de charbonnette.

20 Mars : Adrien Rondeau m’a donné un paquet de 100 gr de tabac de cantine ; il n’a pas voulu être payé.

21 Mars : J’écris au Préfet pour demander du secours pour Beauvois.

24 Mars : Bonnejoy (qui nous doit l’héritage de grand-père Vivien) a répondu une longue lettre, invoquant pour son retard : le métier militaire, le moratorium, sa maladie etc.…Il termine en me jurant sur le tête de son fils ( !!!) que je serai payé huit jours après qu’il aura été réformé (si toute fois il l’obtient) et ne serait pas fâché que je l’aide dans la circonstance !!!???!!!. Il se f… de nous.

25 Mars : Rosalie a été touché nos deux allocations militaires ; elle a gardé la sienne pour solder les petites dettes de la quinzaine (pain, boucherie, épicerie).

1 Avril : Roger doit avoir quitté la Marne pour la Somme, depuis la ruée allemande sur ce point. Hélas combien reviendront-ils de ces horribles boucheries ?

2 Avril : Desenne a ses deux fils sur la Somme, au front Franco-Anglais.

3 Avril : La Loire croit depuis 2 jours ; il a plu probablement en quantité dans la Haute Loire ou c’est la fonte des neiges. On annonce pour demain 2 m 80 chez nous.

4 Avril : Félicie Billiard m’a envoyé une brouette de charbonnette. Comment font ceux qui sont seuls.

6 Avril : On a battu au son de la grosse caisse que si des avions ou Gothas étaient au voisinage du patelin, le clairon et les sirènes des fabriques donneraient l’alarme et ordre d’éteindre les lumières.

9 Avril : Roger, le fils de Rosalie est reparti ce matin pour Paris après ses 7 jours de permission.

10 Avril : Louis Boucher mon neveu est venu me voir ; il est provisoirement en sursis pour son engagement (durée de guerre- service médical).

11 Avril : Mon fils Roger est au feu depuis 8 jours, son mot est au crayon sur une carte et date du 4.

12 Avril : Suppression de nos deux trains du soir : c’est la guerre encore.

13 Avril : Un mot de Roger du 10 : Après 14 jours de bataille, il attend avec impatience la relève étant couvert de boue, de sang et de loques.

18 Avril : La Loire croit ; elle affleure la crête du quai ce qui représente 2 m 97 à Neuvy.

20 Avril : Louis a encore fait enlever une esquille de sa cote brisée ; les majors n’avaient pas convenablement travaillé : Ces goujats !!

22 Avril : Je me suis occupé à scier les morceaux d’acacia que Rosalie a rapportés hier soir des talus de chemin de fer.

23 Avril : M. Bouvet est venu me voir et était en compagnie de Ms Albert Corneau et du fils Ruau dont le père fut chef de gare à Neuvy.

24 Avril : Louis me dit que son commandant sera remplacé jeudi 25 par un lieutenant colonel : je ne croit pas qu’il perde au change.

1 Mai : Mort de Talabard d’une péritonite tuberculeuse ; il avait 56 ans.

2 Mai : Mort de Bardin à 76 ans d’une 3éme attaque de paralysie.

3 Mai : Roger a quitté la Somme et est en ce moment dans les Vosges pour un repos bien mérité par 15 jours en 1ére ligne.

4 Mai : Rosalie est allée au bois en Berry ; elle a rapporté 11 fagots de bois sec et des morceaux de bois vert.

5 Mai : Louis m’a fait parvenir par M. Galice, 65 kg de patates. J’ai payé le transport 4 fr 05 à M. Héliard.

6 Mai : M. Merlot m’a amené une poche de bon charbon moyennant 20 fr.

11 Mai : M. Durand (matelassier à Bonny) m’avertit que sa femme en venant à Neuvy vers le 25, m’apportera les 50 fr pour le prix des 2 lits de fer et des sommiers que je leur ai vendu.

14 Mai : Rosalie a pu rapporter de Gardefort 2 litres de lait à 0 fr40 l’un et un fromage essui de 0fr 75 que l’on payait 0 fr 15 avant guerre.

21 Mai : Rosalie est allée a Gardefort chercher un peu de laitage ; elle a rapporté 4 litres de lait.

24 Mai : Le fils de Louis Lagrange, gendre de Mme Bouvet est mort à 32 ans d’une larybgo- tuberculeuse. Rosalie a été à la triste cérémonie.

25 Mai : Rosalie a touché son allocation et la mienne ; elle m’a remis le tout pour les besoins domestiques. Du reste, depuis qu’elle travaille à l’usine, sa paye hebdomadaire est employée aux mêmes usages sans quoi nous ne pourrions pas vivre.

30 Mai : Rosalie a expédié une valise contenant des couches, bandes de toile et petits draps pour la femme de Louis.

4 Juin : Rosalie a acheté 3 petits lapins moyennant 9 fr.

8 Juin : La famille de André Billiard, sa femme, les 4 enfants de mon neveu sont venus hier de Rouen à cause des bombardements d’avions boches ; la mère et les cousines de Marguerite les ont accompagnés et tous sont venus s’installer chez ma sœur.

12 juin : Payé à la femme Marger de Belleville 2 petits paquets de carottes nouvelles.

13 Juin : Louis m’a envoyé une dépêche datée du 11, m’annonçant que sa femme Marie Louise est accouchée d’un beau garçon et que tout va bien, le bébé pèse 2 kg 500. Me voilà grand père !

14Juin : Bonnejoy ne pourra m’envoyer de fonds (m’appartenant) qu’après la constitution de sa société : cette fumisterie dure depuis plus de 18 mois !

26 Juin : Roger m’écrit un petit mot : Après un long transport, ils sont dans l’Oise à Pont St Maxence à 2 lieues de Senlis en attendant d’aller où doit se produire la ruée boche. Il m’envoie 3 petits paquets de 40 gr et 500 gr de gros tabac. De plus il m’envoie sa citation au régiment avec Croix de Guerre qu’on lui devait depuis plus d’un an.

27 Juin : J’ai envoyé à Louis des semelles en caoutchouc et il me demande la manière de les fixer à ses souliers.

30 Juin : La famille de non neveu André Billiard est venue me rendre visite. Les enfants sont souffrants ; Valentine a des granulations dans la gorge ; Jacques a des polypes naso-pharyngiens et Odette n’a pas l’intestin bien solide depuis les opérations qu’elle a subies.

1 Juillet : Achille Grange est venu me voir pour ses ulcères variqueux ; je lui ai fait une ordonnance.

2 Juillet : Toute la famille d’André est repartie ce matin pour Rouen sauf Mme Maréchal sa belle mère qui se rend à Royat.

3 Juillet : J’ai écrit à Bonnejoy pour qu’il m’envoie au moins quelques francs en attendant que sa SOIT-DISANT société soit constituée !

4 Juillet : Roger me dit qu’il se rapproche de Soissons ; il va bien et l’endroit lui parait calme en ce moment. Il espère avoir une permission. Hier les fils Canot et Corneau étaient venus en permission de 3 jours.

7 Juillet : Louis me dit qu’ils vont bien, sa femme et lui ; le petit grossit (3 livres en 24 jours) c’est parfait et la maman ne s’en porte que mieux. Il me dit aussi que les embarras de la Fête Américaine du 4, l’ont un peu fatigué ; il se trouve plus fort cependant et sent que ses blessures ne le tourmentent plus autant.

9 Juillet : Henri Lechien a été opéré parait-il d’une tumeur et son état laisserait peu d’espoir.

10 Juillet : M. Larmandie m’écrit que son fils Bertrand, blessé il y a quelques jours (arrachement de l’épaule par un obus) est mort après 6 jours de dures souffrances. La destinée féroce ne l’a guère épargné non plus.

11 Juillet : J’ai répondu à Louis et lui envoie une notice pour coller les semelles en caoutchouc de J.S. Fougerat.

12 Juillet : Roger quitte le petit pays près de Soissons pour une destination inconnue pour le moment.

13 juillet : Desenne m’écrit qu’il n’a pas de nouvelles de son fils ainé depuis plusieurs semaines.

14 Juillet : Henri Lechien est revenu de l’hôpital dans un état désespéré ; il est mort ce soir sans avoir repris connaissance; il n’avait que 48 ans.

15 Juillet : Rosalie a touché sa semaine à la fabrique Fougerat 20 fr. sur laquelle elle a dépensé pour le ménage en victuailles diverses 17 fr 25. De sorte qu’il ne nous reste à tous deux que 5 fr pour aller jusqu’à la paie des allocations.

16 Juillet : Rosalie est allée dans les alluvions de Loire, en face de l’ile à Margot et elle a coupé 11 bons fagots dont elle en rapporte cinq à la maison. L’après midi elle est allée dans les champs du val pour essayer de glaner un peu d’avoine, mais ça ne fait que commencer et l’on ne peut glaner qu’après l’enlèvement des gerbes. On ne trouve plus ni son ni avoine en ce moment et il est fort difficile de nourrir la volaille.

17 Juillet : J’ai adressé à ma petite nièce Odette Billiard un petit mot en latin puisqu’on lui fait apprendre, pour la remercier de ses sentiments affectueux envers moi. Du moins elle m’a semblé bien gentille pendant les quelques jours passés à Neuvy avec sa famille.

18 Juillet : Rosalie est repartie hier faire des fagots qu’elle laisse sécher un peu et elle a ramené ceux qu’elle avait laissés l’autre jour.

19 Juillet : Louis m’envoie une lettre taxée au bureau de Périgueux malgré le cachet du commandant et la signature du lieutenant Bedu. Je n’avais pas la monnaie nécessaire 0 fr 30 pour prendre la lettre, mais quand même je l’aurai et l’ai refusée par principe et j’ai écrit à Louis.

20 Juillet : J’ai envoyé à ma nièce Marguerite Boucher (femme de Pierre) un petit mot et un acrostiche (poème grec) pour sa fête de demain. Rosalie est allée ce soir, en face de la maisonnette, dans le val où elle a pu glaner un peu d’avoine pour la basse-cour.

21 Juillet : Le Docteur Boucher, mon neveu est ici avec sa femme pour emménager dans la maison du champ des cris.

22 juillet : Rosalie a fourni pour les victuailles de la maison les 15 fr qui lui ont été payé hier à l’usine Fougerat.

23 Juillet : Allocations militaires : Rosalie a touché mon allocation et la sienne qu’elle a gardé pour payer divers arriérés aux docks, à la boucherie et un acompte de 10 fr de charbon à M. Merlot.

24 Juillet : Rondeau : Je lui ai payé les passages dus, quand Rosalie allait sur l’ile Gaudron avec Mme Talabard fagoter le bois qu’avait coupé son mari avec l’autorisation de Gaudron.

25 Juillet : Francis Lefèvre frère de Joseph dit Béjot s’est évadé d’Allemagne : il a écrit à sa femme et à ses 2 enfants pour dire qu’il ne tarderait pas à arriver. Il pourra peut-être donner quelques vrais nouvelles.

26 Juillet : J’ai donné 10 fr pour acheter un lapin (7 fr 50) de façon à éviter d’aller à la boucherie dont les prix sont inabordables. Ce lapin pèse 2 kg 750, étant admis qu’il perde 1 kg dépouillé et vidé, il revient à 4 fr 30 le kg. C’est encore moins cher que le veau au prix du jour. Ma sœur Félicie est venue m’apporter une jolie corbeille de haricots dits mange-tout.

27 Juillet : Rosalie a acheté du savon-potasse et diverses victuailles (fromage, huile…)

28 Juillet : Le brigadier de gendarmerie Pellé est venu me rendre visite.

29 Juillet : Louis me dit que la lettre que j’avais refusée a été jetée au rebut. Il me dit que ses blessures le font souffrir et que le surmenage occasionné par les fêtes du 14, puis l’obligation d’aller aux incendies à 15 km même la nuit l’ont beaucoup fatigué.

30 Juillet : Payé la mère Pauron et sa fille pour le lavage de tout le linge, draps, couvertures…4 fr 70.

1 Aout : Rosalie a glané quelques épis dans le champ de la coquetterie.

3 Aout : Depuis la restriction nos 700 gr de pain par jour ne nous suffisent qu’à peine à Rosalie et moi. Le travail qu’elle fait à la fabrique et pour la maison (glanage et bois) nécessiterait un surcroit de nourriture. Il lui faudrait un peu de viande tous les jours.

4 Aout : Rosalie a touche sa semaine : elle est augmentée de 0,25 cts par jour soit 3 fr 50 depuis le 1er aout. Pour 49 h de travail on lui a remis ce soir 16 fr 65 qu’elle a dépensé en victuailles pour la maison. Ce soir elle est partie glaner vers le Petit Fouilloy, les Cherriers… Elle a rapporté une douzaine de belles glanes et des épis qu’elle a ramassés, coupés par la moissonneuse. Avec les instruments aratoires si bien conditionnés soient-ils, on perd beaucoup de grain.

5 Aout : Rosalie a rapporté des iles, les bourrées qu’elle y avait faites, il y a une dizaine de jours. On lui en avait dérobé deux sur les 15.

6 aout : Félicie Billiard nous apporte 4 œufs pour notre diner.

10 Aout : Rosalie a touché sa paye soit 15 fr et 1 fr de gratification sur lesquels elle a soldé le pain arriéré de la semaine 4 fr 70 jusqu’au 12 inclus. Le 13 elle donnera 4 tickets.

11 Aout : Le Docteur Louis Boucher et sa femme sont venus me voir. Anna a beaucoup vieilli ; ils s’ennuient tous deux de ne pouvoir habiter leur maison qui n’est pas terminée.

12 Aout : Henri Desenne m’écrit que son frère Albert est prisonnier à Soltau (où était Cornu).

13 Aout : Vendu à Girard de Myennes des vieilles mitrailles de cuivre jaune et des peaux de lapins pour 5 fr 25.

14 Aout : Madeleine Réglé s’est mariée aujourd’hui avec Louis Rondeau fils ainé d’Adrien, mobilisé près d’Orléans.

15 Aout : M. Bouvet ne peut se procurer du tabac qui manque partout. Nous attendons avec impatience l’arrivée du buraliste qui doit en apporter ce soir.

17 Aout : Le Percepteur viendra samedi 24 payer les allocations militaires. Rosalie a apporté notre ration de pain pour 4 jours ; elle a payé pour solde 3 fr 15 jusqu’au 20 inclus.

18 Aout : Envoyé à mon ami Ernest Frottier une requête de sursis pour M. Vassard gendre de Mme Gilbert Ricard pour lui permettre d’exploiter sa machine à battre.

20 Aout : M. Lapertot est venu me prier d’écrire à le Préfecture pour que sa fille puisse toucher de nouveau l’allocation militaire à la quelle lui donne droit la mobilisation de son mari, et qu’on lui a bêtement supprimée en 1915. Ah si elle avait eu 25 mille livres de rente !!! On l’aurait maintenue. J’écris à Ernest Frottier pour qu’il m’indique un moyen de faire cesser cette injustice.

21 Aout : J’ai envoyé à Mme Jeanne Perret ma voisine (11 quai de Loire), deux acrostiches pour sa fête.

23 Aout : Roger m’envoie une carte au crayon; il va bien mais ils sont tous très fatigués par les attaques successives qu’ils subissent près de Tracy le Val.

24 Aout : Emilie ma grande fille et sa petite Ginette m’ont écrit pour ma fête. Elles prennent les bains de mer à Soulac (Gironde) et profitent bien du soleil chez leur grand-mère.

26 Aout : M. Merlot m’a amené une grande et belle poche de charbon de bois.

27 Aout : J’ai fait une solution de 3 comprimés de saccharine pesant 2 gr chacun (soit 6 gr) dans 1 litre d’eau. La solution est très suffisamment sucrée. Il faut une petite cuillerée à café dans un verre. Pour 1 litre de lait la dose est une forte cuillerée à soupe.

31 Aout : Rosalie a touché sa semaine : 22 fr 50 qu’elle a employé à payer aux Docks, à la boucherie et divers achats.

1 Septembre : Louis me dit que son commandant est en permission et ne rentrera que le 10 d’où impossibilité de venir avant le 13 au plus tôt. Roger, lui ne voit pas de permission en vue avant longtemps, son régiment fait parti de l’armée du Général Humbert.

2 Septembre : M. Beauchef m’a dit qu’il payait en ce moment, la soudure (parties égales de plomb et étain) 7 fr le kg.

3 Septembre : Louis me dit que si Bonnejoy ne lui envoie pas d’argent, il ne pourra pas venir. Par la faute de cet infâme gredin, je serai privé du bonheur de voir mes enfants !

4 Septembre : Ginette m’envoie une petite carte de Soulac ; nos baigneurs, à son grand regret, vont revenir bientôt à Lyon qu’ils ont quitté depuis 1 mois, pour reprendre l’école.

5 Septembre : M. A. Chevaleau m’a fait présent d’un melon.

6 Septembre : Desenne est arrivé venant de Cosne. Ses enfants vont bien mais il y en à un qui est toujours dans la Marne.

9 Septembre : Louis Boucher est venu me voir , porteur d’une lettre de mon excellent ami Ernest Frottier qui l’a prié de me faire bien des amitiés ; il le charge de me dire qu’il écrirait ces jours-ci pour s’occuper le plus activement possible de ce problème de la fille de M. Lapertot.

12 Septembre : Mme Margot m’a apporté tabac et papier en me priant de vouloir bien faire des cigarettes pour son fils Louis, blessé et hospitalisé à Belley (Ain).

14 Septembre : Rosalie a touché 30 fr pour sa semaine de travail.

16 Septembre : Rosalie a conduit son fils à la gare à 3 h : il a emporté sa malle pour Paris. En revenant elle est allée faire 2 fagots dans l’ile et les a ramenés.

17 Septembre : Tante Lili (Félicie Billiard) m’a fait présent d’un petit melon qui était excellent.

18 Septembre : En sortant de l’usine, Rosalie est allée sur la route de Bonny où elle a trouvé un joli lot de champignons.

19 Septembre : Roger est arrivé en permission à 10 h. Son cousin le Docteur Louis Boucher l’a accompagné en auto et m’a fait don de 50 fr pour m’aider à fêter mon Poilu. Ils ont acheté du beurre (500 gr), une fiole d’eau de vie, du fromage de gruyère, une boite de « cornebeef », une de maquereaux payés chez Rondeau. Roger m’a apporté aussi une vingtaine de paquets de tabac (gros et fin) retenue de son attribution.

21 Septembre : Laurent dit Bourgoin à donner un double de pomme de terre pour Roger. Rosalie a payé sur son allocation et ses gages à l’usine : Une poche de charbon chez Merlot : 20 fr. – Epicerie Chez Milet avec arriérées : 19 fr 30. - Docks : Diverses fournitures : 6 fr 30 - Pain chez Rolland nouveau boulanger : 3 fr 70. = 49, 30.

22 Septembre : Roger a reçu une lettre de Bonnejoy et quelques sous. Il pense partir pour Paris mardi 24 ; il y verra les gens dont il a besoin et rejoindra son régiment le 30 aux environs de Montdidier.

23 Septembre : Louis Boucher est venu me prendre avec son auto et m’a ramené à 3 h. Nous avons déjeuné Roger et moi chez ces bons cousins très charitables.

24 Septembre : Roger est parti ce matin pour Paris et il rejoindra son bataillon le 30. C’est très court comme permission.

25 Septembre : Eugène Gaudron a permis à Rosalie d’aller sur l’ile faire des fagots de vieux bois en attendant que je puisse en avoir par le marchand.

26 Septembre : Ma nièce Marguerite Boucher est accouchée hier au soir d’une 3eme petite fille qui s’appelle Bernadette. Tout va bien

27 Septembre : Roger a été voir hier Bonnejoy qui va au Mans et lui a promis de l’argent pour dimanche: Si l’escroc tient sa promesse…

28 Septembre : Roger m’a envoyer 6 paquets de 40 gr scaferlati de la régie et 4 cahiers de Zob (papier à cigarette); il a sa provision (me dit il) et j’espère que le pauvre soldat ne s’est pas privé pour moi.

29 Septembre : Rosalie est allée sur l’ile Gaudron : elle a coupé et rapporté des endroits indiqués par Gaudron : 4 gros fagots de bois sec et 3 de bois vert. J’ai payé pour le passage aller et retour plus aide à l’embarquement et débarquement du bois : 1 fr 25.

30 Septembre : Rosalie est retournée sur l’ile à 7 h et n’est revenue qu’à 5 h du soir. Elle a fait beaucoup de fagots.et 50 perches qu’elle a rapporté en partie.

1 Octobre : J’ai payé les passages de Rosalie et j’ai dépensé une bouteille avec Gaudron qui me donne tout le bois que Rosalie pourra couper, sans qu’il en prélève sa part.

2 Octobre : J’ai pris à Mme Margé du Berry, un beau chou pomme et 12 tomates; elle était partie au moment de payer.

3 octobre : Vendange : Rosalie a vendangé hier et aujourd’hui pour Mme Fougerat qui lui a donné un joli panier de raisins.

6 octobre : Roger écrit au crayon une carte militaire ; il va à Bergues près de Dunkerque.

7 Octobre : Rosalie a dépensé hier sur sa semaine de paye à l’usine Fougerat : Boucherie, épicerie et pain : 18 fr 60 et a rapporté de l’ile quantité de belles perches à 5 h du soir.

8 Octobre : J’ai adressé à Henri Sadier le reliquat de ce que je lui devais depuis le 30 avril 1916 (9 fr) et lui ai demandé s’il voudrait me livrer 4 stères de moulée payable 10 fr par semaine.

9 Octobre : Sadier m’a envoyé 2 stères de bonne moulée : On ne peut pas être plus aimable et plus expéditif. Je n’en souviendrai et lui écrit ce soir un mot de remercîments. Le voiturier Chevau s’est légèrement écorché en prenant sa jument à la bride, au moment où la voiture franchissait l’entrée de la porte cochère ; ses reins ont porté contre le montant. Mon neveu Boucher m’a envoyé un panier de champignons (bolets, oronge, pieds de chat) j’en ai gardé un peu pour nous deux et ai donné le reste au voiturier.

10 Octobre : On m’a appris que M. Bouvet le chef de gare de Neuvy, était allé à Cosne se faire examiner par 2 Docteurs : L’un diagnostique une appendicite, l’autre un abcès au foie. Le dernier avait raison et le sujet sera opéré ce soir.

11 Octobre : J’ai réglé à Mme Margé les légumes que j’avais pris le 2 soit 1 fr 40 ; elle n’avait que choux et salades aujourd’hui.

13 Octobre : Rosalie est partie à 9 h pour grappiller dans les vignes ; elle est revenue à 5 h 30 avec environ 25 kg de beau raisin noir et blanc dont nous ferons une excellente boisson.

14 Octobre : Rosalie est repartie grappiller dans les mêmes parages vers Bonny et elle a encore rapporté 20 kg de raisin.

16 Octobre : Rosalie est parti pour Gardefort afin d’essayer de trouver des fromages et du lait. Elle a rapporté 2 litres de lait, 4 fromages et un setier (ancienne mesure) de crème, le tout pour 6 fr.

19 Octobre : Rosalie est partie après le travail à l’usine pour grappiller jusqu’au Sainjons. Elle rapporte 20 kg de raisin.

21 Octobre : M. Lapertot a emménagé hier et aujourd’hui chez Mme Billiard (14 quai de Loire) dans l’appartement du rez-de-chaussée qu’occupait la famille Lechien.

22 Octobre : Nos marchands n’ont plus d’allumettes d’aucune sorte.

23 Octobre : Roger m’envoie une photo de l’hôpital Complémentaire 121 à Coutances (Manche) où il est. Je ne sais pourquoi il est là-bas.

24 Octobre : J’ai vu hier le fils de Joseph Rolland, amputé de la jambe droite ; il n’a de pension que 700 fr.

29 Octobre : Eugène Gaudron est allé à Villeneuve-St-Georges voir ses enfants qui ont tous la grippe (grippe espagnole) et sont heureusement guéris ; mais à Paris et aux alentours elle prenait plutôt les jeunes et les foudroyait en 2 à 3 jours.

30 Octobre : J’ai vu Auguste Rondeau et Eugène Gaudron qui m’a dit que ses 2 petits fils avaient été pris de la grippe ; ils l’ont apporté de Villeneuve où les parents étaient atteints.

31 Octobre : Roger m’écrit qu’il est très bien soigné à l’hôpital. Mais de quoi ?

1 Novembre : M. Lapertot m’a donné des nouvelles de M. Bouvet qui est revenu chez lui à la gare et va lui-même aux Pelus prendre son lait. Les chirurgiens trouvant probablement le sujet trop fort et trop gras pour préciser leur diagnostic, le soumettent au régime lacté sévère durant un mois ou deux avant de se prononcer et d’opérer s’il y a lieu !!!

2 Novembre : Henri Sadier est venu me voir pour le bois qu’il m’a envoyé. Il est convenu que je lui enverrai de l’argent tous les mois en touchant mon allocation militaire.

3 Novembre : Rosalie est allée couper de grosses branches sur l’ile ; elle n’en a ramené qu’une partie ; Pierre Rondeau amènera le reste à la rampe demain matin. (En tout près de 100 branches).

4 novembre : Pierre Rondeau a ramené le bois et Rosalie l’a tout rentré à midi. Elle a eu chaud et froid en faisant le bois d’où fort rhum avec un peu de fièvre. M. Bouvet est venu me voir, le régime l’a beaucoup fait maigrir, mais il ne va pas mal.

5 Novembre : Ma sœur Félicie m’a apporté des haricots et Mme Boucher qui part pour Rouen m’a fait apporter des pommes de terre.

6 Novembre : Ces temps pluvieux exaspèrent la douleur de ma sciatique, je souffre continuellement. Pauvre espèce humaine !!! Comme disait mon excellent père.

8 Novembre : Roger écrit qu’il va mieux, sauf les yeux congestionnés par les bombes d’Arsyne dont son larynx avait souffert au début. Et Louis me dit qu’ils ont eu un début de fort rhume, pas de grippe; heureusement pas le bébé.

9 Novembre : J’ai a peu près fini de scier et ranger le bois que Rosalie a apporté de l’ile Gaudron.

10 Novembre : Rosalie dépose pour les provisions de la maison sur les 50 fr de sa paye à l’usine 38 fr 50 dont détail : Epicerie Docks et Milet : 14 fr 65 - Beauchef : 2 fr 20 - Boucherie : 8 fr 15 -Pain Roland ; 4 fr 75 - Pétrole : 3 fr 65 - Légumes : 5 fr10.

11 Novembre : On annonce ce soir la cessation des hostilités. Les boches auraient accepté toutes les conditions des alliés. Guillaume et le Kronprince ont fui en Hollande. Enfin l’atroce tuerie est terminée !!!

12 Novembre : Le fils de Joseph Rolland, amputé de la jambe droite est maintenant concierge à l’usine Corneau ; il dit que sa pension pouvait aller à 710 fr avec la médaille militaire.

13 Novembre : Pour fêter la fin de la guerre Rosalie est allée dans l’ile Gaudron couper des perches et des fagots : il y a en tout 28 bourrées, 60 perches et 3 cotrets que Pierre Rondeau amènera demain à la rampe.

17 Novembre : Louis m’écrit qu’il a assisté au "Te Deum" chanté dans la cathédrale de Périgueux avec la présence de l’Évêque qui a parlé superbement.

18 Novembre : Roger me dit qu’il sortira de l’hôpital bien dispo mais qu’il pense être encore plusieurs mois à la disposition de l’Autorité Militaire.

21 Novembre : Vente à M. Fontaine antiquaire à Cosne d’une psyché, une table de nuit, un chiffonnier Empire, une suspension, 2 vieilles chaises ; le tout pour 150 fr. Son fils Emile viendra lundi 25 et emmènera le lot dans sa voiture.

23 Novembre : Maurice de Fos m’écrit que le 2éme fils jumeau de notre ami de Larmandie a été tué le 4 novembre par un obus qui lui a enlevé la tête et le bras gauche. Il y en a qui sont vraiment trop martyrisés par la hideuse fatalité, dont quoiqu’on puisse dire, nous sommes tous les jouets !

30 Novembre : Louis me dit qu’ils vont tous bien mais il ne pense pas être libre avant 4 à 5 mois.

3 Décembre : Mes neveux, André Billiard et Louis Boucher, sont arrivés de Rouen en auto pour quelques jours ici.

4 Décembre : Rosalie est partie sur l’ile mais la crue de Loire avait passé presque partout. Elle a eu beaucoup de peine et s’est mouillée dans des endroits vaseux.

8 Décembre : Louis me demande d’installer ici sa femme et son fils. L’imbécile administration de la guerre envoie le lieutenant estropie, rejoindre le dépôt de son régiment à Béthume où il ne peut trouver à loger sa famille !!! J’ai répondu que, vu les circonstances ma position et mon état, je ne puis recevoir mes enfants : « Il ne viendra donc pas un Robespierre pour passer à la guillotine tous les bureaucrates de l’armée et les autres ! »

9 Décembre : Desenne m’écrit que son fils ainé est revenu de Prusse ; il est amaigri mais l’état général est bon, mais comme il a pris du gaz il s’en ressent un peu.

12 Décembre : Louis m’écrit qu’il viendra environ un mois avec sa femme et son fiston qui passeront le reste du temps à Autun.

13 Décembre : Roger me dit qu’il est à Paris depuis quelques jours et qu’il ne peut venir faute de fonds, puis pour s’occuper d’une place après la terminaison de toutes les suites de la guerre.

14 Décembre : Comme toujours à la sortie du travail de l’usine, Rosalie part chercher vers Gardefort et voisinage du lait, du fromage, de la crème…

15 Décembre : Louis Margot est venu me voir et me raconté l’histoire de ses blessures, son transport aux divers hôpitaux, sa sortie et sa guérison.

16 Décembre : Roger s’occupe de son certificat de présence au corps, des divers renseignements pour augmenter sa solde 133 fr par mois.

17 Décembre : Anniversaire : J’ai 70 ans à midi : Si j’étais mort il y a 40 ans, j’aurais eu à me louer de la destinée… Quelle vilaine chose que la vie ! Que de douleurs physiques et morales sans aucune compensation.

18 Décembre : Louis ne peut me dire quand il viendra, cela est subordonné au départ de son régiment pour le dépôt à Béthume.

23 Décembre : Le feu a pris ce matin dans la cheminée de la cuisine et l’a bien mieux ramonée que Chevrier.

24 Décembre : Roger part rejoindre son dépôt le 26 à St Pierre le Moutier ; il me donnera son adresse.

25 Décembre : Mollette et son fils sont venus ce soir descendre ma commode, le lit de fer de Rosalie et sa petite armoire dans ma chambre du rez-de-chaussée : Je n’aurai plus la peine de monter ou faire monter pour avoir mon linge et appeler, la nuit quand je suis souffrant.

26 Décembre : Crue de la Loire : On annonce 2 m 75 à l’étiage de Cosne soit 3 m 05 à Neuvy pour demain. L’eau affleure la crête du quai à la madeleine et débordera un peu à ce point là.

27 Décembre : Louis ne sait quand il viendra avec sa famille ; il se plaint de la cherté des vivres, les américains payant n’importe quel prix. Le Docteur Louis Boucher me souhaite une bonne année et sante ; sa femme Anna depuis 8 jours est prise de grippe infectieuse typique, malgré les soins la fièvre ne baisse pas.

31 Décembre : Mon petit chien Toc que j’avais eu le tort de ne pas laisser à la chaine, s’est encore esquivé ce matin, à la sortie de Rosalie.